MISONEISME
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C’est par
ce terme, assez peu usité, que Mirbeau désigne
l’hostilité des hommes, et surtout des Français,
à tout ce qui est nouveau et qui perturbe leur confort mental
et leurs habitudes de vie. Cela concerne tous les domaines.
Sur le
plan artistique, c’est l’impossibilité de la
plupart des gens à admettre les recherches et innovations qui
bousculent leurs conceptions bien arrêtées, résultat
de leur conditionnement socioculturel, ce qui expose les véritables
artistes à la risée du public et à « la
blague » des artistes mercantiles (voir ses Combats
esthétiques).
Sur le
plan technologique, c’est une méfiance craintive à
l’égard des nouveautés qui menacent le
train-train quotidien, au premier chef l’automobile :
« Ah ! les automobiles ! Quel désastre !... quelle
folie !... quel crime ! »), ce qui fait que Mirbeau n’en
apprécie que davantage l’ouverture d’esprit des
Jurassiens (voir La
628-E8, 1907).
Sur le
plan idéologique, c’est l’attachement à
des « préjugés corrosifs »
inculqués à l’enfant par la famille (le « coup
de pouce » du père), l’école et
l’Église (« l’empreinte »)
et confortés, chez l’adulte, par la presse et les
gouvernements, fussent-ils républicains.
Quant à
la vie quotidienne des Français, elle est, à en croire
Mirbeau, engluée dans la routine et le mépris de
l’hygiène la plus élémentaire, ce qui
contraste péniblement avec le dynamisme et la propreté
de des Pays-Bas ou de l’Allemagne, où « le
progrès ne fait pas peur ».
Pour qui
souhaite un chamboulement profond de l’organisation sociale,
aberrante et foncièrement injuste, pour la remettre sur ses
pieds, le misonéisme majoritaire constitue un obstacle
quasiment insurmontable. Dans l’espoir de l’ébranler
malgré tout et de faire naître, chez certains de ses
lecteurs, l’étincelle de la conscience critique, Mirbeau
s’emploie à démystifier et à désacraliser
les valeurs consacrées et les institutions respectées
et met en œuvre une pédagogie de choc.
Voir aussi les
notices Empreinte, Larve, Bourgeois, Artiste, Désacralisation
et Démystification.
P. M.
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