Thèmes et interprétations
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ABSURDE |
Dans Le Mythe de Sisyphe, Albert Camus définit l’absurde par la confrontation entre, d’un côté, l’irrationnel du monde et, de l’autre, un homme avide de comprendre et de trouver un sens aux choses, mais qui se heurte à un mur d’incompréhension. Cette définition vaut aussi pour l’absurde mirbellien, qui résulte toujours de la prise de conscience par un individu – un personnage de fiction, ou un pseudo-interviewer de chroniques journalistiques, ou encore le journaliste lui-même qui feint la naïveté – du caractère complètement aberrant du monde tel qu’il va. Et cela à tous les niveaux : - Irrationnel de « ce crime » sans criminel qu’est « l’univers » et d’une condition humaine vouée à une inexorable mise à mort, où les criminels et les héros sont logés à la même enseigne et traités de la même sanglante et inique façon. - Irrationnel de la société bourgeoise, où tout va à rebours du bon sens et de la justice, et de l’économie capitaliste, où une masse d’exploités asservis sert à engraisser une minorité d’exploiteurs et de parasites. - Irrationnel de la “Justice” humaine, qui envoie en prison, au bagne ou à l’échafaud, des quantités d’innocents, comme dans la kafkaïenne « Vache tachetée », mais laisse les plus grands criminels profiter impunément de leurs crimes et de leurs rapines, tel Isidore Lechat, dans Les affaires sont les affaires (1903). - Irrationnel de la psyché humaine, qui obéit à des pulsions incontrôlables, parfois meurtrières, qui sont le plus souvent contraires à l’intérêt de l’individu, comme c’est le cas dans l’amour. C’est le caractère universel de l’absurde, et au premier chef dans la société de son temps, qui permet à Mirbeau de recourir si souvent à la démonstration par l’absurde (voir la notice) : en mettant en lumière les aberrations sociales dans le fonctionnement normal des institutions qu’il dénonce, par exemple dans des farces comme Scrupules ou Le Portefeuille, il fait comprendre qu’il conviendrait d’inverser complètement l’ordre social en place – ou plutôt le désordre – pour que les choses retrouvent une certaine rationalité. Mais il ne prétend pas pour autant posséder des solutions toutes faites et il ne s’aventure jamais à dire comment il faudrait procéder pour opérer le grand chambardement qu’il appelle de ses vœux. Voir aussi les notices Raison, Meurtre, Pessimisme, Enfer, Justice, Capitalisme, Question sociale, Amour, Psychologie, Démonstration par l’absurde, Camus et Contes cruels. P. M.
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