Oeuvres
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PARIS DESHABILLE |
Publié en 1991 aux éditions de l’Échoppe, à Caen, Paris déshabillé (70 pages) est un recueil d'une série de sept articles d'ethnologie parisienne parus, sous ce titre générique, du 12 juin au 29 octobre 1880, dans les colonnes du Gaulois, et jusqu’alors inédits en volume : « Tous anémiques », « Les Nerveux » , « Miss Zaeo », « Maison neuve », « Le Bon Docteur », « Le Petit père Constantin » et « À propos de la morphine ». Ces articles se situent dans le droit fil de la série quasiment quotidienne de « La Journée parisienne », signée du pseudonyme collectif Tout-Paris, ce qui fait que les nombreuses chroniques de Mirbeau, qui en avait la charge, ne sont pas toutes identifiables avec certitude. On y trouvait un peu de tout, des considérations politiques ou littéraires aussi bien que des fantaisies ou des contes, mais la majorité de ces brefs articles était destinée à révéler au lectorat mondain du Gaulois des aspects ou des quartiers de Paris qui lui étaient généralement inconnus. Le titre quelque peu aguicheur choisi par Mirbeau pour la série qu’il signe de son nom souligne le côté révélation qu’il entend développer : il s’agit déjà pour lui de nous dévoiler des aspects de la vie moderne auxquels nous ne sommes pas forcément ouverts, de nous faire découvrir ce qu’il y a derrière l’apparence superficielle des êtres et des choses, et, pour ce faire, de recourir à des anecdotes exemplaires, qui en disent souvent plus long que bien des livres sur la réalité de la vie : le destin de quelques personnes bien choisies et représentatives d’une pratique, d’une mode ou d’une classe permet de passer du particulier au général et de mieux saisir les grandes tendances d’une époque . En l’occurrence, dans « Miss Zaeo », il nous introduit dans les coulisses du cirque, nous apprenant au passage que les belles écuyères et gymnastes, si recherchées sur le marché du sexe, sont en réalité fort chastes, ce qui les place dans une situation difficile (thème que Mirbeau développera deux ans plus tard dans L’Écuyère, roman paru sous pseudonyme) ; dans « Maison neuve », il nous fait visiter les appartements intimes de l’hôtel particulier, sis rue Barbet de Jouy , que vient d’aménager la millionnaire et fantasque marquise Arconati Visconti, fille du sénateur républicain Alphonse Peyrat ; dans « Le Petit père Constantin », c‘est dans les coulisses de la Bourse qu’il nous fait pénétrer par le truchement d’un boursicoteur au flair exceptionnel et au destin des plus curieux ; dans « Le Bon Docteur », on découvre le secret de ce médecin d’ascendance anglaise, Campbell, fort recherché des femmes du monde, mais qui était passé en réalité sous la férule de sa bonne, Victorine. Enfin, dans « Tous anémiques », « Les Nerveux » et « À propos de la morphine » , Mirbeau recense quelques-uns des symptômes de la décadence d'une société névrosée, qui s’anémie faute de goût pour la vie, ou qui vit sur les nerfs et s’épuise prématurément, ou qui, pour tenir, doit de plus en plus recourir aux « paradis artificiels », et au premier chef à la morphine, « dernier cri » et « mode du jour », qui est en fait le fruit de la « maladie incurable du siècle » : la perte de toutes les illusions et la surenchère dans la quête effrénée et mortifère du plaisir. Voir aussi les notices Plaisir, Enfer, Suicide, Cirque et Complexe d’Asmodée. P. M.
Bibliographie : Jean-François Nivet et Pierre Michel, préface de Paris déshabillé, L’Échoppe, 1991, pp. 7-12.
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PARIS-MIDI PARIS-MINUIT |
Paris-Midi Paris-Minuit est un journal bi-quotidien d’informations rapides et de grand format, qui a vécu du 15 janvier 1883 au 18 avril 1883, soit 136 numéros de quatre pages en à peine plus de trois mois. Il y avait deux éditions, l’une vers midi et l’autre en fin de soirée, d’où le titre. Il était vendu à la criée, sur les boulevards et dans le centre de Paris. Mirbeau en était le rédacteur en chef et quasiment le seul rédacteur. Il y a signé l’avis « À nos lecteurs » du premier numéro, le seul texte qui ne soit pas resté anonyme. Il y témoigne de la prise de conscience de la mondialisation de l’information et de la vitesse de sa transmission. Mais ce qui déconcerte, de la part d’un écrivain engagé et amateur de beau style, c’est le choix de l’information brute, sans ces commentaires oiseux qu’il qualifie de « tartines » : à la presse de l’époque, qui se prétend « littéraire », il oppose la priorité de la nouvelle toute chaude, au fil de l’actualité. L’ennui est que, du coup, il risque de ne pas être en mesure, faute de distance et de possibilité de procéder à des analyses plus approfondies, de parvenir à démasquer les coquins comme il le souhaite. Il s’y emploiera tout autrement dans Les Grimaces, dont le premier numéro paraîtra le 21 juillet 1883. Parmi les brefs articles anonymes, signalons un articulet qui dénonce et renvoie dos à dos les deux visages de l’antisémitisme contemporain, celui de la droite catholique et celui de l’extrême gauche anti-capitaliste (31 janvier 1883) ; le compte rendu d’une pièce de Jules Claretie, Monsieur le Ministre, qui a été « un four » (3 février 1883) ; un bref article dénonçant les diktats des comédiens, à l’occasion de la lecture d’une pièce de Jean Aicard (7 février 1883) ; l’élogieux compte rendu du Nouveau monde, de Villiers de l’Isle-Adam (20 février 1883) ; celui de l’opéra de Saint-Saëns Henri VIII (« Coulisses », 6 mars 1883) ; une notule sur Les Ridicules du temps, de Barbey d’Aurevilly (« Librairie », 6 mars 1883) ; et la recension d’un ouvrage intitulé La Race sémitique, où Mirbeau loue l’auteur, Théodore Vibert, pour avoir rendu « un grand service à la démocratie » en restituant « aux enfants de Sem la place qui leur appartient légitimement dans l’histoire » (31 mars 1883). P. M.
Bibliographie : Pierre Michel, « Paris-Midi Paris-Minuit », Cahiers Octave Mirbeau, n° 5, mai 1998, pp. 206-222.
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PAUL GAUGUIN |
Il s’agit d’une plaquette de 46 pages, petit format, parue à La Rochelle, à la Rumeur des Âges, en octobre 2003. Publiée à l’occasion d’une exposition Gauguin à Paris, elle comporte, sans présentation ni notes, les trois articles de Mirbeau sur Paul Gauguin : les deux de février 1891, intitulés « Paul Gauguin » et parus dans Le Figaro et L’Écho de Paris, et celui du 14 novembre 1893 dans L’Écho de Paris, « Retour de Tahiti » (ils ont été recueillis dans les Combats esthétiques). Voir la notice Gauguin.
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PETIT ABECEDAIRE DE L'INSOLENCE |
C’est sous ce titre que Jean-François Nivet a fait paraître, en 1996, chez Séguier, dans la collection « Carré d'humeur », n° 21, un petit volume de 61 pages, qui constitue un recueil d’une centaine de citations de Mirbeau. Elles sont classées par entrées (Académie, Auteurs, Comédie-Française, Critiques littéraires, etc.), en suivant l’ordre alphabétique. Il est évidemment intéressant de voir regroupées des citations bien choisies, qui peuvent donner envie d’en savoir plus sur l’écrivain et de partir à la découverte de son œuvre. On regrette toutefois l’absence d’entrées aussi indispensables, pour la compréhension des idées et des engagements de Mirbeau, qu’Amour, Anarchie, École, Idéal, Littérature, Meurtre, Philanthropie, Presse ou Religion. P. M.
Bibliographie : Jean-François Nivet, « Octave Mirbeau, celui qui supplicie », préface de Petit abécédaire de l’insolence, Séguier, 1996, pp. 7-11.
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PETITS POEMES PARISENS |
Sous ce titre a été publiée, en avril 1994, aux éditions À l’écart, à Alluyes, un petit volume de 114 pages, abondamment illustré et annoté. Il s’agit d’une anthologie de 18 textes (sur un total de 27), qui ont paru, au cours des premiers mois de 1882, dans les colonnes du Gaulois, et qui sont signés du pseudonyme de Gardéniac. Ce pseudonyme est attesté, le 24 avril 1882, en page 4 du Gaulois, par un « Écho des théâtres » signé Arthur Cantel. Il est à remarquer également que Mirbeau reprendra en partie un de ces textes, « Le Petit modèle », dans « Le Petit mendiant » des Lettres de ma chaumière (1885); et qu’il fait intervenir à deux reprises, le 3 et le 27 mars, la comtesse Denise de la Verdurette, que l’on retrouve aussi dans plusieurs des textes signés Tout-Paris, en 1880-1881, et dans une des Lettres de ma chaumière signées Mirbeau, en 1885. La référence à Baudelaire y est évidente, bien au-delà du titre de la série, qui ne saurait manquer de rappeler ses Petits poèmes en prose, connus aussi sous le nom de Spleen de Paris : c’est Paris qui constitue aussi une source d’inspiration et de réflexion ; et on y retrouve sa conception du plaisir mortifère (voir surtout Le Bal des canotiers »), que Mirbeau développera dans Le Calvaire (1886), et une vision du monde foncièrement pessimiste, qui inspire parfois « des désirs de mort ». Plusieurs de ces textes s’inscrivent effectivement dans la continuité des poèmes en prose du maître, notamment : « Rose et gris » (15 mars), « Le Bal des canotiers » (18 juillet), « Courrier du matin » (13 mars), « La Tristesse du remisier » (25 février), ou « Deux paysages » (24 avril). Ils sont courts et rédigés dans une « prose poétique, musicale, sans rythme et sans rime » ; Mirbeau y recourt au contrepoint et au leitmotiv ; comme les impressionnistes, il cherche à saisir l’instant et à capter la lumière ; et il y exprime des sentiments marqués au coin de la mélancolie, du spleen et du mal de vivre. D’autres textes se rapprochent davantage du conte et pourraient tout naturellement prendre place parmi les Contes cruels : par exemple, « Mort fou » (7 mars), « Bal d’anges » (18 mars) , « Dette d’honneur » (26 mars), « Le Petit modèle » (30 mars), « Mort subite », 20 avril) ou « Un fait divers » (25 avril). Noire est la vision que Mirbeau nous donne des humains : la femme y joue déjà le rôle qui, à l’en croire, lui a été imparti par la marâtre Nature : celui de piéger les hommes ; lesquels, pour leur part, apparaissent singulièrement égoïstes, naïfs et stupides et se laissent dominer au nom de “l’amour”. D’autres textes relèvent plutôt de la satire et de la cocasserie, par exemple les lettres de Bolivar Rastacouère (23 et 31 mars), ou « Lendemain d’hyménée » (6 avril), où Mirbeau ironise sur le compte de Sarah Bernhardt. D’autres encore sont plus proches de la chronique : par exemple, « L’Art et la mode » (22 février), « Potaches » (20 juillet), ou « Paulus », 24 juillet). Tout se passe, comme si Mirbeau tentait déjà, comme il le fera par la suite, d'effacer les frontières entre les genres littéraires. Il a été relevé avec beaucoup d’intérêt que Mirbeau-Gardéniac cite pour la première fois, dans « Rose et gris », un sonnet connu sous le nom de « Poison perdu », qui est le plus souvent attribué à Rimbaud, parfois à Germain Nouveau, voire au peintre Jean-Louis Forain, qui fréquentait alors Mirbeau, Rimbaud et Nouveau. Mais on ignore comment le manuscrit de ce poème inédit a pu tomber entre les mains de Mirbeau. Sur le problème posé par le mystérieux « Poison perdu », voir l'article de Jean-Paul Goujon (Cahiers Octave Mirbeau, n° 3, 1996) et l’article de Pierre Michel (Cahiers Octave Mirbeau, n° 5, 1998). P. M.
Bibliographie : Pierre Michel, Préface des Petits poèmes parisiens, À l’écart, 1994, pp. 5-18.
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PREMIERES CHRONIQUES ESTHETIQUES |
Sous ce titre a été publié en 1996, par la Société Octave Mirbeau et les Presses de l’Université d’Angers, un volume de 358 pages qui comporte soixante-dix-huit articles sur l’art parus sous pseudonyme entre 1874 et 1882, dans L’Ordre de Paris, Le Gaulois et Paris-Journal. On y trouve surtout les « Salons » de 1874, 1875 et 1876, parus sous la signature d’un fruit sec du nom d’Émile Hervet, journaliste politique bonapartiste bien en peine d’intervenir dans un domaine auquel il n’entendait rien. Nous ignorons quelle a été exactement la marge de manœuvre du “nègre”, et il est bien possible que certains éloges, à l’adresse de peintres d’obédience bonapartiste, par exemple, relèvent plus du politique que de l’esthétique. Il semble néanmoins que Mirbeau ait disposé d’une assez grande latitude, les choses de l’art étant considérées comme de moindre importance dans le quotidien de l’Appel au Peuple. On retrouve en effet les critères d'appréciation du futur grand critique d’art, ses valeurs esthétiques, ses exécrations et ses coups de cœur, et aussi ses mots, ses tics, ses procédés de prédilection, son humour désopilant, son sens de la dérision, son style si caractéristique et qui reflète si bien son « tempérament » d'exception.
Dans un journal politiquement conservateur, dont le titre constitue tout un programme, et dont le lectorat respecte aveuglément les institutions consacrées par la tradition, Mirbeau s'attaque à bras raccourcis à toutes les gloires piédestalisées (Bouguereau, Bonnat, Cabanel, Carolus-Duran, Benjamin-Constant), au système politique et administratif qui assure le triomphe des « médiocres » et des « nullités », et au public bourgeois de « gros prud'hommes » misonéistes, qui admirent dévotement les croûtes surdimensionnées qu'on présente à leur adoration. Dès son premier article, le 3 mai 1874, il proclame que, « si les beaux-arts vivent en France, c'est bien malgré la politique » et que les vrais talents ne font ni bruit, ni réclame. Sa tête de Turc préférée est déjà Alexandre Cabanel, qui n'est pas seulement inapte à la peinture et au dessin (voir par exemple l’article du 4 mai 1876, où Mirbeau tourne en dérision une de ses toiles), mais surtout le dictateur incontesté qui règne en tout arbitraire sur le Salon – qu’il surnomme « la maison Cabanel » – et qui impose ses normes, protège ses élèves et distribue médailles et commandes de l'État.
Les véritables artistes, que Mirbeau révère déjà, ce sont ceux qui, même s'il leur arrive d'exposer au Salon, poursuivent fièrement leurs œuvres, sans se soucier des cris d'orfraie des uns et des petites ambitions des autres : Pierre Puvis de Chavannes, « le seul à qui la grande peinture soit permise », parce qu'il a « une individualité artistique d'une rare élévation » et « un style magistral » (9 mai 1874) ; Camille Corot, auteur d'« admirables paysages » (7 mai 1874) ; et Édouard Manet, dont la peinture « à la va-te-faire-fiche », mais « juste » et « vivante », jette les bourgeois « dans des rages incommensurables » et leur fait dresser les cheveux sur la tête (28 juin 1874). Certes, dans ses jugements, le critique débutant accorde encore de l’importance à la composition et au dessin, ce qui est symptomatique de ses difficultés d’alors à rompre radicalement avec tous les présupposés de la peinture traditionnelle, et à comprendre et à vraiment apprécier les innovations de ceux que les critiques qualifient d'« intransigeants » et qui, justement, n’exposent pas au Salon. C’est seulement quand il fréquentera Monet, Renoir, Raffaëlli et Pissarro que Mirbeau sera à même de s’initier durablement à leur art. Mais, si son évolution est incontestable, la continuité n’en est pas moins éloquente entre ses premières chroniques et celles de sa maturité : même horreur de l'académisme et de ses pompes, de son léchage et de son « blaireautage », de ses sujets conventionnels et de ses personnages en carton-pâte, en cire ou en chocolat ; même refus des « recettes », qui ne sont que des « éteignoirs » (7 juin 1876) ; même indifférence aux sujets traités ; même primauté de l'émotion, de la subjectivité et de la sensibilité propre de l'artiste, qui importent infiniment plus que l'anecdote ; même méfiance à l'égard des écoles constituées, auxquelles il oppose « les leçons de Madame la Nature » (24 mai 1876) ; et même affirmation de la nécessité, pour l'artiste, de voir la Nature par lui-même, avec ses propres yeux, et non à travers les verres déformants de la sacro-sainte tradition et de l'École, ce qui implique une véritable ascèse. Les futurs grands combats esthétiques que va mener Mirbeau s'inscrivent dans le droit fil des premiers « Salons » de L'Ordre, où il fait ses preuves et ses gammes, où il porte les premiers coups à un système artistique encore très puissant et où il s'échine déjà à promouvoir des talents inconnus. P. M.
Bibliographie : Claude Herzfeld, Octave Mirbeau – Aspects de la vie et de l’œuvre, L’Harmattan, 2008, pp. 244-256 ; Christian Limousin, « Octave Mirbeau, critique d’art “nègre” », Cahiers Octave Mirbeau, n° 3, 1996, pp. 95-109 ; Pierre Michel, « Les débuts d’un justicier », préface des Premières chroniques esthétiques, Presses de l’Université d’Angers, 1996, pp. 5-17.
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