Thèmes et interprétations
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PESSIMISME |
PESSIMISME
Pour Mirbeau, qui a lu Schopenhauer et dont la vision qu’il nous donne de l’homme, de sa nature et de sa condition, est d’une noirceur confinant au nihilisme, le terme de « pessimisme », comme le notait Marc Elder, est à prendre au pied de la lettre, en se référant au superlatif latin pessimus, sur lequel il a été façonné : pour lui, en effet, tout est pour le pire dans le pire des mondes possibles ! Son pessimisme métaphysique, qui fait de l’univers un jardin des supplices et de l’existence terrestre un véritable enfer, se double d’un pessimisme psychologique : l’homme n’est qu’« une bête méchante et stupide », comme dit l’abbé Jules, fort peu éloignée, en dépit des apparences, de ses ancêtres, les grands fauves féroces et lubriques ; et la culture n’est qu’un vernis superficiel qui craque à la première occasion. À cela s’ajoute un profond pessimisme social : les sociétés en général reposent sur le meurtre, y compris celles qui se disent civilisées ; toutes sont oppressives et aliénantes ; toutes organisent méthodiquement l’écrasement de l’individu. Ce pessimisme, qui, selon lui, « n’est le plus souvent que de l’amour en révolte », est le fruit de la lucidité : « Nous avons trop lu, trop vu, trop vécu pour avoir encore des illusions » (« À propos de la morphine », Le Gaulois, 29 octobre 1880). Mirbeau y voit le premier pas vers la sagesse et le considère comme la condition d’un engagement au service du progrès social, « car c’est de lui que viendra ce grand cri de pitié, qui peut renouveler le monde » (« Tartarinades », Le Matin, 25 décembre 1885). En effet, paradoxalement, cette vision accablante de l’humanité et de la société, qui est pourtant bien de nature à désespérer Billancourt – voir notamment le dénouement des Mauvais bergers (1897) – n’a pas empêché Mirbeau de se battre avec persévérance pour les valeurs éthiques et esthétiques qu’il a faites siennes après le grand tournant de 1884-1885, mais dont il sait pertinemment qu’elles sont subjectives, floues et instables. Comme si les hommes étaient amendables. Comme si les sociétés étaient perfectibles. Comme si, malgré tout, subsistait un petit espoir d’améliorer les terrifiantes conditions infligées à l’humanité. Chez lui le pessimisme de la raison se révèle inséparable de l’optimisme de la volonté, parce que, comme l’explique son ami Thadée Natanson, « jamais il ne prend son parti des tares ou des vices et que, à chaque fois, il recommence de s’en fâcher ». Voir les notices Enfer, Meurtre, Désespoir, Lucidité, Combat, Révolte et Anarchisme. P. M.
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