Thèmes et interprétations
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JAPONISME |
C’est à travers l’art des estampes, que Mirbeau évoque le Japon. En effet, après 1860, avec l’ouverture de Meiji, les relations d’échange s’intensifient avec le Japon. Les artistes européens découvrent alors les estampes des peintres de l’ukiyo-e (Scènes du Monde flottant). Utamaro, Hokusai, Hiroshige deviennent une nouvelle source d'inspiration pour les peintres impressionnistes. Le collectionneur Philippe Burty donne un nom à cette influence : le japonisme. Mirbeau, dans La 628-E8, reprendra un des récits légendaires de la découverte des estampes japonaises : « J’ai souvent pensé, dans ce voyage, à cette journée féérique où Claude Monet, venu en Hollande […], trouva, en dépliant un paquet, la première estampe japonaise qu’il lui eût été donné de voir. » Pour d’autres, ce serait le peintre Bracquemond, qui aurait découvert, chez l'imprimeur Delâtre, un volume de la Mangwa d'Hokusai ayant servi à caler des porcelaines expédiées par des Français établis au Japon. Ernest Chesneau, dans « Le Japon à Paris » (Gazette des beaux-arts, 1878), écrit que « c’est un peintre qui, flânant chez un marchand de curiosités venues de l'Extrême-Orient, que l'on confondait alors indistinctement sous le nom commun de chinoiseries, découvrit, dans un récent arrivage du Havre, des feuilles peintes et des feuilles imprimées en couleur, des albums de croquis aux traits rehaussés de teintes plates, dont le caractère esthétique – et par la coloration et par le dessin – tranchait nettement avec le caractère des objets chinois. Cela se passait en 1862. » Mais qu’importe le nom, ou les noms, de ces découvreurs ? Ce qui compte, c’est l’importance de l’influence de cet art japonais dans la peinture occidentale, qu’Octave Mirbeau souligne dans son roman de 1907 : « Ce fut le commencement […] d’une telle évolution de la peinture française. » Chesneau, dans son article, cite, parmi les artistes collectionnant des estampes japonaises, Manet, James Tissot, Fantin-Latour, Degas, Carolus-Duran, Monet, Félix Régamey, Bracquemond et Jules Jacquemard. On retrouve, dans cette liste, aussi bien des artistes défendus par Mirbeau que des noms détestés par lui. Mirbeau souligne ainsi la nature de la révolution artistique apportée par les Japonais : « Le paysage ! Ce sont eux qui l’ont fait comprendre à nos artistes. Ce sont eux qui leur ont montré à fixer les plus fugitives fêtes de la lumière, à chérir tous les aspects de la Nature et à la représenter avec autant d’amour sous les givres, les brumes, que sous la caresse de l’azur et le triomphe du soleil. ». De nouvelles conceptions se présentent pour les couleurs et la lumière, les lignes, la composition. À Paul Gsell qui, en visite chez Mirbeau, s’« extasie devant un aigle et un tigre d’Hokousaï », l’écrivain répond : « Ah ! ces Japonais ! Quelle sensibilité merveilleuse ! Chez les êtres vivants, ils sont arrivés à noter des détentes de muscles, des soubresauts, des tressaillements que jamais n’avaient observés les Occidentaux. » On retrouve ici un des éléments du Beau d’Octave Mirbeau : faire ressentir la vie à travers l’œuvre. Dans Le Jardin des supplices (1899), après la visite du bagne, Clara inconsciente est portée par le narrateur dans un lieu dédié à l’amour, ou plutôt au sexe, et voici ce qu’il aperçoit : « Une pieuvre, de ses tentacules, enlaçait le corps d'une vierge et, de ses ventouses ardentes et puissantes, pompait l'amour, tout l'amour, à la bouche, aux seins, au ventre. » On ne peut pas s’empêcher de penser à l’estampe d’Hokusaï (1760-1849) intitulée Le Rêve de la femme du pêcheur :
Toujours excessif Octave Mirbeau dira des peintres japonais : « Ce sont les rois des artistes ! » F. S.
Bibliographie : Ernest Chesneau. « Le Japon à Paris », Gazette des beaux-arts, 1878 ; Paul Gsell, Interview d’Octave Mirbeau, La Revue, 15 mars 1907 (recueilli dans les Combats esthétiques de Mirbeau, Séguier, 1993, t. II, pp. 418-430) ; Octave Mirbeau, Le Jardin des supplices, Fasquelle, 1899 ; Octave Mirbeau, « La découverte de Claude Monet », in La 628-E8, Fasquelle, 1907, chapitre V (recueilli dans les Combats esthétiques, Séguier, 1993, t. II, pp. 461-463).
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