Thèmes et interprétations
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EMPREINTE |
Employé par Mirbeau dans son roman Sébastien Roch (1890), et repris dans le même sens par Édouard Estaunié pour intituler son premier roman, publié en 1896, le mot « empreinte » désigne, chez les deux écrivains, la marque indélébile de l’éducation religieuse infligée à l’enfant, notamment dans les collèges de jésuites – que Mirbeau qualifie de « pétrisseurs d’âmes » –, où tous deux ont fait leurs études. L’expérience de la vie et l’usage de la raison peuvent, le plus souvent, aider l’adulte à se débarrasser de nombre de croyances et superstitions grossières qui épouvantaient l’enfant. Mais ce qui est beaucoup plus difficile, voire impossible, à extirper, c’est tout ce qui est si profondément enfoui que la raison ne parvient pas à lutter contre des mécanismes insidieux, résultant de la manipulation de cerveaux malléables par les prêtres. Au premier chef, le sentiment de culpabilité, qui constitue un véritable « poison », « agissant à distance et dont les années n’ont pu atténuer l’effet », comme l’écrit Estaunié. Ainsi le jeune Sébastien Roch confie-t-il à son journal : « J'ai l'horreur du prêtre, je sens le mensonge de la morale qu'il prêche, le mensonge de ses consolations, le mensonge du Dieu implacable et fou qu'il sert ; je sens que le prêtre n'est là, dans la société, que pour maintenir l'homme dans sa crasse intellectuelle, que pour faire, des multitudes servilisées, un troupeau de brutes imbéciles et couardes; eh bien, l'empreinte qu'il a laissée sur mon esprit est tellement ineffaçable que, bien des fois, je me suis dit : “Si j'étais mourant, que ferais-je ?” Et, malgré ma raison qui protestait, je me suis répondu : “J'appellerais un prêtre !” » (Sébastien Roch, II, 2). Bien sûr, Sébastien n’est qu’un personnage, et Mirbeau a beau jeu d’illustrer, à travers son exemple pathétique, les ravages de l’éducation catholique. Il s’en est évidemment mieux sorti que son double, car il s’est très vite révolté, comme en témoignent ses Lettres à Alfred Bansard. Mais il n’est pas complètement indemne pour autant : chez lui, l’empreinte se manifeste surtout par une logique de rédemption et d’expiation – et aussi, sans doute, par des rapports passablement masochistes avec les femmes. Voir aussi les notices Christianisme, Religion, Jésuites, Rédemption, Expiation, Estaunié et Sébastien Roch. P. M.
Bibliographie : Pierre Michel, « Octave Mirbeau, Édouard Estaunié et l’empreinte », in Mélanges Georges Cesbron, Presses de l'Université d'Angers, 1997, pp. 209-216 ; Pierre Michel, « Mirbeau et le poison religieux », L'Anjou laïque, Angers, février 2006 ; Octave Mirbeau, Sébastien Roch, Charpentier, 1890.
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