Pays et villes

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NICE

Nice est une grande ville située sur la Méditerranée, à trente kilomètres de la frontière italienne, jadis savoyarde, et qui n’a été rattachée à la France qu’en 1860. Elle est peuplée aujourd’hui de 350 000 habitants (près d’un million dans l’agglomération), mais n’en comptait que 88 000 en 1890. Elle doit son essor et sa rapide croissance démographique au développement du tourisme.

Mirbeau est certainement venu à Nice au cours des années 1870 et au début des années 1880, mais ces premières visites ne sont pas attestées. Il faut attendre 1890 pour que, le 11 janvier de cette année-là, fuyant l’épidémie d’influenza qui « envenime » Les Damps, il se réfugie de nouveau sur la Côte d’Azur, non plus à Menton, mais à Nice cette fois, où il passe les premiers jours à l’hôtel, sans doute au Grand Hôtel. C’est à Nice qu’il achève Sébastien Roch dans la hâte et dans la fièvre et c’est de Nice que, le 23 janvier, il intervient dans l’affaire d’Olympia à la demande de Claude Monet, par une lettre publique adressée à Francis Magnard. À une date indéterminée, il s’est installé dans la Villa Costa Bella, sur la route de Villefranche, qu’il a quittée vers la fin mars pour se reposer à l’Hôtel des Anglais à Menton : il se plaint alors «  d’un rhume effroyable » qu’il a attrapé « dans cet affreux courant d’air qu’est Nice ».  Il séjourne de nouveau à Nice en janvier 1901, Il y a déniché « une villa très drôle, avec un magnifique jardin, et une splendide vue de mer » : la Villa Ibrahim, Chemin des Baumettes. Il s’agit d’une villa ancienne, de style mauresque – d’où son nom –, située sur la colline des Baumettes, au milieu d’eucalyptus géants, au-delà d’une grille ouvragée de fer forgé. En novembre 1911, Maurice Maeterlinck en fera l’acquisition et la rebaptisera « Les Abeilles ». Mirbeau y est resté jusqu’à la mi-avril 1901 et y a achevé Les affaires sont les affaires.

Il est étonnant que, dans son œuvre, la région niçoise soit aussi totalement absente, en dehors de « Jour de congé » (Le Journal, 21 avril 1901), où est évoqué le funiculaire qui monte à La Turbie.

P. M.  

 


NOIRMOUTIER

Accompagné d’Alice Regnault, Mirbeau a passé un peu plus de quatre mois dans cette île de Vendée, de la fin juillet au début décembre 1886. Il y a loué une maison au Pélavé et, le 5 août, il exprime son enthousiasme dans une lettre à Paul Hervieu : « Nous sommes à Noirmoutier, dans l'enchantement du pays, du climat, des grenadiers, des eucalyptus, des lauriers roses, des mimosas, toute la flore méridionale. Notre maison est adossée à un très beau bois ; en face de nous, une plaine et la vue de Noirmoutier, de son clocher, de son vieux château qui se dresse au-dessus d'un bouquet de verdure. À gauche, c'est une plaine d'une mélancolie admirable, semée de barges de sel, avec des bras de mer qui s'enfoncent, tout bleus dans les terres, et à l'horizon, le grand large, sombre, terrible. Je n'ai jamais vu un pays où les fruits poussent plus beaux, plus abondants, où les indigènes soient plus doux, plus agréables, plus insouciants, d'une expression de physionomie plus fine : je crois que nous avons découvert le Paradis ; et si vous ne venez pas nous voir, vous serez impardonnable. Jamais il ne gèle, dans le pays, et il y pleut rarement. »

Quelques jours plus tard, dans « Notes de voyage » (Gil Blas, 10 août 1886), il décrit ainsi la vue qu’il a de chez lui : « Ma maison, rustique et sans piano, s’adosse au bois ; une allée quadrangulaire de chênes géants en délimite l’enclos. Le jardin herbu est plein de fleurs, les arbres fruitiers ploient jusqu’à terre leurs branches chargées de la bonne moisson d’automne. Le mimosa, le grenadier, l’eucalyptus et le laurier-rose y poussent aussi forts, aussi parfumés, que sous le ciel du Midi. Entre les ramures des chênes, j’aperçois, devant moi, une plaine que paissent les troupeaux de vaches et les petits ânes vagabonds et gais, une plaine que ferme Noirmoutier, avec le clocher blanc de son église, et les tours de son vieux château. »

Au cours de ce séjour à Noirmoutier, Mirbeau a achevé douloureusement Le Calvaire, qui paraît le 23 novembre 1886 chez Ollendorff. Il a aussi durement bataillé, mais en vain, avec la revancharde Juliette Adam, qui refusait de publier le scandaleux chapitre II dans La Nouvelle revue. Fin novembre, il a reçu la visite de Claude Monet, venu à contre-cœur de Belle-Île, sur les instances de son ami, mais qui a été enchanté par les paysages de l’île.

P. M.

 

            Bibliographie : Octave Mirbeau, Noirmoutier, Séquences, Rezé, 1992 ; Jean-François Nivet, préface de Noirmoutier, loc. cit., pp. 7-22.

 

 

 


NORMANDIE

Mirbeau était un Normand, un de ces « hommes du Nord » dont les ancêtres, aux temps anciens des invasions Vikings, étaient venus du Jutland, « ce pays d’où je suis parti, il y a des siècles, dans une barque de cuir à deux voles », pour s’installer dans l’Ouest de la France, comme il l’écrit plaisamment dans une lettre à Paul Hervieu du 19 août 1900. Il était même doublement normand : du côté maternel, il était Calvadosien (il est né à Trévières) ; du côté paternel, il était Percheron (il a passé toute sa jeunesse à Rémalard, Orne). Il est resté toute sa vie fidèle à sa province d’origine, il y est retourné en 1885 pour passer plusieurs mois à Laigle, dans l’Orne, puis s’est installé en 1889 aux Damps (Eure), où il a passé quatre ans. Ce sont les paysages du Perche qu’il évoque dans nombre de contes et de romans ; ce sont les toponymes du Perche qui reviennent le plus souvent sous sa plume ; ce sont les paysans normands et les petits-bourgeois des villages du Perche qui peuplent ses contes, et c’est le bourg de Rémalard que l’on peut retrouver dans ses trois premiers romans officiels, dits autobiographiques. Enfin, c’est en Haute-Normandie, dans l’Eure, qu’il a situé Le Mesnil-Roy, le bourg, inspiré de Pont-de-l’Arche, où Célestine se retrouve femme de chambre chez les Lanlaire.

L’image que Mirbeau donne des Normands est fort différente de celle des Bretons. Certes, pour la plupart des habitants de l’époque, la pauvreté, voire la misère, est la règle, comme en Bretagne, et la vie est dure aussi, comme on le voit par exemple dans « La Mort du père Dugué », elle peut même être terrible (voir notamment  « L’Enfant » et « Les Bouches inutiles », L’Écho de Paris, 25 juillet 1893) ; mais l’impression prévaut que la terre y est plus fertile, que la Normandie possède plus de richesses agricoles que la Bretagne et que les paysans y sont plus rusés, plus impitoyables et plus âpres au gain (sur le mode cocasse, voir « La Justice de paix », La France, 24 juillet 1885). Certes, l’emprise de l’Église romaine et des politiciens réactionnaires qui sont ses complices y est aussi prégnante qu’en Bretagne ; mais on ne retrouve pas, en Normandie, le mysticisme breton, ni la naïveté qui prédispose les ouailles morbihannaises à se laisser tondre par leurs recteurs (voir « Monsieur le Recteur », L’Écho de Paris, 17 septembre 1889, ou « Un baptême », L’Écho de Paris, 7 juillet 1891) : le paysan normand ne se laisse pas duper aussi aisément, il est plus retors, il a plus de souplesse et de malices dans son sac (voir par exemple « La Confession de Gibory », Gil Blas, 18 mai 1886). Bref, quelle que soit la tendresse que, malgré tout, il lui voue, à cause de ses conditions de vie difficiles et de son attachement viscéral à la terre nourricière, le paysan normand vu par Mirbeau suscite moins la pitié qu’un sentiment d’étrangeté, qui peut, par voie de conséquence, tourner au comique, lors même que la situation évoquée est très dure et que la mort est au rendez-vous (par exemple, dans « Avant l’enterrement », Gil Blas, 19 avril 1887).

À cette apparente « insensibilité », dont Mirbeau se demande si elle témoigne d’un stoïcisme admirable ou d’une totale absence de pitié qui serait plutôt à « maudire » (voir « Le Père Nicolas », La France, 21 juillet 1885), s’ajoutent des traits qui sont tout aussi peu à l’avantage du paysan normand, qui n’attire pas vraiment la sympathie : il vit souvent dans la saleté, il ignore l’hygiène, il est superstitieux, et il est de surcroît bien souvent trop porté sur l’alcool, qui désinhibe la violence ; les enfants lui sont généralement indifférents et leur mort ne semble pas l’affecter (voir « La Tristesse de Maît' Pitaut », Gil Blas, 30 août 1887, et « L’Enfant ») ; l’homme brutalise volontiers sa compagne (« Avant l’enterrement ») ; quant aux relations sociales, elles sont marquées au coin de la violence et le meurtre rôde en permanence. Malgré cette image peu reluisante qu’il nous en donne, Mirbeau ne cesse de présenter les circonstances largement atténuantes qu’il convient, en toute justice, d’accorder au paysan normand : l’âpreté de la question d’argent et le recours à la brutalité dans la lutte pour la vie sont la conséquence de l’injustice sociale criante (voir « L’Enfant » et « Les Bouches inutiles »)  ; quant à l’inculture et à la superstition, elles sont le fruit du cléricalisme dominant et de l’indifférence de l’État et des politiciens au pouvoir. Bref, les paysans normands sont, tout bien pesé, plus à plaindre qu’à blâmer, car ils sont la victime de cette mauvaise organisation sociale que Mirbeau ne cesse de vitupérer et qu’il souhaite abattre.

Voir aussi les notices Trévières, Rémalard, Laigle, Les Damps et surtout Perche.

P. M.

 

Bibliographie : Reginald Carr, « L’Image de la Normandie à travers Le Journal ‘une femme de chambre », in Colloque Octave Mirbeau, Actes du colloque du Prieuré Saint-Michel de Crouttes, Éditions du Demi-Cercle, 1994, pp. 69-80 ; Max Coiffait, Le Perche vu par Octave Mirbeau (et réciproquement), Éditions de l’Étrave, Verrières, 2006 ; Martine Gasnier, « Le Paysan normand dans l’œuvre d’Octave Mirbeau », in Colloque Octave Mirbeau, Éditions du Demi-Cercle, 1994, pp. 61-68  ; Claude Herzfeld, « L'Ouest méduséen des nouvelles d'Octave Mirbeau », in La Nouvelle dans l'Ouest, l'Ouest dans la nouvelle, Presses de l'Université d'Angers, 2000, pp. 143-156 ; Pierre Michel, « Octave Mirbeau de Rémalard », in Colloque Octave Mirbeau, Éditions du Demi-Cercle, 1994, pp. 19-34 ; Pierre Michel, « Les Hommes de l'Ouest dans les nouvelles de Mirbeau », in La Nouvelle dans l'Ouest, l'Ouest dans la nouvelle, Presses de l'Université d'Angers, 2000, pp. 157-168 ; Jean Vigile, « Le Perche et Mirbeau », in Colloque Octave Mirbeau, Éditions du Demi-Cercle, 1994, pp. 19-34.


NORVEGE

La présence de Mirbeau en Norvège est des plus restreintes, mais elle est loin d’être nulle. Il est vrai que les traductions publiées de ses œuvres se limitent à deux : Abbed Julius (L’Abbé Jules), paru en 1919 à Kristiania [Oslo], chez Martin, dans la collection « Martins Standard Kronebind », n° 126 – mais il pourrait bien s’agir en réalité de la même traduction de P. Grove qu’en danois, les deux langues n’étant pas encore nettement différenciées ; et Skrupler (Scrupules), publié à Oslo à une date imprécise [vers 1940 ?] et réédité en 1949. Même si on y ajoute la traduction, non publiée, de Les affaires sont les affaires, Forretning er forretning, comédie qui a été à coup sûr représentée, à une date restant à préciser, c’est dérisoirement peu. Pour ce qui est de l’accueil critique, une recension des articles reste à faire pour en avoir une idée. En attendant cette étude de réception, nous ne pouvons signaler que le chapitre consacré au Jardin des supplices par le poète et romancier Stig Sæterbakken, dans Estetisk salighet [“le bonheur esthétique”] (Oslo, Cappelen, 1994) et le mémoire dactylographié de Hildur Odland, La Dimension énonciative du journal intime romanesque, soutenu à l’université de Bergen en 1995 et qui ne porte pas seulement sur le journal de Célestine.

Le plus intéressant, en fait, est le rôle joué par Mirbeau dans la découverte et la reconnaissance, en France, des trois plus grands écrivains norvégiens de l’époque : Henrik Ibsen, Bjørnstjerne Bjørnson et surtout Knut Hamsun, auquel il a consacré, dans Le Journal du 19 mars 1895, un important article, qui a longtemps servi de préface aux multiples éditions de La Faim. Très admiratif du théâtre norvégien, Mirbeau s’amuse à faire dialoguer un critique dramatique et un abonné de l’Œuvre, également misonéistes et xénophobes, qui se scandalisent qu’il n’y en ait plus que pour les Norvégiens, envahisseurs venus du froid et qui n’ont certes pas de leçons à nous donner, comme si la France ne possédait pas, pour sa gloire, « Labiche et Gondinet » (« Entracte à l’Œuvre », 24 janvier 1897. Quelques jours plus tard, dans une réponse à une enquête, Mirbeau affirme que les pièces d’Ibsen et de Bjørnson ont été des révélations, « en nous apprenant que, par-delà les âmes d'auteurs aux prises avec la technique de M. Francisque Sarcey, il existe des âmes humaines aux prises avec elles-mêmes et avec la vie sociale, et qu'il est peut-être intéressant de s'en occuper ». Il faut donc « leur être reconnaissant » d’avoir eu ne serait-ce que « ce résultat, négatif, mais important, de nous révéler la honteuse routine et l'indicible pauvreté de notre actuelle littérature dramatique ». Et de conclure : « Nous devons donc soutenir énergiquement la littérature dramatique scandinave, puisque c'est à elle seule, aujourd'hui, que nous devons d'éprouver, au théâtre, de fortes joies et de nobles émotions » (La Revue blanche, 15 février 1897). Au contraire, pour Zola, qui répond à la même enquête,  Ibsen et Bjørnson « ne nous ont rien appris ».

Voir aussi les notices Bjørnson, Hamsun et Ibsen.


P. M.

 

 

 

 


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