Pays et villes

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AFGHANISTAN

Mirbeau n’a pas plus posé le pied en Afghanistan qu’en Inde, mais cela ne l’a pas empêché de lui consacrer la septième de ses Lettres de l’Inde signées Nirvana et parues dans Le Gaulois au cours de l’hiver et du printemps 1885. Il y met en forme littéraire les analyses et suggestions de son commanditaire, François Deloncle, dans ses rapports des 10 et 15 juin 1884 adressés à Jules Ferry.

Après une semaine de train, « par une température torride », le pseudo-reporter est prétendument parvenu à Péchaver (Peshawar), « sur la frontière afghane », où il entend « recueillir les impressions les plus nouvelles sur le rôle que l’émir [Abdur Rahman] serait appelé à jouer dans l’éventualité d’une lutte ». « À quelques pas » du « terrible passage » qu’est « le défilé du Khaïber », il note que « l’islamisme » qui y règne pré dispose les habitants « à recevoir la venue des Afghans », dont le nom « retentit dans l’Inde comme un cri de terreur » et qui, nonobstant l’alliance théoriquement conclue avec les Anglais, sont en réalité leurs « ennemis les plus acharnés ». Et de pronostiquer que, en cas de guerre « entre l’Angleterre et la Russie », qui se disputent le contrôle de la région, « l’Inde subira sa septième invasion afghane ». Nirvana croit donc devoir présenter ce peuple pourtant si peu nombreux, et aux origines incertaines, mais « dont les destinées sont si importantes pour la paix du monde ». Hors deux vallées principales, densément peuplées, « le reste du pays est désert ». Les habitants croient pratiquer l’Islam, mais « en réalité », leur pratique est « pire que la pire religion des races les plus arriérées de la terre, superstitieuse et fanatique » : « Ils ne connaissent que la voix de leurs mollahs ignorants, qui leur prêchent la haine de l’infidèle et les lancent dans la plaine, à la razzia et au carnage ». « Race sensuelle et cupide » de « voleurs et brigands », volontiers parjures et « avides de sang », les Afghans sont « toujours armés et continuellement en guerre les uns contre les autres ». Comme les Anglais les traitent avec mépris et cruauté, comme de vulgaires « troupeaux qui rapportent tant par tête », ils basculeront inévitablement du côté des Russes, qui sont « moins cruels et surtout moins insolents » et qui savent fraterniser avec les populations locales. L’émir d’Afghanistan, qui est officiellement venu à Rawalpindi pour sceller une alliance qui l’inféode aux Anglais, ne manquera pas alors de revenir « en conquérant » et de « faire à Lahore un bon massacre d’Européens ».

Voir aussi les notices Lettres de l’Inde et Deloncle.

P. M.

Bibliographie : Pierre Michel,  « Les Mystifications épistolaires d’Octave Mirbeau », Revue de l’Aire, n° 28, décembre 2002, pp. 77-84 ; Octave Mirbeau, « L’Afghan », Le Gaulois, 22 avril 1885 (Lettres de l’Inde, L’Échoppe, 1991, pp. 72-78 et 111-113).


AFRIQUE

Mirbeau n’a jamais eu l’occasion de voyager en Afrique, pas même en Algérie, où il avait été invité par la toute nouvelle Ligue des Droits de l’Homme, en janvier 1899. Il ne la connaît donc que par la littérature, par les reportages lus dans les journaux et revues de l’époque et par quelques publications documentaires à diffusion restreinte. Il ne semble pas fasciné par l’Afrique comme il l’est par l’Inde ou par la Chine et il n’est pas exclu que, sur le compte des Noirs, il partage avec ses contemporains certains stéréotypes, par exemple sur leur innocence naturelle et leur naïveté, qui étaient répandus à l’époque et servaient à justifier les conquêtes coloniales par des États industrialisés et supposés civilisés et supérieurs. Mais du moins s’y oppose-t-il vigoureusement, à ces pillages sanglants de tout un continent,  et les dénonce-t-il avec une extrême virulence, dans l’espoir d’alerter l’opinion publique internationale. Et c’est précisément en donnant des peuples d’Afrique l’image idyllique de « peuples candides et doux » (« Colonisons », Le Journal, 13 novembre 1892) et de grands enfants batifolant dans la forêt comme des lapins (« Âmes de guerre », L’Humanité, 9 octobre 1904) qu’il a le plus de chances de toucher la sensibilité du lecteur et de le convaincre d’une réalité soigneusement camouflée : les véritables barbares, ce ne sont pas les Noirs, mais bien plutôt le général Archinard, qui ne connaît qu’un moyen de « civiliser » les Africains, c’est d’en « tu[er] sans pitié, un grand nombre », d’autant plus sereinement que « ça ne fait pas trop crier qu’on les massacre... parce que, dans l’esprit du public, les nègres ne sont pas des hommes, et sont presque des bêtes... » (Les 21 jours d’un neurasthénique, 1901) ; ou les colonnes infernales de Voulet et Chanoine, et de beaucoup d’autres officiers et explorateurs plus discrets, qui les exterminent joyeusement, au nom de la prétendue « civilisation » occidentale et chrétienne, afin de s’emparer de leurs richesses.

Nombreuses sont, dans son œuvre, les évocations, choquantes ou émouvantes, de ces massacres et traitements inhumains qui ont fait de l’Afrique un véritable jardin des supplices et qui seront, selon lui, « la honte à jamais ineffaçable de notre temps » : 

* Dans « Colonisons » (loc. cit.), rebaptisé ironiquement « Civilisons » lors d’une reprise dans Le Journal, le 22 mai 1898, Mirbeau évoque « un vieux colonel », « modèle de toutes les vertus », qui, pour amuser ses charmants petits-enfants « émerveillés », leur raconte avec attendrissement comment, s’étant emparé de quelques Arabes « révoltés ou simplement en maraude », il les faisait « enterrer dans le sable, tout nus, jusqu’à la gorge, la tête rase, au soleil » puis « arroser comme des choux » : « Au bout de quelques minutes, les paupières se gonflaient, les yeux sortaient de l’orbite, la langue tuméfiée emplissait les bouches ouvertes, et la peau craquait presque, et rissolait sur les crânes nus… Ils mouraient en faisant d’affreuses grimaces... » Au chapitre V de la deuxième partie du Jardin des supplices (1899), Clara reprendra à son compte cet horrifique récit pour prouver que, tout bien pesé, les Chinois, tant s’en faut, ne sont « pas plus féroces » que les Français ou les Anglais, qui se prétendent humains et chrétiens.

* Dans « Maroquinerie » (Le Journal, 12 juillet 1896), Mirbeau imagine que le très réel général Archinard, conquérant du Soudan, est très fier d’avoir fait tapisser ses murs de « 109 peaux de nègres », soit, précise-t-il à l’interviewer surpris et interrogatif, « la population d’un petit hameau » : « Sur toute leur surface, ils étaient tendus de cuir, d’un cuir particulier, de grain très fin, de matière très lisse et dont le noir, verdâtre ici, et là mordoré, m’impressionna, je ne sais pourquoi, et me causa un inexprimable malaise. De ce cuir, une étrange odeur s’exhalait, violente et fade à la fois, et que je ne parvenais pas à définir. Une odeur sui generis, comme disent les chimistes. [...] / – Eh bien, c’est de la peau de nègre, mon garçon. [...] Employés de cette façon, les nègres ne seront plus de la matière inerte, et nos colonies serviront du moins à quelque chose... »

* Dans « Âmes de guerre » (loc. cit.), un explorateur qui trouve la chair des « nègres » non comestibles, et même « détestable » à manger, voire « nauséabonde », à l’exception de celle du « très jeune nègre, de trois ou quatre ans », « aliment assez délicat » rappelant « le petit cochon de lait », raconte sans la moindre émotion comment il opérait dans les villages africains, où les indigènes l’accueillaient avec curiosité, afin de s’emparer sans risque de leur ivoire et autres richesses : « Nous commencions par tuer les hommes – si tant est qu’on puisse prétendre que les nègres sont des hommes. Ensuite nous égorgions les femmes, ayant soin, toutefois, de garder les plus jeunes, les moins laides, pour nos besoins... Car, vous pensez... en Afrique !... Et nous emmenions les enfants qui, les soirs de mauvaise chasse et de famine, nous étaient fort utiles... Je leur ai de la reconnaissance, et j’avoue que, plusieurs fois, ils nous sauvèrent de la mort... »

* Récit de la même farine dans Le Jardin des supplices, mis dans la bouche d’un autre « explorateur » : « Quand, après des marches, des marches, nous arrivions dans un village de nègres… ceux-ci étaient fort effrayés !… Ils poussaient aussitôt des cris de détresse, ne cherchaient pas à fuir, tant ils avaient peur, et pleuraient la face contre terre. On leur distribuait de l’eau-de-vie, car nous avons toujours, dans nos bagages, de fortes provisions d’alcool… et, lorsqu’ils étaient ivres, nous les assommions !… »

* Dans La 628-E8 (1907), le sous-chapitre intitulé « Le caoutchouc rouge » permet de faire comprendre à quel prix humain est fabriqué le caoutchouc rougi de sang qui a tant d’utilités diverses en Europe, notamment pour équiper les automobiles de pneus, et dont Mirbeau aperçoit des échantillons dans une boutique de Belgique. Laissant son imagination vagabonder, il se représente un joyeux village africain brusquement attaqué par les séides du roi Léopold II : « Et voici que, tout à coup, je vois sur eux, et qui les menace, le fouet du trafiquant, du colon et du fonctionnaire. Je n’en vois plus que conduits au travail, revolver au poing, aussi durement traités que les soldats dans nos pénitenciers d’Afrique, et revenant du travail harassés, la peau tailladée, moins nombreux qu’ils n’étaient partis. Je vois des exécutions, des massacres, des tortures, où hurlent, pêle-mêle, sanglants, des athlètes ligotés et qu’on crucifie, des femmes dont les supplices font un abominable spectacle voluptueux, des enfants qui fuient, les bras à leur tête, leurs petites jambes disjointes sous le ventre qui proémine. Nettement, dans une plaque grise, dans une boule noire, j’ai distingué le tronc trop joli d’une négresse violée et décapitée, et j’ai vu aussi des vieux, mutilés, agonisants, dont craquent les membres secs. Et il me faut fermer les yeux pour échapper à la vision de toutes ces horreurs, dont ces échantillons de caoutchouc qui sont là, si immobiles, si neutres, se sont brusquement animés. » Et de conclure, pour l’édification de ses lecteurs : « Voilà les images que devraient évoquer presque chaque pneu qui passe et presque chaque câble, gainé de son maillot isolant. » C’est en effet au Congo, propriété personnelle du roi des Belges Léopold II, que l’exploitation de la main-d’œuvre africaine corvéable à merci est le plus sanguinaire : « Au Congo, c’est la pire des exploitations humaines. On a commencé par inciser les arbres, comme en Amérique et en Asie, et puis, à mesure que les marchands d’Europe et l’industrie aggravaient leurs exigences, et qu’il fallait plus de revenus aux compagnies qui font la fortune du roi Léopold, on a fini par arracher les arbres et les lianes. Jamais les villages ne fournissent assez de la précieuse matière. On fouaille les nègres qu’on s’impatiente de regarder travailler si mollement. Les dos se zèbrent de tatouages sanglants. Ce sont des fainéants, ou bien ils cachent leurs trésors. Des expéditions s’organisent qui vont partout, razziant, levant des tribus. On prend des otages, des femmes, parmi les plus jeunes, des enfants, dont il est bien permis de s’amuser, pour s’occuper un peu, ou des vieux, dont les hurlements de douleur font rire. On pèse le caoutchouc devant les nègres assemblés. Un officier consulte un calepin. Il suffit d’un désaccord entre deux chiffres, pour que le sang jaillisse et qu’une douzaine de têtes aillent rouler entre les cases. »

Si l’Inde est riche d’une sagesse millénaire qui pourrait avantageusement inspirer les Européens, l’Afrique n’est pour eux qu’une réserve inépuisable de matières premières et d’esclaves à rentabiliser impitoyablement pour le plus grand profit d’individus sans scrupules et de sociétés capitalistes dépourvues de toute humanité. Pour Mirbeau, c’est le continent du sang et des larmes.

Voir aussi les notices Colonialisme et Anticolonialisme.

P. M

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, « Colonisons », Le Journal, 13 novembre 1892 ; Octave Mirbeau, « Le Caoutchouc rouge », in La 628-E8, Fasquelle, 1907.  

 

 


ALLEMAGNE

Mirbeau et l’Allemagne

 

On sait que, au lendemain de la débâcle de 1870-1871 et de l’annexion de l’Alsace-Lorraine, la question allemande a alimenté, dans une opinion dûment conditionnée, un désir de « revanche », qui a suscité un beau concert de proclamations nationalistes et péremptoires. L’Allemand était systématiquement décrié et la nouvelle Allemagne wilhelminienne apparaissait comme l’incarnation du mal dans la presse revancharde des décennies suivantes. Mirbeau, lui, n’a jamais hurlé avec les loups et, très tôt, il a critiqué la « légende » du mauvais Allemand, « bâtie par la bêtise humaine » (voir « La Légende du chancelier », Le Gaulois, 22 décembre 1884). Dans le chapitre II du Calvaire, une scène fit particulièrement scandale, en novembre 1886 : Jean Mintié, qui vient d’abattre sans le vouloir un éclaireur allemand en qui il sentait vibrer une âme de poète, embrasse éperdument son cadavre dans un geste hautement symbolique, qui renvoie les patries, les haines nationales recuites et les guerres monstrueuses dans les poubelles de l’histoire. En 1889, c’est à un député allemand très cultivé, von B..., que Mirbeau donne la parole pour émettre des jugements des plus pertinents sur la littérature française, Daudet, Zola et Mallarmé (« Quelques opinions d'un Allemand », Le Figaro, 4 novembre 1889). En 1907, dans La 628-E8, il donne, certes, de l’Allemagne une image plus contrastée, mais, tout en désacralisant le Kaiser au vitriol et en daubant gentiment sur certains ridicules de nos voisins, il n’en tend pas moins à idéaliser quelque peu un pays propre, prospère, cultivé, ouvert à la modernité et socialement en avance, qui contraste avantageusement avec une France sale et misonéiste, comme en témoignent éloquemment les deux postes frontières qu’il oppose à la fin du récit.

Soucieux de préserver la paix en Europe, Mirbeau a préconisé durablement une alliance franco-allemande, qui repose sur la complémentarité des deux économies et qui serait profitable aux deux peuples, par opposition à l’alliance franco-russe contre-nature qui ne fait que renforcer l’autocratie tsariste (voir (« De l'alliance franco-russe », Neue freie Presse, 14 juillet 1907). Aussi la déflagration de 1914 sera-t-elle pour lui une terrible désillusion, en lui révélant la pérennité du militarisme prussien fauteur de guerres.

 

Mirbeau en Allemagne

 

            a) Voyages en Allemagne

Mirbeau s’est rendu au moins trois fois en Allemagne : en octobre 1903, à l’occasion de la première triomphale des Affaires sont les affaires à Berlin ; au printemps 1905, lors du fameux périple effectué en automobile, à bord de sa Charron (voir La 628-E8, 1907) ; et en août 1908, où il a sillonné la Forêt Noire et séjourné à Freudenstadt. À quoi il conviendrait d’ajouter un bref séjour à Strasbourg, devenu allemand, au printemps 1883. Bien que non attestés, d’autres voyages en Allemagne sont plausibles : il semble bien, en effet, qu’il soit aussi allé au moins une fois à Hambourg, mais à une date indéterminée.

 

            b) Réception de Mirbeau en Allemagne

Pour ce qui est de l’accueil réservé à ses œuvres, deux aspects méritent d’être mis en lumière. D’une part, faisant partie des rares Français non contaminés par le revanchisme ambiant dans le monde de la culture et de la presse, il ne pouvait que susciter de l’intérêt outre-Rhin, et Le Calvaire ne pouvait, de ce point de vue, qu’attirer l’attention des lecteurs cultivés : c’est précisément le premier roman traduit en allemand. Mais, d’autre part, son anarchisme, son anticléricalisme, son irrespect foncier pour quantité d’hommes et d’institutions dûment sacralisés, ainsi que la place accordée, dans ses romans, aux « petites cochonneries » de l’amour, ne pouvaient que heurter la censure et une bonne partie de l’opinion publique allemande : c’est ainsi que Le Jardin des supplices et Le Journal d’une femme de chambre, accusés de pornographie, ont été interdits en Allemagne (mais les traductions autrichiennes ont pu néanmoins s’écouler sans trop de difficulté, semble-t-il), et que l’éditeur qui devait publier la traduction de La 628-E8 a dû y renoncer, sous peine d’encourir une lourde peine de prison, à cause du sous-chapitre sur le « Sur-Empereur » Guillaume II, comme Mirbeau en informe Jules Huret en août 1907 : « Après avoir lu les bonnes feuilles, il m’a écrit, pour me supplier de le dégager : “Je serais condamné, m’a-t-il dit, pour crime de lèse-majesté et pour crime de haute trahison, à au moins deux ans de prison.” »... La période nazie n’a bien évidemment autorisé aucune traduction nouvelle, et pas davantage la R.D.A. sous occupation militaire soviétique : de fait, Mirbeau a peu de chances d’être jamais en odeur de sainteté dans des régimes totalitaires.

            L’étude de la réception de Mirbeau en Allemagne reste à faire : il faudrait pour cela dépouiller systématiquement les journaux et revues d’outre Rhin depuis 125 ans et recenser en particulier tous les textes de l’écrivain parus dans la presse, dont certains ont été écrits directement pour des journaux allemands (par exemple, « Die offizielle Kunst-in-Frankreich », paru dans März en mai 1907). À défaut, je me contenterai de recenser les traductions de son œuvre et les études réalisées par des universitaires allemands.

 

            c) Traductions allemandes de Mirbeau

* Le premier roman de Mirbeau traduit en allemand, Le Calvaire, a paru en 1896 à Munich, chez Albert Langen, l’éditeur de Simplicissimus et de Knut Hamsun, dans une traduction de Thérèse Krüger, sous le titre Ein Golgotha - Roman auf dem Jahre 1870/1871 [“Un Golgotha - Roman sur l’année 1870-1871”].

Der Abbé, traduction de L’Abbé Jules, a bien été publié tardivement à Berlin à deux reprises : en 1925,  par Martin Maschler, et en 1926 par Paul Franke ; mais il s’agit chaque fois d’une simple reprise de la traduction autrichienne de Ludwig Wechsler.

Après l’interdiction de la diffusion en Allemagne de la traduction du Jardin des supplices publiée à Budapest, chez Grimm, en 1901, il a fallu attendre deux tiers de siècle pour que sortent d’autres traductions, sous deux titres différents. En 1967,  Der Garten der Foltern est publié à Brême, chez Schünemann, dans une traduction fort incomplète de Rolf Palm (toute la première partie du roman, « En mission », a disparu). Puis, la même année, Der Garten der Qualen paraît à Munich, chez Heyne, dans la collection « Exquisit Bücher », dans une traduction de Barbara Kloess. Sept ans plus tard, le même éditeur réédite une traduction terriblement tronquée, due à Friedrich Brock et parue à Vienne en 1923. C’est à Stuttgart, que l’éditeur Parkland publie, en 1991, dans la collection « Die erotische Bibliothek », une nouvelle traduction, signée de Susanne Farin et accompagnée d’un dossier établi par Michel Delon (réédition en 1992). Cette traduction paraît la même année à Munich, chez Schneekluth. En 2002, c’est de nouveau à Munich que Belleville Verlag reprend la traduction de Susanne Farin et l’appareil critique de Michel Delon. Enfin, en 2004, à Erfstadt, Area Verlag reédite la traduction tronquée de Friedrich Brock, dans un gros volume qui comporte également Les Fleurs du mal et Là-bas.

* Le Journal d’une femme de chambre a paru dès 1902, chez un éditeur de Leipzig, Sachs, traduit par Julius Robert sous le titre Das Tagebuch einer Kammerjungfer, et a été réédité en 1903 et 1904, avant d’être interdit en 1912.  Il faudra attendre 1964 pour que Marion Von Schroder Verlag, de Hambourg, publie Tagebuch einer Kammerzofe, qui n’est pas encore la traduction du roman, mais celle de l’adaptation de Jean-Claude Carrière pour le film homonyme de Buñuel, puis 1965 pour que sorte, à Brême, chez Carl Schünemann, la traduction de Barbara Kloess, pas tout à fait complète, dans la collection « Ein City-Buch ». En 1967, Wilhelm Heyne, de Munich, republie cette traduction, en édition de poche (réédition en 1969). Signalons encore, pour mémoire, une adaptation théâtrale du roman, destinée aux enfants et réalisée par Uwe Dethier : intitulée Das Kammermädchen, elle a été publiée en 1993 à Munich par le Theaterstückverlag.   

* Nie wieder Höhenluft [“ plus jamais l’air des montagnes”], sous-titré Die 21 Tage eines Neurasthenikers, est la traduction des 21 jours d’un neurasthénique, due à Wieland Grommes, de Munich, également auteur d’une importante postface, et qui a été récompensé comme meilleur traducteur de l’année. Elle a paru à  Brême, chez Manholt, en octobre 2000. Deux ans plus tard, elle a été republiée, en édition de poche, chez un éditeur de Munich, Deutscher Taschenbuch Verlag.

* Il a fallu attendre l’automne 2010 pour que paraisse enfin, à Bonn, chez Weidle, la première et très belle traduction de La 628-E8, de nouveau due à Wieland Grommes, également auteur de la préface. Auparavant un éditeur de Brême, Manholt, avait publié Balzac's Tod,  traduction de La Mort de Balzac, postfacée par Ulla Momm.                             

* Pour ce qui est des contes, un seul recueil a été publié en Allemagne : Der Herr Pfarrer und andere Geschichten [“Monsieur le Curé et autres histoires”], paru en 1906 à Berlin, chez Singer & C° Verlag, dans la collection « Bibliothek berühmter Autoren », mais ce n’est que la reprise de la traduction de Franz Weil, sortie à Vienne deux ans plus tôt. Par la suite, quelques contes ont été insérés dans des recueils tels que Croquis parisiens (Francfort, M. Diesterweg, 1926, traduction de Fransz-Heinrich Schild), ou Der geheimnisvolle Reisende. Kriminalerzählungen (Berlin, Neues Leben Berlin, 1981), ou Récits fantastiques du XIXe siècle (Paderborn, Schöning, collection « Approches socio-culturelles et littéraires », n° 2, 1985, traduction de Brigitta Coenen-Mennemeier), ou encore La Belle Époque : erzählungen (Deutscher Taschenbuch Verlag, 2003, traduction de Gisela Ficht). Mais la recension est sans doute loin d’être complète.

* Les Mauvais bergers, Schlechte Hirten, a été traduit par l’intellectuel anarchiste Gustav Landauer, avec une autorisation de Mirbeau datée du 13 janvier 1900. La première a eu lieu le 25 février 1900, à Berlin, au théâtre Thalia. Il semble qu’il y ait eu des reprises les années suivantes, au Brahms Theater et à la Neue Freie Volsbühne de Berlin. Mais le texte de Landauer est resté manuscrit.

* Traduit par Georg Nördlinger, Les affaires sont les affaires a été publié dès 1903 à Berlin, chez Bloch Erben, sous le titre de Geschäft ist Geschäft. Mais le texte de la pièce qui a été donnée avec un énorme succès dans 130 villes d’Allemagne, par dix troupes différentes, est celui de Max Schönau, qui est resté inédit et dont le manuscrit, destiné à la censure, est conservé au Landesarchiv de Berlin. Une troisième traduction, due à Anette et Paul Bäcker et pleine de gallicismes, a paru à Munich en 2001 au Theater-Verlag-Desch.

* Das Heim, Le Foyer, a eu droit à 24 représentations, en décembre 1909, aux Kammerspiele de Berlin, sous la direction de Max Reinhardt, mais la traduction ne semble pas avoir été publiée.

* Parmi les Farces et moralités, c’est Scrupules qui, sous le titre de Der Dieb [“le voleur”], a rencontré en Allemagne le plus étonnant succès, notamment au Trianon Théâtre de Berlin en mars 1904, et c’est la seule pièce en un acte à avoir été publiée (par Bloch-Erben, en 1904). Des représentations de Die Epidemie (L’Épidémie) et de Die Brieftasche (Le Portefeuille) sont attestées, mais les traducteurs sont restés inconnus et le texte ne semble pas avoir été publié (du moins en volume).

 

            d) Études allemandes de Mirbeau

Il n’est pas possible de répertorier tous les articles de critique consacrés à Mirbeau. Signalons seulement les principales études universitaires, mémoires et articles, dont quelques-uns ont été rédigés en français.

* C’est le théâtre qui a le plus retenu l’attention des commentateurs. Et, chose curieuse, c’est en 1944, à la fin du Troisième Reich, qu’Anne-Marie Braun a soutenu, à Heidelberg, une modeste thèse dactylographiée, Mirbeau als Dramatiker. Maike Fegeler, elle, s’est limitée aux Farces et moralités, dans son mémoire dactylographié présenté en 1998 à l’université de Münster, Ästhetik und Struktur des Einakters bei Octave Mirbeau. Pour sa part, Wolfgang Asholt a consacré à l’ensemble du théâtre social de Mirbeau le chapitre XIII de son imposante thèse, Gesellelschaftskritisches Theater im Frankreich des Belle Époque (1887-1914), publiée à Heidelberg chez Carl Winter Universität Verlag ; mais il a restreint son corpus pour sa communication au colloque d’Angers de 1991, « Les Mauvais bergers et le théâtre anarchiste des années 1890 » (in Octave Mirbeau, Presses de l’Université d’Angers, 1992). C’est à la traduction allemande des mêmes Mauvais bergers que se sont intéressés Walter Fähnders et Christoph Knüppel : « Gustav Landauer et Les Mauvais bergers » (Cahiers Octave Mirbeau, n° 3,1996).

* Le Jardin des supplices a été abordé à plusieurs reprises, deux fois en relation avec Kafka à qui il a servi de source : par Markus Krist en 1996, « Erotologie. Die Liebe als böse Natur in Le Jardin des supplices d’Octave Mirbeau (1899) » (in Liebe und Logos, Bonn, Romanistischer Verlag, 1996) ; par Roger Bauer, en 2001, dans  Die Schöne Décadence - Geschichte einesliterarischen Paradoxons (Francfort, Klostermann) ; par Christine Ivanovic, en 2002, dans « Vergleich der Gewahltdarstellungen in Octave Mirbeaus Der Garten der Qualen (1899) und in Franz Kafkas In der Strafkolonie (1919) » ; et par Dorit Heike Gruhn en 2002, « Untergang der Folterkultur als konservative Kulturkritik ? Ein Vergleich zwischen der Bedeutung von Franz Kafkas Figur des Offiziers In der Strafkolonie und Octave Mirbeaus chinesischem Folterer in Der Garten der Qualen als Quelle für Kafka ».

* La 628-E8 a inspiré deux chercheurs. Susan Gehrmann s’est limitée au fameux « Caoutchouc rouge » de La 628-E8 :  « Léopolds Kongo als Jardin des supplices. Octave Mirbeau : “Le caoutchouc rouge” » (in Kongo-Greuel zur literarischen Konfiguration eines kolonialkritischen Diskurses (1890-1910), OLMS, 2003). Quant à Wolfgang Asholt, il a restreint son corpus à l’image de Balzac, dans sa communication « De la statue à La Mort de Balzac : les Balzac de Mirbeau » (Littérature et nation, Tours, n° 17, octobre 1997).    

* Signalons enfin une émission radiophonique de la Deutscheradio Kultur, qui a été entièrement consacrée à Mirbeau le 30 mars 2010 et dont le texte, « Quälgeist der Belle Époque, Octave Mirbeau, Skandalautor der literarischen Décadence » [“Esprit torturé de la Belle Époque, Octave Mirbeau, auteur à scandale de la Décadence littéraire”] est dû à Sven Ahnert.

P. M.

 

Bibliographie : Philippe Baron, « Les affaires sont les affaires à Berlin », Cahiers Octave Mirbeau, n° 7, 2000, pp. 198-212 ; Philippe Baron,  « Lechat sur la scène en 1903 et dans les années 30 », Cahiers Octave Mirbeau, n° 17,  2010, pp. 206-210 ; Walter Fähnders et Christoph Knüppel, « Gustav Landauer et Les Mauvais bergers », Cahiers Octave Mirbeau, n° 3, 1996, pp. 73-90 ; Claude Herzfeld,  « Hermann Hesse et Octave Mirbeau : cure et neurasthénie », Cahiers Octave Mirbeau, n° 14, 2007, pp. 95-110 ; Pierre Michel,  « Mirbeau et l’amitié franco-allemande », Cahiers Octave Mirbeau, n° 1, 1994, pp. 218-225 ; Pierre Michel, « Mirbeau, Fénéon et l’anarchiste allemand », Cahiers Octave Mirbeau, n° 13, 2006, pp. 214-218 ; Mathieu Schneider, « Contre la Russie, pour l’Allemagne », Cahiers Octave Mirbeau, n° 16,  2009, pp. 265-275.

 

 

 


ALTENBERG

C’est un massif des Vosges, situé à 856 mètres d’altitude, sur le territoire de la commune de Neubois, dans le Bas-Rhin, qui se trouvait donc dans l’Alsace annexée par le Reich à l’époque de Mirbeau.

L’écrivain y a séjourné deux fois, à l’hôtel Altenberg, près du col de la Schlucht, après ses trois semaines de cure à Contrexéville. En août 1907, quelques mois seulement après l’inauguration du tramway à crémaillère, il y a fait une « cure d’air » au milieu des sapins et semble s’y être épanoui dans un milieu typiquement allemand, loin des Français moyen du type Fasquelle... Revenu l’année suivante, il a été déçu par la mauvaise cuisine et n’y est resté que deux jours, fin juillet 1908, avant de gagner Freudenstadt. Lors de ces deux séjours il disposait de son automobile pour arpenter l’Alsace.

P. M.


AMSTERDAM

Amsterdam est la capitale des Pays-Bas et la principale ville de Hollande, aujourd’hui peuplée de près de 800 000 habitants (environ 500 000 en 1900). Opulente ville de marchands, Amsterdam a connu son siècle d’or au dix-septième, quand le niveau de vie de ses habitants était très largement supérieur à celui des Parisiens ou des Londoniens. Elle est célèbre pour ses canaux, dont le réseau, constitué de cercles concentriques, forme une manière de toile d’araignée.

Mirbeau est, semble-t-il, allé plusieurs fois à Amsterdam, notamment en avril 1905, au cours de son périple automobile à travers la Belgique, la Hollande et l’Allemagne. Il l’évoque au chapitre V de La 628-E8 (1907). Il éprouve une vive affection pour la ville de Rembrandt et de Vermeer, pour le charme de ses canaux, tous différents (« Chaque portion de canal est un paysage différent de murs, de pignons, de chalands, de fenêtres fleuries; chaque maison a son visage propre, sa structure individuelle, selon le degré d'affaissement des pilotis qui la soutiennent », et aussi pour ses musées, dont le plus célèbre est le Rijksmuseum : « Rembrandt n'est pas né dans un grand port, c'est vrai... Mais son nom est inséparable de celui d'Amsterdam, où il vécut tant d'années, et y trouva l'emploi de ses dons, en leur toute-puissance... Amsterdam, dont les habitants sont vêtus de noir, comme ceux de Venise, avec le même orgueil et un goût pareil des accents éclatants et des ornements lourds. Dans l'une et l'autre ville, le soleil fait la même féerie avec le ciel et avec l'eau qui divise les maisons, jusqu'à ce que l'humidité se condense en brouillard, pour lui dérober la cité aquatique et la restituer à l'obscurité, sur qui le triomphe de l'astre n'aura que plus de splendeur. »

Néanmoins, anticipant La Nausée de Sartre, il est écœuré par la « puanteur » et la menaçante accumulation des immondices au fond des canaux, dont l'eau « est de plomb » :  « Une sorte de graisse purulente, une sorte de mucus qu'elle a sécrété, mousse, tournoie, ondoie à sa surface. [...] Déjà, les miasmes traversent les boues et l'eau, envoient crever à la surface leurs bulles d'infection. Qu'on remue ce lit profond de pourritures, où le moindre caillou qui tombe délivre les fièvres captives, qu'on le drague, qu'on l'expose à l'air, et c'est la ville, c'est le pays entier, ce sont les pays voisins, c'est toute l'Europe empoisonnée... C'est la peste, le choléra, ce sont peut-être des fièvres inconnues, c'est la mort sur le monde ! [...] L'eau se venge d'avoir été domptée, immobilisée, écrasée entre des murs de pierre. Elle est faite pour courir, s'épandre et chanter sur les cailloux d'or. Chaque fois, qu'elle croupit quelque part, elle devient mortelle... On a beau faire, il y a toujours un moment où la nature secoue formidablement le joug de l'homme. » « En attendant  – ajoute-t-il, non sans quelque ironie – Amsterdam s'épanouit au soleil du printemps. Les tons délicats de ses rues jouent avec les eaux noires des canaux, avec les ciels rares qui achèvent son délice. Ses habitants prospèrent; ils donnent l'exemple de l'activité et de l'emploi judicieux des richesses; ils demandent à une centaine de sectes religieuses de leur enseigner la voie qui conduit le plus sûrement à Dieu... Ils cultivent les tulipes, les narcisses, et les beaux lis de l'Extrême-Orient, taillent le diamant, spéculent sur les marchandises lointaines, entassent l'or, rêvent d'un plus immense polder, pour remplacer le Zuyderzee desséché... Et, minute à minute, les vases mortelles se déposent, se superposent les unes aux autres, s'accumulent... »

P. M.

 


ANDORRE

Petit État de langue catalane, enclavé entre la France et l’Espagne et placé sous la suzeraineté conjointe du président de la République Française et de l’évêque d’Urgel. Elle ne comptait que 5 200 habitants vers 1880.

Lorsque Mirbeau a séjourné dans l’Ariège de mai 1877 à janvier 1879, comme chef de cabinet du préfet, puis comme rédacteur en chef de L’Ariégeois, il se trouvait à quelques encablures de la frontière andorrane et il connaissait parfaitement la situation politique et sociale de l’Andorre, comme en témoignera sa chronique « L’Armoire de fer », signée du pseudonyme de Jean Ardent, qui paraîtra dans Le Clairon le 16 mars 1881. Pour l’heure la co-principauté offrait aux duellistes français, dans l’impossibilité de se battre sur le territoire de la République, de vastes espaces pour vider leurs querelles sans risquer l’arrestation. Ce fut précisément le cas du « bonaparteux » journaliste de L’Ariégeois, à la suite d’une polémique clochemerlesque avec un certain Jules Grégoire, à qui il a envoyé ses deux témoins pour avoir été bassement insulté dans les modestes colonnes de La RépubliqueJournal de Foix, Pamiers et Saint-Girons. La rencontre devait avoir lieu le 2 octobre 1878 en Andorre. Mais le secret a été vite éventé, de sorte que Grégoire s’est vu interdire le passage de la frontière par les douaniers andorrans. Le duel a donc dû être reporté à une date ultérieure, mais Grégoire a fait faux bond et un de ses témoins s’est alors publiquement désolidarisé de lui et a dénoncé sa couardise. Mirbeau se souviendra de cet épisode dans une de ses Lettres de ma chaumière de 1885, « Le Duel de Pescaire et de Cassaire ».

P. M.


ANGERS

Chef-lieu de département de Maine-et-Loire (82 398 habitants en 1906, 154 000 habitants en 2010). Angers est depuis la Révolution Française et tout au long du XIXe siècle, l’un des bastions de la République dans l’Ouest de la France, marqué par la résistance de la droite contre-révolutionnaire et la permanence d’un puissant catholicisme militant (voir André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest, 1913). La ville est également connue pour la qualité de sa vie culturelle et artistique qui lui vaut alors le surnom « d’Athènes de l’Ouest ». Surtout, Angers est l’un des hauts-lieux de la bataille du Foyer, en février 1909.

Le 25 janvier 1909, devant l’agitation provoquée par les représentations du Foyer à Paris, Brest, Cannes et Nantes, le maire, Charles-Ambroise Monprofit (républicain modéré rallié aux conservateurs) demande à Charles Baret d’effectuer quelques coupures dans la pièce. Parmi les arguments invoqués, de possibles désordres liés à des manifestations des sections locales de l’Action Française. Charles Baret refuse. La presse angevine de droite et d’extrême droite (Le Petit Courrier, Le Journal de Maine-et-Loire et La Chronique Angevine) se déchaîne alors contre ce qu’elle considère comme « une immonde déjection littéraire ». Elle demande en outre l’annulation de la représentation, « une mesure de salubrité publique ». Le Patriote de l’Ouest (organe des radicaux) dénonce quant à lui « une grave atteinte à la liberté d’expression », faisant remarquer au passage que « plus les réactionnaires feront de bruit autour de la pièce, plus ils en assureront le succès ».

Le 12 février, devant l’ampleur de la polémique et les risques sérieux de troubles de l’ordre public, Monprofit prend un arrêté interdisant la représentation du Foyer. Contre toute attente, l’administrateur général du Théâtre Municipal, Félix Camoin, brave la décision municipale et décide coûte que coûte de faire jouer la pièce. Le 16 février, jour de la représentation, un important service d’ordre (policiers municipaux, gendarmes à cheval, fantassins du 135e RI et soldats du 25e régiment de dragons) prend position place du Ralliement. Membres de l’Action Française et « Patriotards » (lecteurs du Patriote de l’Ouest, seul journal angevin soutenant Félix Camoin dans son combat) se font face. La préfecture estime à plusieurs milliers de personnes le nombre de manifestants et de simples curieux qui sont venus assister au dénouement de l’affaire. En fin d’après-midi, le maire d’Angers ordonne que soit coupée l’alimentation électrique du théâtre municipal afin d’empêcher la représentation. Au dernier moment, le préfet de Maine-et-Loire, Cruchon-Dupeyrat, sans doute sur ordre du Président du Conseil et ministre de l’Intérieur Georges Clemenceau, casse l’arrêté municipal d’interdiction et ordonne que la pièce soit jouée. La représentation se déroule devant un parterre d’invités, triés sur le volet par Félix Camoin, à la lumière de lampes à acétylène louées pour l’occasion.

La déception du public est d’autant plus grande que la pièce n’est pas aussi sulfureuse que ne l’avait annoncé la presse. Peu de temps après la bataille du Foyer, Félix Camoin est congédié. Le maire, Charles-Ambroise Monprofit, porte l’affaire devant le Conseil d’État, mais est débouté. Baret, Mirbeau et Natanson retirent la plainte déposée contre la municipalité angevine pour « excès et détournement de pouvoirs ». Très largement relayée par les journaux nationaux, cette bataille du Foyer affaiblit durablement l’autorité du maire, qui sera battu par un radical aux élections de 1912.

Angers est aujourd’hui le siège de la Société Octave Mirbeau. La Bibliothèque Universitaire d’Angers possède un important fonds documentaire sur l’œuvre d’Octave Mirbeau (catalogue).

G. R.

 

Bibliographie : Geoffrey Ratouis, « La bataille du Foyer à Angers (février 1909), Cahiers Octave Mirbeau, n° 7, 2000, pp. 217-227.


ANGLETERRE

Mirbeau et l’Angleterre

Mirbeau ne parlait pas l’anglais et ne semble pas s’être rendu bien souvent en Angleterre : en août 1873, il a accompagné son patron Dugué de la Fauconnerie à Chislehurst ; et, en mai 1894, il a fait à Londres deux séjours de quelques jours, à l’appel du patron de la Pall Mall Gazette, Astor, désireux de voir le critique « lyncher ces sales peintres anglais ». D’autres voyages outre-Manche ne sont pas à exclure, notamment au cours des années 1870 et au début des années 1880, mais ils ne sont pas attestés.

Il faut dire qu’il n’avait pas pour l’Angleterre les yeux émerveillés du jeune Voltaire et qu’elle n’était pas loin d’incarner à ses yeux bien des choses qu’il détestait viscéralement, malgré les progrès de tous ordres qu’il y reconnaissait et la relative liberté qui y régnait. Le puritanisme victorien lui était insupportable, la dureté des lois pour les pauvres ne pouvait que le révolter, l’hypocrisie du pays de Shakespeare se permettant de condamner au hard labour un écrivain de la trempe d’Oscar Wilde pour ses mœurs sexuelles considérées comme « un péché », l’a à juste titre indigné, et il voyait, dans les sanglantes conquêtes coloniales de l’impérialisme britannique, perpétrées avec la bénédiction du clergyman, « la honte de ces temps » (« À propos du hard labour », Le Journal 16 juin 1895). Quant à la peinture préraphaélite, qui y triomphait alors, on sait qu’il n’a cessé de la dénigrer et de la tourner en ridicule, et c’est bien pourquoi il a accepté avec empressement l’invitation d’Astor.

             

Traductions


Si l’Angleterre choquait tant l’intellectuel libertaire assoiffé de justice qu’était Mirbeau, elle ne pouvait guère, corollairement, que réprouver majoritairement un écrivain si dérangeant et que l’on taxait commodément de pornographie et de blasphème. Les éditeurs, bien timorés, se sont donc bien gardés pendant longtemps de traduire ses œuvres, par crainte d’apparaître comme ses complices ou d’encourir les foudres de la censure ou de la “Justice”. La rareté des traductions en Angleterre, jusqu’à ces dernières décennies, contraste avec le nombre de celles qui ont vu le jour en Russie, en Italie, en Espagne, et même en Allemagne et en Autriche, où elles ont pâti du même puritanisme. Aujourd’hui encore il n’existe pas de traduction de Dans le ciel, ni de Dingo, ni d’Un gentilhomme, ni des Mémoires de mon ami, ni des Mauvais bergers, ni du Foyer, ni de ses contes (dont certains ont sans nul doute paru dans la presse, mais sans être recueillis en volume).

* Ainsi Le Calvaire a-t-il attendu 1995 pour être publié, sous son titre français, par Dedalus / Hippocrene, dans la collection « Empire of the Senses », dans une traduction fidèle de Christine Donougher, avec une introduction d'Adrian Murdoch. En 2008,  Dodo Press a bien réédité Calvary, mais c’est une simple reprise de la vieille traduction états-unienne de Louis Rich, parue en 1922.

* Abbé Jules, première traduction du roman de 1888, a dû attendre plus d’un siècle pour voir le jour, en 1996, également chez Dedalus, et dans la même collection. La traduction de Nicoletta Simborowski est brièvement introduite par Adrian Murdoch.

* Sébastien Roch, dont le sujet transgresse bien des tabous, a attendu l’an 2000 pour paraître enfin en Angleterre, de nouveau dans la collection « Empire of the Senses » de Dedalus. La traduction est encore signée Nicoletta Simborowski.     

* Le Jardin des supplices a, certes, attendu moins longtemps, mais The Garden of Tortures n’est paru à Londres, chez Fortune Press, qu’en 1938, dans une traduction de Donald Mac-Andrew, entachée de gallicismes et de contresens (réédition en 1995). Sous le même titre paraît en 1969, chez Tandem, la traduction, fort incomplète, de Raymond Rudorff. Un an plus tard, nouveau titre, Torture garden, pour une traduction – anonyme ? – parue chez Gold Star Publications. En 1973, celle de Raymond Rudorff reparaît à Londres, chez David Bruce et Watson, sous un nouveau titre, infidèle, The Garden of Evil. Une vingtaine d’années plus tard, c’est au tour de Dedalus de publier successivement la vieille traduction américaine d’Alvah Bessie, en 1991, puis, en 1992, une nouvelle et fidèle traduction de Michael Richardson, précédée d’une introduction de Brian Stableford (réédition en 2010). Enfin, en 2007, Bookkake réédite la traduction d’Alvah Bessie, avec une  préface de Tom McCarthy, « If Truth were a Woman... ».       

* Le Journal d‘une femme de chambre, dont une première traduction anglaise, The Diary of a Lady's Maid, rarissime et hors de prix, a prudemment été publiée à Paris en 1903 par Charles Carrington, devra attendre 1934 pour franchir la Manche : A Chambermaid's Diary paraît à Londres chez Fortune Press, sans nom de traducteur (peut-être D. J. Mac Andrew). Un tiers de siècle plus tard, les éditeurs londoniens Grafton Publishers - Paul Elek éditent en 1966 une troisième traduction, meilleure que les précédentes, due à Douglas Garman et intitulée Diary of a Chambermaid. Réintitulée The Diary of a Chambermaid, cette traduction reparaît chez Tandem Books l’année suivante. En 1967 également, chez un autre éditeur londonien, Mayflower Books, paraît Diary of a Chambermaid, nouvelle traduction signée Raymond Rudorff et rééditée les trois années suivantes, Diary of a Chambermaid. En 1986, c’est Nexus qui ajoute à son catalogue The Diary of a Chambermaid, dont nous ignorons le traducteur. Cinq ans plus tard, c’est Dedalus qui reprend la traduction de Douglas Garman, avec une préface de Richard Ings (rééditions en 1992 et en 2001). Enfin, en 2010, les Cambridge Scholars Publishing reprennent, en se contentant de la scanner, la première traduction américaine de Benjamin Tucker, parue en 1900.

* Pour sa part, La 628-E8 n’a eu droit qu’à une très tardive traduction, tronquée de surcroît, parue en 1989 chez Philip Wilson Publishers sous le titre infidèle de Sketches of a journey et agrémentée des dessins de Pierre Bonnard. La traduction de D. B. Tubbs est brièvement préfacée par Richard Nathanson. Chose cocasse : c’est le nom de Bonnard qui est cité en couverture comme s'il était l'auteur du livre et Mirbeau un simple illustrateur...

* Les affaires sont les affaires (Business is Business) a bien été adapté pour la scène anglaise par Sydney Grundy, dont le manuscrit est conservé à la British Library, mais cette adaptation n’a pas été publiée. Il semble qu’une autre traduction ait vu le jour en 1939, mais l’éditeur et le traducteur n’ont pas été identifiés. Richard Hand  a récemment réalisé à son tour une traduction de la grande comédie de Mirbeau, mais les Selected plays où elle devait prendre place et qui devaient paraître à Cardiff, aux presses de l’université du Pays de Galles,  dans la collection « Studies in Modern France », n’ont toujours pas paru, et il n’est pas sûr que le volume soit publié un jour, pour des raisons financières.  

* Parmi les Farces et moralités, plusieurs ont été traduites par Richard Hand pour son édition des Selected plays de Mirbeau, pas encore parue. Seul The Epidemic (L’Épidémie) a été publié auparavant, en 1966, dans Spotlight, Londres, Blackie, mais il s’agit de la simple reprise de la traduction de Jacques Barzun parue en 1949 aux États-Unis. Quant à Scrupules, traduit sous le titre A Scrupulous man, il y a bien eu des représentations à Londres en 1905, mais la traduction-adaptation de Max Hecht est restée inédite.

Pour ce qui est des articles et des contes de Mirbeau, ils restent très largement ignorés du public anglais, hors ceux qui ont pu être mis en ligne sur Internet ces dernières années, sur des sites états-uniens ou britanniques.

 

Études mirbelliennes

Heureusement les universitaires anglais ont été moins timorés que les éditeurs et ont compris rapidement l’importance de Mirbeau dans l’histoire littéraire. Trois d’entre eux se distinguent par la publication de volumes entièrement consacrés à l’auteur de L’Abbé Jules, auxquels il convient d’ajouter les divers articles qu’ils ont fournis à des revues ou qui ont été insérés dans des Actes de colloques, en France ou en Grande-Bretagne. Reginald Carr, tout d’abord, a publié en 1977, à Manchester, une étude sur le parcours politique de l’écrivain, Anarchism in France : the Case of Octave Mirbeau. En 1994, Christopher Lloyd a fait paraître, à Durham, Mirbeau’s fictions, consacré à l’œuvre romanesque. Et, en 2000, c’est au tour d’Enda McCaffrey, de Nottingham, de fournir sa contribution : Octave Mirbeau’s literary intellectual evolution as a french writer (1880-1914). De son côté, G. E Law a soutenu à Londres, en 1983, une thèse, dactylographiée, sur Mirbeau and art - A detailed study of Mirbeau's relationship with artists and account of his writings on art. D’autres mémoires ont sans doute été soutenus depuis une vingtaine d’années, mais la recension reste à faire, ainsi que celle des comptes rendus dans la presse des publications d’œuvres de Mirbeau. Parmi les autres universitaires qui ont publié des articles sur Mirbeau, dont certains dans les Cahiers Octave Mirbeau, citons Louise Lyle, Claudine Mitchell, Joy Newton, James Swindlehurst, Richard Hand, et surtout Sharif Gemie et Adrian Ritchie.

P. M.

 

Bibliographie : Christopher Lloyd, « Mirbeau traduit en anglais », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, pp. 385-395.

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ANVERS

Situé sur la rive droite de l’Escaut, Anvers est la plus grande ville des Flandres, la commune la plus peuplée de Belgique et un des plus importants ports du monde (le deuxième en Europe, après Rotterdam). Sa population était déjà de 300 000 habitants au début du vingtième siècle.

            Après y être venu au moins une fois à une date indéterminée, Mirbeau est repassé à Anvers en avril 1905, au cours du voyage en automobile qu’il évoquera deux ans plus tard dans La 628-E8, dont tout le chapitre IV est consacré à Anvers et aux rencontres qu’il prétend y avoir faites. Bien que la ville soit opulente, la foule nombreuse et l’activité trépidante, les restaurants n’offrent à l’écrivain qu’une nourriture quelconque. Et bien qu’Anvers soit une ville belge, Mirbeau lui trouve toute l’apparence d’une « ville allemande » : « Allemands, tous les gros armateurs, les gros banquiers, les gros marchands, les ingénieurs; allemandes, les maisons de courtage, les maisons d'arbitrage, les compagnies d'assurances maritimes, de navigation, d'émigration; allemand, tout ce qui entreprend quelque chose et travaille à s'enrichir, tout ce qui dresse un plan, lave une épure, combine des chiffres, brasse les affaires et l'argent. [...] Le Roi a obtenu des millions pour fortifier Anvers. Ces fortifications ont de la prestance. Les Belges en sont très fiers. Ils prétendent que la ville est imprenable. Le malheur est qu'elle est déjà prise... »

Plus que « la ville neuve », avec « ses larges voies vivantes et remuantes », plus que la vieille ville, aux « rues noires » et aux « maisons crasseuses », plus même que le prestigieux musée Plantin, qu’il revisitera une autre fois, ce qui l’attire et le fascine irrésistiblement, c’est le port, parce que « les ports sont l'image la plus parfaite, la plus exacte du rêve de l'homme » et « le contiennent et l'emportent, tout entier, vers toutes les chimères » : « Moins joyeux et divers, moins bigarré que Marseille, le port d'Anvers est presque aussi imposant – pas aussi féerique et sinistre – que le monstre Hambourg. [...] On y débarque à quai des denrées du monde entier. Le double réseau du chemin de fer et du fleuve canalisé y fait rythmiquement, comme aux battements d'un organe d'échanges, l'échange des ballots de laine, des métaux, de l'ivoire, contre les vêtements, les jouets et les machines ; des fruits, des plantes exotiques, des épices, des pétroles, des tonnes de caoutchouc, des bois précieux contre les calicots coloriés, les parfumeries et les verroteries chères aux nègres... Des vaisseaux frais, pimpants, partent gaiement, comme en sifflant d'aise, et des coques boursouflées, exténuées, rongées par les fucus et les pousse-pied, rentrent en geignant, qui vont aller s'étendre, dans les bassins, pour se refaire... [...] Les membres que, de tous côtés, en grinçant, les grues agitent, multiplient l’effort des bras humains. Les manœuvres, les dockers aux poitrines velues, aux dos écrasés, aux yeux hagards, à la face de bêtes fourbues, qui paraissent condamnés à quelque vain supplice de l’antiquité, déchargent les cales, qu’ils vont remplir, pour les décharger et les remplir, sans relâche. C’est à croire que les bateaux ne font le tour du monde que pour occuper interminablement leur effort de farouches Danaïdes. »

C’est sur les quais d’Anvers que Mirbeau prétend avoir rencontré le vieux Juif qui lui fait un bouleversant récit des pogroms qui se perpètrent impunément dans la Russie de notre ami le tsar.

P. M.


ARGENTINE

Dans ce vaste pays sous-peuplé qu’est l’Argentine, la culture française a toujours été une référence pour les élites intellectuelles, qui avaient généralement le regard tourné vers l’Europe. Octave Mirbeau ne fait pas exception à la règle, si on en juge par les traductions de ses œuvres.

De fait, bien que les nombreuses traductions espagnoles publiées en Espagne même aient sans doute été diffusées dans les pays hispanophones d’Amérique du Sud, des traductions autochtones ont vu le jour. Ainsi a-t-on la surprise de constater que Le Jardin des supplices a eu droit à quatre éditions : en 1945, par la Sociedad Editora Latino-americana de Responsabilidad Limitada, dans la collection « Ediciones selectas SELA », sans indication de nom de traducteur ; en 1959, chez  Dintel, dans la collection. Beleño « Los Divinos y los Malditos », n° 3, dans une traduction – tronquée – de E. G. Grieben, avec une préface de l’écrivain Pitigrilli ; en 1968, aux éditions Merlin, dans la collection « Arco de Eros » ; et, plus récemment, à une date indéterminée, chez Berlinghieri Hermanos, de Buenos-Aires (mais nous n’avons pu en voir d’exemplaire).

Il en va de même du Journal d’une femme de chambre, édité à cinq reprises : en 1941, 1947 et 1949, il a été publié, sous le titre de Memorias de una doncella, différent du titre généralement adopté en Espagne, par l’Editorial Poseidon, dans une traduction de Francesco Madrid et avec des illustrations de Luis Seoane ; en 1946, il a paru sous le même titre, chez Cine Moderno, de Buenos Aires, mais il s’agit apparemment d’une adaptation, peut-être inspirée du film de Jean Renoir sorti précisément cette année-là (nous n’en avons pas vu d’exemplaire) ; en 1968, nouveau titre, Diario de una mucama  – mucama étant un terme propre à l’Argentine –, chez un autre éditeur porteño, Editorial y Librería Goncourt (sic), dans la collection « Idus », n° 3, dans une traduction, complète et fidèle, de Maria Euillades, avec une couverture d’Alberto Orfila ; en 1975, nouvelle traduction, également complète, due à Alfonso Berenguer et intitulée une nouvelle fois Memorias de una doncella, a paru chez Merlin, toujours à Buenos-Aires, dans la collection « Obras populares permanentes », avec un dessin de couverture de Sergio Camporale ; enfin, en septembre 2009, un éditeur de Buenos-Aires,  Losada, vient de publier Diario de una camarera, dans sa collection « Aniversario Losada (1938-2008) », avec une « Nota preliminar » de Mariano Fiszman.

Un troisième roman, Sebastián Roch, a paru à Buenos Aires, aux Ediciones Joyas Literarias, dans la « Collección Selecta », n° 14, à une date indéterminée, qui pourrait être 1900, selon certaines sources. Si cette datation était confirmée, ce serait un signe fort de l’intérêt manifesté en Argentine pour un auteur dont le roman s’est heurté, dix ans plus tôt, à une véritable conspiration du silence. Confirmation en est donnée par la publication rapide de « Las bocas inútiles » (« Les Bouches inutiles »), dans La Ilustración Sud Americana, Buenos-Aires, n° 86, du 16 juillet 1896 ; par la traduction des Contes de la chaumière, intitulée Cuentos de la choza, et parue à Buenos Aires, dans la Biblioteca d’El sol, à une date indéterminée, mais du vivant de Mirbeau (le volume figurait dans sa bibliothèque) ; et, dans un autre registre, par la publication, en 1952, toujours à Buenos-Aires, chez Emece, d’une Antología apócrifa, qui  comporte une parodie de Mirbeau, aux côtés de textes apocryphes rédigés à la manière de Baudelaire, Kipling, Conan Doyle, Góngora, Tolstoï et Mark Twain, le tout accompagné de caricatures de Toño Salazar. Mais le signe le plus étonnant  de cet intérêt est fourni par la publication, en juin 1922, d’un numéro entier d’une revue engagée à gauche, Los Intelectuales, consacré à Mirbeau, sous le titre de Prostitución y miseria [“prostitution et misère”]. Ce sixième numéro comporte les mêmes textes, contes et chroniques, parus à Barcelone quelques mois plus tôt sous un titre différent, El alma rusa [“l’âme russe”]. Le titre argentin est celui de la nouvelle de tête, qui n’est autre que « Pour M. Lépine », que Mirbeau a insérée en 1901 dans le chapitre XIX des 21 jours d’un neurasthénique. Sans doute d’autres contes de Mirbeau ont-ils été publiés dans d’autres revues, mais ils n’ont pas été recensés. Signalons simplement que « Le Portefeuille » (« La Cartera ») figure, en 1974, dans un recueil intitulé symptomatiquement Dinamita cerebral, sous-titré Los mejores cuentos anarquistas de los más famosos autores et publié par Distribuidora Baires.

Pour ce qui est du théâtre, l’accueil semble avoir été également favorable. Sous le titre  Los malos pastores, Les Mauvais bergers a été traduit et adapté par Jorge Downton, qui a réduit la pièce à quatre actes ; la pièce a été créée à Buenos-Aires le 29 juillet 1920 et a été publiée la même année dans le n° 111 d’une revue de la capitale, La Escena.  Vieux ménages a connu deux traductions : Un viejo matrimonio  [“un vieux ménage”], traduit et adapté de nouveau par Jorge Downton et publié en 1921 par Bambolinas, dans la collection « Bambolinas », n° 145 ; et Matrimonios maduros [“ménages mûrs”], paru en 1922 à Buenos-Aires, chez B. Fueyo. Pour sa part, L’Épidémie (La Epidemia) a été édité en 1921, toujours à Buenos-Aires, par F.-J. Madero, dans une traduction anonyme. Certes, nous n’avons pas trouvé de traces des représentations des Affaires sont les affaires, ni du Foyer, mais il serait fort étonnant que ces deux grandes comédies n’aient pas été montées au moins à Buenos-Aires. Il pourrait bien en aller de même de Scrupules et du Portefeuille, qui ont toujours bien plu à des troupes amateurs. Notons enfin que Le Journal d’une femme de chambre (Diario de una camarera, adapté et mis en scène par Manuel Iedvabni, a été représenté  à Buenos-Aires, La Plata et autres lieux, de 1998 à 2001, avec l’actrice Rita Terranova dans le rôle de Célestine.

Il est frappant de noter que c’est au lendemain de la Première Guerre mondiale que se sont multipliées les traductions de Mirbeau en Argentine, comme si la guerre avait donné une actualité pressante à ses valeurs et à ses engagements.

Concernant les études universitaires portant sur Mirbeau, nous en avons trouvé quatre, mais il est possible que d’autres nous aient échappé. Tout d’abord, Saul Taborda, dans ses Investigaciones pedagogicas, publiées en 1951 par l’Ateneo Filosofico de Córdoba, consacre un chapitre à Sébastien Roch  (tome II, pp. 64-81), et confronte le roman de Mirbeau à Poil de Carotte et à Jean-Christophe, trois romans qui ont en commun de se placer du point de vue des enfants face aux parents et à l’école et de donner des pères une image critique, sans pour autant en faire de mauvais pères. En 2000, également à Córdoba, ont paru les Actes du colloque Literatura y Fin(es) de Siglo [“Littérature et Fin(s) de siècle”], qui comportent un article de Silvia Emma Miranda de Torres portant notamment sur Le Journal d‘une femme de chambre, « De Octave Mirbeau a Isabel Marie : la domesticidad en dos fines de siglo » (vol. I, pp. 109-118).  Enfin, le nouvelliste et universitaire Daniel Attala a publié en 2003, dans les Cahiers Octave Mirbeau, n° 10 (pp. 272-278), un article sur « Jeff Noon lecteur du Jardin des supplices » et va y publier un autre article dans le n° 17, à paraître en mars 2009, « Octave Mirbeau et Pierre Ménard (Quasi fantasia) ».

. P. M.


ARMENIE

De terribles répressions et des massacres à grande échelle, œuvres du sultan Abdul-Hamid, surnommé « le Grand Saigneur » par Anatole France, eurent lieu dans l’Arménie ottomane en 1894-1896, et firent entre 200 000 et 300 000 morts, sans que Gabriel Hanotaux et le gouvernement français lèvent le petit doigt. Mirbeau a fait partie, avec Pierre Quillard et Anatole France, des intellectuels qui ont vivement dénoncé la sanglante dictature incarnée par Abdul Hamid, « la Bête Rouge », comme il l’appelle, mais, dans l’état actuel de nos connaissances, il ne semble pas avoir participé à une campagne suivie.

* Pendant l’affaire Dreyfus, dans une interview imaginaire de Gabriel Hanotaux, où il stigmatise sa complicité objective avec le régime turc, il est supposé le rencontrer dans un décor d’apocalypse, celui des travaux du métro, et il lui prête des propos symptomatiques : « « Ces arbres abattus… toutes ces choses mortes… tous ces vieux souvenirs qui agonisent… et ces boutiques éventrées… j’adore tellement !... / – Cela vous rappelle sans doute les Arméniens ? [...] / – Les Arméniens aussi étaient innocents [comme Dreyfus]… Et je les ai laissé massacrer par centaines de mille… »  (« Dans les ruines », L’Aurore, 26 mars 1899).

* Le 16 juin 1900, il participe à une matinée donnée au profit des orphelins arméniens – au nombre de 50 000 – et patronnée par la Ligue des droits de l’homme, et dont le discours d’ouverture est prononcé par Anatole France.

* En 1902, il accepte de préfacer Les Sultanades, poèmes de deux inconnus, Handrey et Loris, parce qu’il partage leur indignation, mais il ne se fait pour autant aucune illusion sur l’effet pratique de cette publication : « Hélas ! je crains que ce frémissement n’arrive pas jusqu’à la “Bête Rouge”, dans ce palais sanglant et fermé, où, gorgée de meurtres, hideuse et suant la peur, elle cuve ses saouleries de massacres, sous la garde des cimeterres. / L’Europe, elle, lira peut-être vos vers ; elle les lira avec la même indifférence qu’elle eut en assistant aux crimes dont l’impunité est la grande honte de ce temps, la faillite ignominieuse des diplomates et des gouvernants. »

Faute d’avoir pu étudier les archives des associations qui ont alors soutenu la cause du peuple arménien, nous ne saurions dire si Mirbeau a fait plus, s’il a donné de l’argent, comme c’est plausible, vu son habituelle générosité, ou s’il a collaboré peu ou prou à des publications pro-arméniennes, que nous n’avons pas encore dépouillées, et en particulier s’il a aidé d’une façon quelconque son ami Pierre Quillard, fondateur de la revue Pro Armenia, où il semble n’avoir signé aucun article. Toujours est-il que, lors du banquet donné en son honneur par la revue littéraire La Plume le 6 juin 1903, l’écrivain arménien Archag Tchobanian, fondateur de la revue nationale, littéraire et culturelle Anahid, et considéré comme l’ambassadeur de la culture arménienne en France, a salué en Mirbeau  « l’un des écrivains les plus humains de la littérature française, la plus humaine des littératures » (La Plume, 15 juin 1903).

P. M.

 

 

 

 


AUDIERNE

Octave Mirbeau a séjourné à Audierne, dans le Finistère, de décembre 1883 à juillet 1884, pour soigner son chagrin d'amour d'avec Judith Vimmer, la future Juliette du Calvaire, en abandonnant son poste de rédacteur en chef des Grimaces, qui ne s'en remettront pas.

Pourquoi s'être réfugié à Audierne ? Souvenirs des paysages maritimes de sa jeunesse ? Dépaysement exotique – langue, costumes, coutumes – à bon compte, comme pour les peintres de Pont-Aven ? Conseil de Maupassant, qui est passé par là ? Une certitude : Mirbeau recherche le contact de la mer, « l'amie des inconsolés », « la mer sauvage, avec ses grèves désertes, hantées de cormorans », « dans un coin les plus sauvages du Finistère, sur cette grève horrible et charmante de la baie d'Audierne, qui va des gouffres noirs de la Pointe du Raz aux rochers homicides de Penmarc'h ». Il rend compte de ce séjour dans ses correspondances avec Paul Hervieu de 1884 et dans « Les Eaux muettes », un texte publié dans les Lettres de ma chaumière en 1885.

À Audierne, Mirbeau s'installe chez le légendaire Antoine Batifoullier, « au ventre pantagruélique », qui a reçu Maupassant, mais, devant la curiosité croissante de son aubergiste et les ragots qui circulent sur son compte, il élit domicile chez Bidault, « le personnage le plus laid incontestablement de l'Armorique ». Comme plus tard son abbé Jules pour apaiser ses sens, il passe le plus clair de son temps à marcher dans la campagne, à escalader les rochers et à regarder la mer « tragique et splendide ». Peu à peu il se dégrise de « l'alcoolisme de l'amour ». Il rêve de faire un livre. Ce sera Le Calvaire. Mais il n'est pas en état de s'y mettre. Cependant, il retrouve le chemin des hommes.

Un jour, des pêcheurs l'invitent à les accompagner en mer. Mais il est pris « d'un horrible mal de mer » : « C'est la dernière fois que je joue au matelot » écrit-il à Paul Hervieu. Farceur, ce Mirbeau, qui fera croire aux naïfs Goncourt, qui le colporteront dans leur Journal, que, pendant son séjour breton, après avoir acheté un bateau de pêche, il a mené « dix-huit mois de la vie d'un matelot » !

À défaut de pêcher le bar, Octave va à la chasse. Pour compagnon, il choisit un chien, surnommé Canard. Un cabot surdoué, marginal et original, qui reconnaît ses ennemis – il ne fait qu'une bouchée du chien du maire – et qui est capable de tous les exploits: plonger, rapporter des mulets, des turbots, et même des langoustes ! De mémoire de Breton, on n'a jamais vu un tel phénomène ! À qui fera-t-on croire cette fable animale, sinon aux gogos parisiens ? L'humour revient, Mirbeau va mieux ...

Une autre fois, il reçoit la visite de Frédéric Le Guyader, receveur des contributions indirectes et poète incompris, venu se faire pistonner auprès du journaliste influent. Il l'épinglera dans une lettre à Paul Hervieu et dans « Un poète local » des Lettres de ma chaumière, pour sa manie de faire des vers sur tout, en « quinze, dix-huit, et jusqu'à vingt-deux pieds » Toujours le goût de l'exagération chez Octave: le pauvre Le Guyader ne commettait que des alexandrins...

Quatre mois après son arrivée, Audierne n'a plus de secrets pour Mirbeau, qui revit. Il fréquente les villageois, dont les méfiances sont tombées, et même les notables comme Amédée de Lécluse de Trévoédal, qui brigue la mairie... Octave se lance alors dans la campagne électorale en faveur de ce réactionnaire bon teint, contre le candidat... républicain, qui est battu ! Manifestations de rues, échauffourées, affiches lacérées, « blessés, mourants. Le sang jaillit sur les quais ». C'est sûr, Mirbeau invente, Mirbeau s'amuse. Il retrouve sa bonne humeur et se sent d'attaque pour affronter Paris.

De la  « jolie petite ville d'Audierne », il se souviendra toujours et ne manquera jamais de lui rendre hommage. Inséparable de sa douloureuse expérience passionnelle, la région d'Audierne servira de cadre à plusieurs chapitres du Calvaire (1886) et verra naître la Célestine du Journal d'une femme de chambre.(1900). Enfin, dans Les Vingt et un jours d’un neurasthénique (1901), il racontera l'excursion qu'il fit, durant trois jours, à l'île de Sein dans un chapitre consacré à la Bretagne.

Au contact de la nature bretonne, Mirbeau a changé. Sa sensibilité s'est aiguisée. Acquis aux novateurs de la peinture impressionniste, il commence une somptueuse carrière de critique d'art et puise dans son séjour cornouaillais anecdotes et souvenirs qui enrichiront ses écrits. D'Audierne, il repensera « souvent avec regrets »...

J.-P. K.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, « Audierne », La France, 24 août 1885 ; Jean-François Nivet, « Mirbeau et la Bretagne », préface de Croquis bretons, Rezé, 1997, pp. 11-30.

 

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AURAY

Octave Mirbeau et Alice Regnault, qui viennent de se marier en catimini à Westminster le 25 mai 1887, après avoir vainement cherché une maison à Belle-Île, s'installent en location, à Kérisper près d'Auray, début juillet 1887. Comme d' habitude, Octave est emballé par la propriété « admirable » qu'il a dénichée « entre le rivière d'Auray et la rivière du Bonneau », « où se trouve un petit port très gai et un immense pont-suspendu » (classé monument historique, il a échappé à la démolition et est réservé maintenant à l'usage des piétons !) : « Kérisper est une vieille maison avec tourelles, fossés, pont-levis transformé en grille monumentale, aux portails de laquelle se trouvent deux lions de granit, si vieux, si effrités, qu'ils ressemblent à deux animaux fabuleux. » Les deux lions veillent toujours à l'entrée, tels que Mirbeau les décrit. Mais en face de la maison, le « pavillon Louis XIV, très joli », était « en ruine » et Octave, contrairement à la légende d'une photo de l'exposition itinérante Mirbeau, n'a pu y loger avec Alice.

Ironie du sort, Gyp, alias comtesse de Martel, née en 1849 Riqueti de Mirabeau, arrière-petite-nièce du tribun révolutionnaire, avec laquelle il aura de sérieux ennuis judiciaires à Paris, a vu le jour au château de Coët-Sal, distant de huit kilomètres seulement de Kérisper ! De même, Vannes et son collège de jésuites Saint-François-Xavier, où Octave a passé quatre années d'« enfer », ne sont qu'à quinze kilomètres ! Et pourtant, Mirbeau, qui n’en est pas à un paradoxe près, vante les charmes de la région à ses amis ... 

Dans cette « demeure d'un chef chouan », Octave se lance comme « un bagneux » dans la rédaction de L'Abbé Jules, qui, de tous ses romans, aura le plus enthousiasmé ses fidèles et lui vaudra des soutiens inattendus, comme Mallarmé, Heredia ou Banville. Il trouve encore le temps d'écrire des chroniques bretonnes, qu'il envoie au Gil Blas, au Gaulois, au Figaro. Parmi elles, se détache l'effroyable description des « monstres » sur la route du pèlerinage à Sainte-Anne d'Auray, « loques venimeuses », « plaies qui n'ont pas de nom », « paquets de chair décomposée », « chair écorchée », « moignons sanguinolents », « viande corrompue, sur laquelle s'acharnent les mouches »... Un vrai « Jardin des supplices » avant la lettre ! 

Mirbeau accueille aussi de rares visiteurs : son père avec lequel il passe trois jours à Belle-Île, Rodin qui restera trois semaines (« j'ai passé avec lui des heures charmantes, délicieuses »), Paul Hervieu, qu'il emmène en bateau avec un pêcheur du coin. Mallarmé se contente de lui écrire et compose pour la circonstance ce « quatrain postal » :

 

Va, poste, tout crinière et bave,

            Lui jetant un fameux hi-han

            Chez notre ami très cher Octave

            Mirbeau

                          Kérisper

                                        Morbihan

 

Au mois de janvier 1888, les excès de travail – quatorze heures par jour – et de tabac, conjugués à des fièvres paludéennes, ont raison de la santé d'Octave. Huit mois plus tard, il se rend à l'évidence, le climat « malsain » d'Auray ne lui convient pas. « Chassé par la fièvre de ce beau Kérisper », il le quittera à regret pour se refaire une santé dans le Midi, après un séjour transitoire de deux mois à Paris pour retrouver ses amis.

Ainsi la vision rassurante d'un retour à la nature de Mirbeau sera éphémère. Son installation près d'Auray – elle aura duré un an et demi – où il accouchera dans la douleur de son roman L'Abbé Jules, « un des plus beaux livres de ce temps », selon Théodore de Banville, a réveillé en lui sa haine pour ses anciens tourmenteurs du collège des jésuites de Vannes, Saint-François-Xavier. Mirbeau, Sébastien devenu Bolorec, va passer à l'ère des grands combats. Le pays d'Auray et le Morbihan, « qui est ce qu'il y a de plus bretonnant dans toute la Bretagne », en seront la source ...

J.-P. K.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, Correspondance générale, Lausanne, L’Âge d’Homme,2003, tome I, pp. 680-865.

 


AUTRICHE

Mirbeau et l’Autriche

 

Mirbeau n’est, semble-t-il, allé que deux fois en Autriche, mais on ne saurait exclure qu’il s’y soit rendu auparavant, dans les années 1870 ou au début des années 1880, voire au-delà de 1904, au cours d’un de ses divers périples en automobile dont nous ne connaissons qu’une partie. La première fois qui soit attestée, c’était en octobre 1899 : venant de Suisse, il s’est arrêté au moins à Innsbrück, d’où il écrit à Rodin : « Et ce Tyrol ! Quelle pauvreté intellectuelle ! » Nous ignorons s’il s’est aventuré plus loin. Quatre ans plus tard, il s’est rendu en train de Berlin à Vienne, le 5 octobre 1903, à la demande pressante du directeur du Hofburg Theater, Schlenther, pour essayer de sauver les représentations à venir de Les affaires sont les affaires, dont la première s’était déroulée dans une atmosphère glaciale : la salle était en effet remplie de dignitaires de la Cour et de représentants de l’aristocratie et de la haute banque, à coup sûr peu sensibles à la portée sociale de la satire mirbellienne. Mais les deux représentations suivantes, devant un public ordinaire, sont un triomphe et Mirbeau est rentré en train à Paris sans s’attarder, après avoir passé à Vienne moins de 48 heures.

Il ne semble pas qu’il ait de l’Autriche une haute idée. Déjà, en 1884, dans son article nécrologique au vitriol sur le peintre officiel du pays Hans Makart, qui avait eu droit à des funérailles grandioses et nationales, il avait éreinté l’Autriche, « qui est à l’Allemagne ce qu’est la Belgique à la France : décadence et contrefaçon ». Vienne était à ses yeux « une ville sans art, sans littérature, sans musique, sans philosophie, dont la renommée tient tout entière dans ses pâtisseries, ses bibelots de Klein » ; et la société autrichienne dans son ensemble était jugée « sans idéal et sans goût »… Quinze ans plus tard, il ne semble guère avoir changé d’avis. Mais il est bien possible que l’accueil fait à sa grande comédie, en octobre 1903, lui ait révélé l’existence d’une population dotée de goût et capable d’esprit critique et qui ne se sentait aucunement représentée par le régime en place.

 

L’Autriche et Mirbeau

 

De fait, il y a en Autriche, comme dans les autres pays d’Europe, des éditeurs, des directeurs de journaux et des gens de théâtre qui ne demandent qu’à émanciper la pensée de la lourde tutelle de l’empire des Habsbourg et de la chape de plomb de l’Église catholique. Au premier rang on trouve la Neue freie Presse, de Vienne, où Mirbeau publie un article sur l’alliance franco-russe, le 14 juillet 1907, et le Wiener Verlag, qui publie énormément d’écrivains étrangers manifestant des préoccupations sociales ou clairement anticléricaux. C’est précisément le Wiener Verlag qui publie sept volumes de Mirbeau :

* Tagebuch einer Kammerjungfer (Le Journal d’une femme de chambre), 1901, sans indication du nom du traducteur. Le livre a été interdit en 1902 pour atteinte aux bonnes mœurs (toutes les allusions à la sexualité sont relevées) et à la religion, alors que quinze éditions de mille exemplaires chacune avaient été écoulées et que le roman faisait partie des meilleures ventes de l’année. L’éditeur a fait de cette interdiction un argument de vente en Allemagne, où le roman a fini par être interdit également, en 1912.

* Bauernmoral, 1902. Le nom du traducteur n’est pas davantage précisé. Ce petit volume de 137 pages comporte neuf textes parus en français dans les Contes de la chaumière de 1894 : « Bauernmoral » (« Justice de paix), « Giborys Beichte » (« La Confession de Gibory »), « Ein Kind » (« L’Enfant »), « Vor dem Begräbnis » (« Avant l’enterrement »), « He, Vater Niklas » (« Hé ! père Nicolas »), « Meine Hütte » (« Ma chaumière »), « Der alte Dugué » [« le vieux Dugué »] (« La Mort du père Dugué »), « Warum Pitaut traurig war » [« pourquoi Pitaut était triste »] (« La Tristesse de Maît’Pitaut »), et « Ein Gutsbesitzer » (« Agronomie »). Le titre adopté souligne ce qui différencie la morale des paysans de celle des urbains.

* Sebastian Roch, 1902, traduit par Franz Hofen. L’édition atteint les 5 000  exemplaires dès 1903.

* Die Badereise eines Neurasthenikers [“la cure thermale d'un neurasthénique”] (Les 21 jours d’un neurasthénique),1903. La traduction est de Georg Nördlinger et n’est qu’une reprise de l’édition parue un an plus tôt à Budapest, chez Grimm, et qui sera interdite en Allemagne.

* Der Abbé (L’Abbé Jules), 1903. La traduction est de Ludwig Wechsler. Le tirage a été de 2 000 exemplaires.

* Laster und andere Geschichten [“Le vice et autres histoires”], 1903, dans la collection « Bibliothek berühmter Autoren » [“bibliothèque d’auteurs célèbres”]. C'est un recueil de six contes, sans indication de provenance : « Laster » [“Le péché”] (« Pour M. Lépine »), « Zwei Freunde » (« Les Deux amis »), « Der Dieb » [“le voleur”] (« Scrupules »), « Tatou » (« Tatou »), « Unbefriedigt » (« Un Mécontent »), et surtout « Nummer 364.998 » [“le n° 364 998”] (« En attendant l’omnibus »), conte kafkaïen, que Franz Kafka a donc pu lire en allemand,  le volume figurant précisément dans sa bibliothèque.

* Der Herr Pfarrer und andere Geschichten [“Monsieur le Curé et autres histoires”], dans la collection « Bibliothek berühmter Autoren ». La traduction est de Franz Weil. C’est un recueil de six textes : « Monsieur le Recteur », la nouvelle titre, « Der Billige Tod » [“la mort bon marché”] (« Une Bonne affaire »), « Zeitgemässe Pantomime » [“pantomime de circonstance”] (« Pantomime départementale »), « Letzte Reise » (« Le Dernier voyage »), « Interviewer » [“l’interviewer”] (« Interview ») et « Vor der Galavorstellung » (« Récit avant le gala »). Le volume a été réédité en 1906.


Par la suite, on recense, en Autriche, une nouvelle édition en allemand du Jardin des supplices, Der Garten der Qualen, reprise de la traduction de Franz Hofen publiée par l’éditeur Grimm de Budapest en 1901 et aussitôt interdite en Autriche ; elle paraît à Vienne en 1923, chez Fischer Verlag, mais c’est Berlin qui est indiqué, et non Vienne, afin de dépister la censure, en cas de nouvelle interdiction du livre... Puis deux nouvelles traductions du Journal d’une femme de chambre, mais sous un titre nouveau, Tagebuch einer Kammerzofe : la première a paru en 1960 à Klagenfurt, chez Eduard Kaiser Verlag, dans une traduction de Grete Felsing, et elle a été rééditée en 1969, amputée de la dédicace et de l’avertissement ; la seconde a paru en 2006 à Vienne, chez Tosa Verlag, dans la collection « Klassiker der Erotik » [“classiques de l’érotisme”], 2006, et la traduction, signée de Ronald Putzker, comporte nombre de coupures et quelques infidélités. 

La recension des articles et contes de Mirbeau traduits en allemand et publiés par des journaux autrichiens reste à faire, de même que la recension des articles et comptes rendus de ses œuvres.


P. M.

 

Bibliographie : Norbert Bachleitner, « Traduction et censure de Mirbeau en Autriche »,  Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, pp. 396-403 ; Norbert Bachleitner, « Marie Herzfeld et Le Calvaire - Mirbeau comparé à Tolstoï et Strindberg en 1890 », Cahiers Octave Mirbeau, n° 9, 2002, pp. 213-214 ; Hermann Bahr, Glossen zum Wiener Theater (1903-1906), Fisher Verlag, Berlin, 1907, pp. 408-413.


BELGIQUE

« Tout le monde sait qu’il n’y a pas de poètes en Belgique, qu’il n’y a rien en Belgique, et même que la Belgique n’existe pas…La Belgique n’est qu’une plaisanterie inventée, un jour de festin par M. Camille Lemonnier : une mauvaise plaisanterie. » Cette sentence péremptoire, signée Octave Mirbeau au bas d’un article « Propos belges », publié par le Figaro le 26 septembre 1890, aurait pu être prononcée un quart de siècle plus tôt par Charles Baudelaire. Le grand poète maudit avait fait pire, plus injurieux encore. Il avait des excuses : il était malade, poursuivi par ses créanciers et désespérément à la recherche d’un éditeur pour ses poèmes en prose ; ses conférences ennuyaient un maigre public bruxellois. La crise qui l’avait terrassé en l’église Saint-Loup de Namur lui avait rendu la Belgique définitivement antipathique. Seul, son ami Félicien Rops échappait à sa haine ( « Pas d’artiste excepté Rops », in Pauvre Belgique). Il faut reconnaître que le jeune état belge ne brillait pas par sa littérature à l’époque.

Léon Bloy, lui, n’avait aucune de ces excuses, vingt ans après Mirbeau, quand il écrivait dans son journal, le 2 février 1910 : « Les Belges… ces banlieusards de la littérature… Il y a des jours où je me demande si la Belgique existe réellement, si elle n’a pas été inventée. » Sans doute s’était-il souvenu de l’article du Figaro et en avait-il reproduit les termes, presque mot pour mot ; sans comprendre l’humour du grand imprécateur cependant. Évidemment ! Car Mirbeau ironisait bien sûr en 1890, et vilipendait, de sa plume grinçante, les réactions nombrilistes de ses compatriotes, jeunes ou vieux – Paul Adam notamment –, qui n’avaient pu supporter l’éloge dithyrambique qu’il avait fait, un mois auparavant, dans le même Figaro, d’un jeune écrivain inconnu de tous, sauf de Mallarmé, et qui avait le grand défaut de n’être pas Français. Pire, il était Belge, Flamand de surcroît.

Mirbeau, une fois de plus, s’était montré visionnaire. Il avait dû bien rire, en 1911, après avoir appris que le jury suédois avait attribué le prix Nobel de littérature à Maurice Maeterlinck. Il est étonnant qu’à cette occasion il n’ait pas songé à rappeler à ceux-là qu’il avait eu du nez. Était-ce de la modestie ? Peut-être, mais la maladie l’avait depuis longtemps contraint à se retirer des tribunes de la presse.

Mirbeau connaissait déjà la Belgique pour y avoir été au moins plusieurs fois. Dans lesdits « Propos belges », il précisait : « Je ne puis oublier, tout à fait ce que j’ai appris autrefois, ce que j’ai vu, ce qui m’a ému, ce qui m’a charmé. Bruxelles, Anvers, Bruges, Liège, Gand, toutes ces merveilles où dort tout un passé de gloire, où rayonne encore l’âme éternelle et protectrice de tant de génies : les Van Eyck, les Rubens, les Van Dyck, etc., comment admettre que tout cela n’est qu’un rêve ou qu’une blague de M.Camille Lemonnier ? » Le reste de son article était de la même eau à l’égard d’une Belgique «  terre unique où ceux d’entre nous, abreuvés d’amertumes, écœurés d’injustices, lassés de luttes stériles et sans espoir, ont eu cette joie si délicieuse et si grave de se sentir enfin compris, de se sentir enfin aimés ? » Il pensait à Mallarmé, J.-K. Huysmans, Verlaine (qui était un peu, et même beaucoup belge quand même !), et Villiers de l’Isle-Adam.

Le 16 juin 1880, comme correspondant du Gaulois, il avait fait à Bruxelles le compte rendu de l’inauguration de l’Exposition Universelle, la première d’une longue série en Belgique. Elle se déroulait sur le champ de manœuvres militaires d’Etterbeek et on y célébrait le cinquantième anniversaire de l’indépendance du pays. L’arc de triomphe n’était pas encore construit et le parc dit du Cinquantenaire n’était pas encore aussi vaste et arboré tel que Mirbeau le verrait, vingt-cinq ans plus tard, lors de son voyage dans sa Charron 628-E8. Ce compte-rendu du 16 juin, publié dans le volume 1 de la Correspondance générale, est à l’adresse d’Arthur Meyer, directeur du Gaulois et sous signature de Tout-Paris. Mirbeau y est très élogieux pour l’organisation et la réussite du spectacle, qu’il compare à celui de l’Exposition Universelle Paris le 1er  mai 1878… sauf la pluie qui avait épargné la capitale belge !

En septembre 1885, Octave Mirbeau entamait une correspondance avec Félicien Rops qu’il avait rencontré dans l’atelier de Rodin. Le peintre et caricaturiste namurois, ami de Baudelaire qui l’avait visité à Namur en 1864, était installé depuis plus de dix ans à Paris, où il séjournait entre de nombreux voyages en Hongrie, Espagne, États-Unis et Canada. Il est alors au sommet de son art et l’illustrateur le mieux payé de Paris ; il illustra notamment Mallarmé,  les Diaboliques de Barbey d’Aurevilly et Péladan. Mirbeau avait également eu le projet de faire illustrer certains de ses contes cruels par le maître belge. Le projet n’aboutira pas malgré l’accord et les essais de Rops. Mirbeau considérait Rops comme un des plus grands esprits de son époque ; il en a fait le portrait élogieux dans un article du Matin du 19 février 1886. Dans  Le Calvaire (1886), premier roman autobiographique signé Mirbeau et écrit à cette époque, le peintre Joseph Lirat est largement inspiré par la personnalité de Félicien Rops (voir Hélène Védrine : « L’influence du  peintre de la vie moderne »). Mirbeau  enverra à Rops un exemplaire dédicacé de l’édition originale du Calvaire en novembre 1886. Leur relation épistolaire en restera là, Rops rentrant pour un temps en Belgique. Le musée Félicien Rops à Namur rassemble une grande partie de sa production (www.museerops.be).

Mirbeau appréciait un autre artiste belge, Constantin Meunier, dont il avait fait connaissance par l’intermédiaire de Rodin et de Rops, en 1885 également. Camille Lemonnier avait fait découvrir au jeune peintre bruxellois la région de Charleroi et du borinage, terre de charbonnages et grandes industries métallurgiques. Meunier s’était alors consacré principalement à la sculpture, et le prolétariat, le peuple travailleur était devenu sa principale inspiration. Lemonnier lui a consacré une biographie éditée à Paris chez H. Floury, en 1904. Mirbeau l’a quant à lui révélé au public parisien dans son Salon de 1886, et en a refait l’éloge lors du Salon de 1893 (« Ceux du Champ-de-Mars »,). Dans La 628_E8, il décrit le vain combat de Meunier pour la statue de Zola.

1881 a été l’année du renouveau de la littérature belge. Cette année-là, un jeune étudiant, chassé de l’université de Louvain, Max Waller, rassemblait autour de lui, à Bruxelles, un groupe d’amis épris d’une fervente passion des livres et de la poésie, et fondait la Jeune Belgique. Aux pionniers, Georges Rodenbach notamment, se joindraient très rapidement d’autres jeunes écrivains comme Verhaeren, Van Lerberghe et surtout  Maurice Maeterlinck en 1886. Ce dernier, jeune avocat gantois, ferait, à vingt-huit ans, l’objet du désormais célébrissime article d’Octave Mirbeau dans Le Figaro du 24 août 1890 qui allait véritablement le propulser au firmament   de la littérature francophone puis mondiale. Il faut relire la correspondance que Mirbeau échangea, dès le lendemain dudit article, non seulement avec le jeune écrivain belge, mais avec d’autres écrivains, comme Mallarmé ou Hervieu, pour se rendre compte de l’impact énorme fait par ce coup d’éclat médiatique. Mirbeau a pris dès lors la mesure du génie de Maeterlinck, et ne cessera de l’aimer : dès le 8 septembre 1890, quinze jours après avoir découvert La Princesse Maleine, il rendait compte de son admiration, encore plus grande, pour L’Intruse et Les Aveugles, petits drames en un acte qui viennent d’être réédités, pour la première fois depuis près de cent ans, avec Les sept Princesses, sous le titre Petite trilogie de la mort, dans une édition critique, première du genre, de cet ensemble qui fit date dans l’histoire théâtrale. Il en sera de même pour Pelléas et Mélisande en 1892 et la Vie des Abeilles en 1900. Maeterlinck ne sera pas en reste et encensera son aîné pour Les Mauvais Bergers en mars 1898.

Georges Rodenbach était l’aîné de sept ans du jeune Maeterlinck. Il fit ses études à Gand, avec Émile Verhaeren, dans ce même collège Sainte-Barbe où devaient se rencontrer plus tard Maurice Maeterlinck, Charles Van Lerberghe et Grégoire Le Roy. Docteur en droit, lui aussi, il se consacre très tôt à la littérature, lance La Jeune Belgique avec Max Waller, y introduit ses trois plus jeunes condisciples, fait un premier séjour à Paris, où il reçoit les premiers éloges de François Coppée et Victor Hugo, puis revient en Belgique pour se mêler à la bataille littéraire qu’y livraient ses amis. Il fait son stage au barreau chez Edmond Picard, prononce l’éloge de Camille Lemonnier lors d’un banquet resté célèbre, puis s’installe définitivement à Paris en janvier 1888 comme correspondant du Journal de Bruxelles. Rodenbach fréquente alors les Mardis de la rue de Rome chez Mallarmé, le Grenier d’Edmond de Goncourt et publie en feuilleton Bruges-la-morte en février 1892 dans le Figaro. Il y rencontrera nécessairement Octave Mirbeau dont on connaît l’amitié pour Mallarmé et Goncourt et qui vient de renouer avec le Figaro à l’occasion de la première parution du Journal des Goncourt, mais ce n’est qu’à partir du printemps 1894 que les deux écrivains vont nouer des relations amicales lors d’un dîner chez les Rodenbach et surtout à propos de la représentation au Théâtre Français de la pièce du jeune belge Le Voile. Marguerite Moreno y tient le rôle principal et Léopold II, himsef  assiste à la première. Il ne s’agit évidemment pas du voile, objet des querelles actuelles, mais de celui d’une béguine et qui cache les cheveux dont rêve un jeune homme qui se retrouve tout dépité lorsqu’il les aperçoit enfin. Mirbeau n’y a pas assisté, bien qu’il ait promis d’être au moins présent à la générale ; il n’en fit aucun commentaire. Il intercédera pour que Rodenbach collabore au Figaro et en fera un éloge dithyrambique dans Le Journal du 15 mars 1896 à l’occasion de la parution des recueils de poèmes Les Vies encloses et Le Règne du silence, et surtout à la mort du poète le jour de Noël 1898, quelques semaines après le décès de Mallarmé, dans le même Journal du 1er janvier 1899. Dans le premier de ces articles, Mirbeau rappelle son affection pour la Belgique littéraire : « … n’est-il pas inutile – dussent quelques compatriotes s’alarmer de cette constatation – de redire que Georges Rodenbach nous vint de Belgique, de cette Belgique décriée, et qui, pourtant, avec l’auteur de Vies encloses, nous donna M.Maurice Maeterlinck et M.Émile Verhaeren, c’est-à-dire les trois noms les plus purs, et les plus retentissants, et les plus définitifs de la jeune poésie française ? »

Peu de Belges auront lu ces derniers éloges quand les passions se déchaîneront en Belgique contre les propos « au second degré », mais aussi  contre les vérités enfin révélées par Mirbeau dans La 628-E8 (1907).  1905 est une année cruciale en Belgique où on atteint le sommet de la polémique opposant les partisans de roi, maître du Congo, et les adversaires, de plus en plus nombreux, d’un système esclavagiste et spoliateur. Mirbeau y débarque en Charron dernier modèle ; il passe par Bruxelles et Anvers avant de visiter la Hollande et l’Allemagne. En 1907 il publie un récit de son voyage : Bruxelles, son roi, et le catholicisme omniprésent en Belgique n’y sont pas épargnés. Cette « autofiction » est un chef-d’œuvre à maints égards ; peu le comprendront en Belgique notamment. Les réactions seront virulentes, telles celles de  Pierre Broodcoorens dans La Belgique artistique et littéraire de février 1908 . Même Maurice Maeterlinck, dans un article schizophrénique, mais néanmoins subtil, y va de son petit couplet patriotique et réparateur dans Le Figaro du 30 décembre 1907 intitulé « Chez les Belges 

Au total pourtant, peu de Français ont aimé la Belgique comme Mirbeau et peu l’ont bien comprise comme lui, en lui disant ses vérités. Les plus terribles sont à présent sorties de dessous l’éteignoir qui les couvrait depuis un siècle. C’est un Belge qui vous le dit.

M. Bo.


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