Familles, amis et connaissances

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Terme
PAILLERON, édouard

PAILLERON, Édouard (1834-1899), auteur dramatique français peu productif. Gendre de François Buloz, dont il a épousé la fille en 1862, et par conséquent beau-frère de Charles Buloz, qui ne l’aimait guère, il est devenu l’un des propriétaires de La Revue des deux mondes, brocardée par Mirbeau, ayant hérité de la moitié des parts, ce qui n’est pas allé sans frictions avec son partenaire. Dramaturge doté d’un esprit fin, il est surtout célèbre pour sa comédie Le Monde où l’on s’ennuie, représentée avec un énorme succès le 25 avril 1881 au Théâtre-Français ; c’est une satire des milieux mondains où se fabriquent les célébrités littéraires, et elle comporte une caricature du philosophe mondain Elme Caro. Parmi ses autres comédies spirituelles et de mœurs, citons : Les Faux ménages (1869), L’Étincelle (1879), Hélène (1878) et La Souris (1887). Il a élu à l’Académie Française en 1882, et c’est Paul Hervieu qui lui succèdera en 1900. Son Théâtre a été publié en quatre volumes (1909-1912).

Mirbeau n’a eu que peu de relations avec Pailleron, trop éloigné de lui idéologiquement et socialement, mais il avait de la sympathie pour l’homme, qui lui a écrit une lettre chaleureuse sur Le Calvaire, et une certaine estime pour son esprit, dont témoigne notamment son discours de réception de Ludovic Halévy à l’Académie Française : « Je recommande à tout le monde de lire le discours de M. Pailleron, qui répondait à M. Ludovic Halévy. Il est plein de verve, d’esprit, de fine raillerie, de mots hardis qui n’ont point souvent la bonne fortune d’être entendus en ce lieu guindé et refroidi. Je n’en aime pas toujours les idées, mais, si contraires aux miennes qu’elles soient, je confesse qu’elles sont exprimées en un langage brillant, avec un entrain moderne et artiste qui leur donnent un charme particulier, auquel on ne peut échapper » (« Notes académiques », Le Matin, 5 février 1886). Par ailleurs, la satire du monde académique et d’Elme Caro dans Le Monde où l’on s’ennuie ne pouvait que plaire à Mirbeau, démystificateur de gloires usurpées, qui a lui aussi ridiculisé Caro dans L’Écuyère (1882).

P. M.

 

 

 

 

 


PELADAN, joséphin

PÉLADAN, Joséphin (1858-1918), romancier idéaliste et occultiste qui a impulsé une réaction contre le naturalisme et l’impressionnisme, et, plus généralement, contre le matérialisme et le scientisme. Il se faisait appeler « le Sâr », se prétendait mage assyrien et se distinguait par ses excentricités. Auteur d'une vaste « éthopée » en douze volumes, La Décadence latine, qui débute en 1884 avec Le Vice suprême, préfacé par Jules Barbey d'Aurevilly. Parmi  les autres romans de la série, citons Curieuse (1885) L’Androgyne (1891) et La Gynandre (1892). Il a fondé le Salon de la Rose-Croix en 1892 et tâché de concilier l’ésotérisme oriental et le catholicisme intransigeant. Il incarne une des formes prises par la réaction spiritualiste.

Mirbeau et Péladan n'ont guère eu de relations, et l'auteur de L'Abbé Jules se moquait des calembredaines mystiques de Péladan, ne voyant en lui qu'un mystificateur patenté et un vulgaire cordonnier. Il a ironisé sur son compte dans « La Livrée de Nessus » (Le Journal, 30 mai 1897), où il était question de visites chez « un nommé Érik Satie », possesseur d'éteignoirs ayant appartenu à Joséphin Péladan, « qui est, paraît-il, une espèce de dentiste vendant je ne sais quelles fioles dans les foires ». Cela n’a pas empêché Mirbeau d’envoyer au « Sâr » un petit mot chaleureux pour le remercier de Curieuse, ni Péladan de féliciter Mirbeau pour son article en faveur de Remy de Gourmont, « Les beautés du patriotisme ».

P. M.

 


PETIT, georges

PETIT, Georges (1856-1920), galeriste et marchand d’art, qui a contribué, comme Durand-Ruel, à faire connaître des artistes novateurs. Fils de François Petit, il a succédé à son père en 1877, s’est fait construire un hôtel particulier et a aménagé, rue de Sèze, une immense galerie comportant plusieurs salles luxueuses : inaugurée en 1882, elle est aussitôt qualifiée par Zola de « magasins du Louvre de la peinture ». Dès lors Petit a mené un train de vie extrêmement élevé, dépensant 400 000 francs par an. Avec quelques années de retard sur Durand-Ruel, il a commencé à acheter des toiles impressionnistes, mais s’est toujours arrangé pour réaliser un énorme bénéfice en les revendant. Il a présenté pendant des années une Exposition internationale de peinture, dont Mirbeau a rendu compte en 1885, 1886 et 1887, et où figuraient Monet, Renoir, Whistler, Sisley et Raffaëlli. C’est aussi la galerie Georges Petit qui a accueilli, en 1889, l’exposition Monet-Rodin et, en 1892, des expositions rétrospectives de Pissarro et de Renoir.

Pour les peintres, Georges Petit présente l’avantage inappréciable de disposer de grandes salles bien placées, ce qui est fort tentant. Mais, aux yeux de Mirbeau, qui est sans illusions sur le personnage, il tâche surtout de les rentabiliser en les utilisant « comme il peut », c’est-à-dire n’importe comment, en multipliant des expositions dépourvues le plus souvent du moindre intérêt (« Le Sport dans l’art », La France, 21 décembre 1884). C’est chez Petit qu’a lieu, en mai 1885, la première Exposition internationale de peinture, où les toiles de Monet qui y sont exposées incitent le critique à pronostiquer que « le Monet restera » et que sa cote ne va pas manquer de monter rapidement. C’est également chez lui que se tient, en 1889, l’exposition conjointe Monet-Rodin, que Mirbeau a encouragé ses deux amis à organiser de conserve. Ainsi écrit-il à Monet, en mai 1888 : « Puisque Petit vous offre la salle en octobre, acceptez-la. Tâchez de décider Whistler à envoyer à cette exposition quelques grands portraits. Rodin aura bien des choses nouvelles. Et cela fera une exposition de choix. Je ferai tous mes efforts pour obtenir de Magnard un grand article dans Le Figaro ; je vous promets le Gil Blas et Le Gaulois, et La France. Avec cela nous ferons un bon lancement. » Et dix mois plus tard : « Donnez l’épée dans les reins de Rodin. Il a besoin d’être stimulé. Je vais lui écrire aussi un de ces jours. L’occasion est unique pour tous les deux. Il ne faut pas qu’elle vous échappe. » L’ennui est que, au fil des mois et des tractations menées par le sculpteur, sans consultation de son co-exposant, Georges Petit se montre de plus en plus vorace : après avoir fait miroiter la gratuité de la galerie, puis exigé 8 000 francs de chacun des exposants, plus 10 % des ventes, il finit par leur imposer des conditions draconiennes : 10 000 francs chacun et 15 % des ventes. Financièrement, c’est un échec. Mais Mirbeau console son ami en y voyant malgré tout les prémices de succès à venir : « Ce qu’il y a de terrible, c’est Petit. Il n’y a aucune solidité dans ce caractère de gamin, de rastaquouère et de filou combinés. Et puis il ment avec une effronterie admirable... Je sais bien que les autres sont pareils, et qu’il a, plus que les autres, une salle. Mais peut-être y a-t-il une combinaison moins onéreuse à trouver ; et s’il croit en vous – ce qui dans le fond est certain – le faire participer davantage, à l’abri d’une sorte d’association.  Enfin, c’est un moyen à inventer, songez-y. »

P. M.


PETITBON, berthe

PETIBON, Berthe (née en 1850) est la sœur cadette d’Octave Mirbeau. Le 29 janvier 1871, à Rémalard, elle a épousé un négociant sensiblement plus âgé, Gaston Petibon, né en 1836, et Octave, qualifié d’étudiant, est le témoin de leur union et à ce titre signe le registre. Cela ne l’empêchera pas de souligner à maintes reprises les insuffisances de son beau-frère (il le juge « peu intelligent »), lequel fera de mauvaises affaires, avant de mourir, fin décembre 1895, et de laisser les siens fort désemparés. Berthe et Gaston Petibon ont eu trois enfants : Georges, Albert et André, que Mirbeau a reçus chez lui à maintes reprises et qu’il a aidés plusieurs fois, notamment au moment de leur baccalauréat, en intervenant en leur faveur auprès de Brunetière, puis lors de leur service militaire. Ils n’en ont cependant eu aucune reconnaissance, car ils auraient souhaité que leur oncle leur accordât 50 000 francs, supposés représenter la part de la succession de son propre père Ladislas, décédé en 1900, en guise de compensation financière pour les dépenses que leur grand-père Mirbeau aurait consenties pour aider son fils Octave avant son mariage.

P. M.


PEYREBRUNE, georges de

PEYREBRUNE, Georges de (1841-1917), pseudonyme de Mathilde Georgina Elisabeth Judicis de Peyrebrune, romancière à succès au cours des années 1880. D’inspiration naturaliste, ses œuvres les plus connues sont Marco, Gatienne (1882), Victoire la Rouge (1883), Les Frères Colombe (1885) et Les Ensevelis (1887). Figure discrète de la littérature féminine, elle n’hésite pourtant pas à prendre position contre la peine de mort – notamment au moment de l’exécution de l’anarchiste Vaillant en 1893 – , et en rejoignant le camps des dreyfusards aux côtés de son ami Joseph Reinach.

Le premier contact qu’eurent les deux écrivains se fit par lettre. Il semble d’ailleurs, en regard des quelques lettres conservées dans le Fonds Peyrebrune de la bibliothèque Municipale de Périgueux, qu’ils n’entretinrent qu’une courtoise et brève relation épistolaire. Celle-ci s’achève en juillet 1888.

En 1883, Peyrebrune faisait parvenir au rédacteur en chef des Grimaces, un exemplaire de son dernier roman : Victoire la Rouge. D’inspiration naturaliste, ce titre scandalisa le public de l'époque par la naïveté et les appétits bestiaux de son héroïne, une fille de ferme. Mirbeau en rendra une première fois compte dans Les Grimaces du 10 novembre 1883 puis, après relecture, dans le numéro du 1er décembre 1883. Il y compare le talent de sa consœur avec celui de peintres réalistes, Bonvin ou Millet. En dépit de cette admiration, il ne fut pas tenté de la rencontrer ou d’établir une quelconque relation.

Cette distance qu’il établit avec l’auteure traduit mal l’intérêt qu’il accorde à Victoire la Rouge. À la manière d'un « document humain », Mirbeau y a fréquemment puisé la matière de quelques-unes de ses œuvres. Il s'en servit, par exemple, pour écrire « Les Abandonnés », un conte publié dans L'Écho de Paris du 28 juillet 1890 et dont l'intrigue s'inspire du sort tragique de Victoire : une domestique est chassée par ses maîtres parce qu'enceinte. L'année suivante, Victoire la Rouge l'aida également à concevoir Le Journal d'une femme de chambre, qui commença à paraître en octobre 1891.

N. S

 

Bibliographie : Nelly Sanchez, « Victoire la Rouge : source méconnue du Journal d'une femme de chambre », Cahiers Octave Mirbeau n° 13, 2006, pp. 115-129 ; Nelly Sanchez « Lettres inédites d’Octave Mirbeau à Georges de Peyrebrune », Cahiers Octave Mirbeau, n° 17,  mars 2010.


PHILIPPE, charles-louis

PHILIPPE, Charles-Louis (1874-1909), romancier d’extraction modeste, originaire de l’Allier, et qui a mené la vie modeste d’un employé de la Ville de Paris. Il s’est attaché à peindre, avec un mélange de réalisme et de sentimentalité, les gens humbles qu’il côtoie et qu’il connaît bien. Il a fourni des contes au Matin et publié : La Mère et l’enfant (1897), émouvant hommage à sa mère, édité à compte d’auteur, La Bonne Madeleine et la pauvre Marie (1898),  Quatre histoires de pauvre amour (1900), Bubu de Montparnasse (1901), dont l’héroïne est une prostituée aux prises avec son souteneur, Le Père Perdrix (1903), qui n’a pu obtenir le premier prix Goncourt pour des raisons de date de publication, Marie Donadieu (1904), que Mirbeau appréciait moins, et Croquignole (1906), où est évoquée la vie de pauvres employés de bureau.. Il est mort prématurément d’une fièvre typhoïde, alors qu’il travaillait à un nouveau roman, Charles Blanchard (publié en 1913), sans jamais avoir obtenu le prix Goncourt, en dépit des efforts de Mirbeau, qui lui a toujours manifesté publiquement son admiration pour son talent, sa sensibilité, son amour des humbles et sa simplicité.

Ainsi, en 1902, voit-il en Philippe un écrivain qui « apporte quelque chose de neuf à la littérature d’aujourd’hui », avec « des livres d’une émotion nouvelle », mais qui, pour cette raison même, n’a aucune chance de recevoir un prix académique (« Sur les académies », Le Journal, 12 janvier 1902). En juillet 1903, Philippe sollicite son aîné pour l’aider à faire pré-publier son nouveau roman dans les colonnes du Figaro : « J’ai immédiatement pensé à vous, qui m’avez toujours témoigné beaucoup d’amitié. Croyez-vous la chose possible ? Dans ce cas, voudriez-vous vous en occuper ? Dans le cas contraire, quel conseil me donneriez-vous ? Je n’ai aucun scrupule à m’adresser à vous parce que vous avez toujours combattu pour les jeunes gens et parce que vous l’avez fait avec force et avec dévouement. » Au mois de  décembre suivant, lorsque est décerné le premier prix Goncourt, Mirbeau soutient la candidature de Philippe, qui ne peut cependant concourir pour des raisons statutaires. Un an plus tard, Mirbeau n’apprécie pas assez Marie Donadieu pour solliciter le prix en faveur de son protégé, mais il a bon espoir pour que soit récompensé l’année suivante un auteur pour le « talent si vivant et si original » duquel il a une « prédilection » (Gil Blas, 7 décembre 1904). Lorsque Philippe, pour qui il a voté, associé à Eugène Montfort, proteste contre l’attribution du prix Goncourt 1906 à Dingley, l’illustre écrivain, Mirbeau est ennuyé par la maladresse de son ami, mais n’en affirme pas moins qu’il a « beaucoup de talent » et mérite le prix Goncourt (Gil Blas, 18 décembre 1906). Mais Philippe mourra trop tôt pour cela, et Mirbeau, fort affecté par sa disparition brutale, accusera Lucien Descaves, non sans quelque injustice, de s’y être toujours opposé.

P. M.

 

 


PICQUART, georges

 

PICQUART, Georges (1854-1914), est un des protagonistes majeurs de l’affaire Dreyfus (voir la notice) et a été souvent, à ce titre considéré comme un héros. Entré à Saint-Cyr en 1872, il a été nommé en 1890 à l’École supérieure de la guerre comme professeur de topographie, après avoir fait la campagne du Tonkin. Polyglotte et cultivé, il apparaissait comme un officier plein d’avenir quand il a succédé au colonel Sandherr, en juillet 1895, à la tête du service de statistiques (c’est-à-dire du contre-espionnage français). Lieutenant-colonel en 1896, il découvre à l’automne de cette année la culpabilité d’Esterhazy dans la trahison imputée à Alfred Dreyfus (voir la notice), mais reçoit l’ordre de se taire et, pour l’écarter, on l’envoie en mission en Tunisie. Quand l’affaire Dreyfus commence, en novembre 1897, il est victime de persécutions continues pour son engagement dans la lutte pour la vérité : il est arrêté une première fois le 13 janvier 1898, mis en réforme trois jours après le jugement de Zola, le 26 février 1898, « pour fautes graves dans le service »., c’est-à-dire pour avoir témoigné au procès de Zola, puis emprisonné une seconde fois, pour onze longs mois, le 13 juillet suivant, sur plainte du nouveau ministre de la guerre, Godefroy Cavaignac, dont il a démonté point par point, le 9 juillet, les prétendues preuves de la culpabilité de Dreyfus avancées le 7 juillet par Cavaignac. Il sera réintégré dans l’armée, avec le grade de général de brigade, le 13 juillet 1906, et deviendra ministre de la Guerre du gouvernement Clemenceau en octobre 1906. Il mourra des suites d’une chute de cheval à Amiens.

Mirbeau a manifesté une vive admiration pour cet officier pas du tout comme les autres, puisque honnête et cultivé et de surcroît prêt à engager sa liberté pour défendre des valeurs humanistes. En février 1899, dans sa préface à l’Hommage des artistes à Picquart, volume abondamment illustré dont il a pris l’initiative, Mirbeau écrit : « Voilà plus de six mois que le colonel Picquart est en prison. Il est en prison pour avoir refusé de s’associer à un crime, il est en prison pour avoir crié l’innocence d’un homme, condamné au pire des supplices ; il est en prison pour avoir voulu cette chose aujourd’hui proscrite de toute la vie : la justice. [...] Le colonel Picquart avait le choix, entre la plus belle carrière militaire qui se fût jamais ouverte devant un officier, et le cachot. On ne lui demandait que de se taire. Il a préféré parler et, de ce fait, il a choisi le cachot. [...] Comme on avait condamné Dreyfus, coupable d’être innocent, il savait qu’on condamnerait Picquart, doublement coupable d’une double innocence : celle de Dreyfus et la sienne. Il savait tout cela, et il a choisi le cachot. » Et de conclure : « Je dirai du colonel Picquart que c’est un homme. Dans les temps de déchéance et d’avilissement que nous traversons, être un homme, cela me paraît quelque chose de plus émouvant et de plus rare que d’être un héros... L’humanité meurt d’avoir des héros ; elle se vivifie d’avoir des hommes ».  Au cours de l’Affaire, il l’invite plusieurs fois à déjeuner et, quand l’officier est incarcéré à la prison du Cherche-Midi, il lui rend visite à quatre reprises au moins (le 22 août, le 27 novembre, le 7 décembre 1898, et fin janvier 1899). Néanmoins, après la libération de Dreyfus, gracié par Émile Loubet, les dreyfusards commencent à se diviser, parfois même à se déchirer, et les deux amis ne se retrouvent pas dans le même camp : alors que Mirbeau reste fidèle à Dreyfus, Picquart reproche à ce dernier d’avoir accepté sa grâce et le traite désormais avec beaucoup de mépris, refusant même de le recevoir.

P. M. 

 

            Bibliographie : voir la notice Affaire Dreyfus.


PIERSON, blanche

PIERSON, Blanche (1842-1919), actrice française. Née dans l’île de la Réunion, fille et nièce d’acteurs, elle est entrée très jeune dans la carrière théâtrale. Venue à Paris à l’âge de 14 ans, elle y a interprété, dans divers théâtres (Ambigu, Vaudeville, Gymnase), de nombreux rôles de jeune première dans des pièces de Labiche, Meilhac, Sardou, Gondinet et Dumas fils (elle brille toit particulièrement dans La Dame aux camélias, en 1872). Ayant beaucoup progressé à force de travail, elle est entrée à la Comédie-Française en 1884 et en est devenue sociétaire en 1886. Elle a été élue au comité de lecture en 1911.

C’est Blanche Pierson qui a incarné Mme Lechat dans Les affaires sont les affaires (1903), puis celui de la sadique Mlle Rambert, dans Le Foyer (1908). Elle a  donné pleine satisfaction à Mirbeau dans ces deux rôles et elle est devenue pour lui une excellente et fidèle amie, qui l’a notamment activement soutenu, contre Jules Claretie, pendant la bataille du Foyer. Mirbeau l’a introduite auprès de Claude Monet et emmenée en automobile visiter Giverny. Lors de la mort d’Alice Monet, en 1911, Blanche Pierson est passée par lui pour transmettre au peintre ses condoléances émues.

P. M.


PILON, edmond

PILON, Edmond (1874-1945), poète et critique d’obédience symboliste, auteur, en 1903, de la première plaquette consacrée à l’œuvre de Mirbeau. Il a collaboré à La Revue bleue, à La Revue et à La Plume et a publié les Poèmes de mes sous (1896) et La Maison d’exilé (1898). Par la suite, il a collaboré à L’Action française. On lui doit aussi un grand nombre d’éditions de classiques des XVIIe et XVIIIe siècles et des études sur Chardin, Greuze et Watteau.

Dans La Plume du 1er juin 1900, Edmond Pilon a reproché à Mirbeau de s’être gaussé de Francis Viélé-Griffin dans son article « Espoirs nègres », paru le 20 mai dans Le Journal. Le critique a répondu le 10 juin, dans un nouvel article du Journal intitulé ironiquement « Le Chef-d’œuvre », où il tourne en dérision La Chevauchée de Yeldis, de Viélé-Griffin, dont il s’était déjà moqué trois ans plus tôt dans une fantaisie signée du pseudonyme de Jean Salt (Le Journal, 2 février 1897). Après avoir abondamment cité des extraits du poème, il conclut en interpellant ironiquement son contradicteur : « Tel est ce chef-d’œuvre, tel est le chef-d’œuvre de M. Viélé-Griffin !... Eh bien, je le demande, en toute bonne foi, à M. Edmond Pilon, qu’est-ce que tout cela veut dire ?... Quelle est cette langue ? Est-ce du patois américain ? Est-ce du nègre ? Qu’est-ce que c’est ? Ah ! je voudrais le savoir ! » Apparemment sans rancune, Edmond Pilon, a rédigé peu après une étude sur Mirbeau, certes fort modeste par ses dimensions, et constituée pour une bonne part d’articles d’autres critiques, mais qui est la première publiée en volume. Il lui en a envoyé le tapuscrit le 22 mars 1903, en lui demandant un autographe pour le publier en fac-similé dans la plaquette.

P. M.

 

Bibliographie : Edmond Pilon, « Octave Mirbeau », La Critique internationale, mars 1903 ; Edmond Pilon, Octave Mirbeau, Bibliothèque Internationale d'Édition, collection « Les Célébrités d'aujourd'hui », 1903, 48 pages.

 

 

 


PISSARRO, camille

PISSARRO, Camille (1830-1903), peintre, dessinateur et graveur français. Né dans l’île de Saint-Thomas, il appartient à une famille de négociants juifs  d’origine portugaise  installée aux Antilles danoises. Renonçant au commerce, il arrive à Paris en 1855 pour se consacrer à la peinture. Il subit d’abord l’influence des paysages de Corot et de Chintreuil. À partir de 1857, à l’Académie Suisse, il se lie avec Monet, Renoir et Cézanne, tous plus jeunes que lui. Admis au Salon dès 1859, il y expose assez régulièrement jusqu’en 1870, ce qui ne l’empêche pas de participer aux réunions des futurs impressionnistes où il joue un rôle décisif de fédérateur et d’organisateur. Il est alors soutenu par le jeune Émile Zola. En 1870, il se réfugie à Londres, y découvre (avec Monet) Turner et Constable et y rencontre Durand-Ruel, qui commence à s’intéresser à lui. Dans les années 1870, sa peinture devient plus aérée et plus claire, sans perdre sa solidité structurelle (Les Toits rouges, 1877, Orsay). Il peint sur le motif à Pontoise, avec Guillaumin et surtout Cézanne, qu’il encourage et aide à rompre avec son romantisme tourmenté. En 1885, suivant l’exemple de son fils aîné Lucien, il adopte la technique pointilliste, mais s’en lasse vite. Après avoir longtemps privilégié les sujets rustiques, les humbles travaux des champs et des villages, il se tourne à la fin de sa vie vers des motifs urbains présentés en vue plongeante (ponts et quais de Rouen, ponts et rues de Paris). Figure majeure et respectée de l’impressionnisme, il est le seul artiste à avoir participé aux huit expositions du groupe. Si Gauguin, puis Seurat et Signac, purent exposer avec les impressionnistes, c’est grâce à lui. Il resta fidèle au credo impressionniste : peindre sur le motif selon ses sensations et refuser la tentation de se présenter au Salon. Dessinateur prolifique, Pissarro est par ailleurs un maître de l’estampe, domaine dans lequel il n’a cessé de chercher. Sous l’influence de Degas, il a commencé, à la fin des années 70, par des monotypes. À partir de 1894, il emploie la couleur dans des eaux-fortes qu’il tire lui-même. En 1896, Vollard expose ses gravures, moins japonisantes que celles de Cassatt.

Ce n’est qu’à partir de 1886 que Mirbeau se met à écrire sur Pissarro. C’est le moment où le patriarche de l’impressionnisme adopte le pointillisme, que l’écrivain n’apprécie guère. Dans son compte rendu de la 8e et dernière exposition des impressionnistes, Mirbeau passe sous silence ce changement de technique : « On a reproché à M. Pissarro d’imiter Millet. Rien n’est plus absurde. M. Pissarro n’imite rien que la nature, et il voit la nature d’un œil très particulier. […]. M. Pissarro est un artiste robuste et sain, pour lequel je professe une vive admiration » (Combats esthétiques, I, 278). L’année suivante, Mirbeau aborde le problème frontalement : « Le procédé m’importe peu si la réalisation est belle ; et pourvu que je ressente une émotion, je ne vais pas chicaner l’artiste sur les moyens qu’il emploie. En art, la grande affaire est d’émouvoir, que ce soit par des touches rondes ou carrées. » (Combats esthétiques, I, 334). Puis vint le temps de l’amitié entre le peintre et l’écrivain qui partagent le même idéal libertaire et fréquentent le cercle de Jean Grave.

Le rôle de Mirbeau fut particulièrement important au début des années 90, lorsque Pissarro dut se relancer, au sortir de sa période pointilliste. En janvier 91, il publie dans la revue de Durand-Ruel sa première étude sur Pissarro, défini comme le peintre de l’harmonie : « Et cette harmonie […] vient de ce qu’il a été l’un des premiers à comprendre et à innover ce grand fait de la peinture contemporaine : la lumière » (Combats esthétiques, I, 413). En 1892, à l’occasion de la vaste rétrospective de l’artiste chez Durand-Ruel, Mirbeau rédige un nouveau dithyrambe pour Le Figaro : « Cette exposition […] nous montre ce maître, qui fut un chercheur éternel, à toutes les époques de sa vie d’artiste. Elle nous est donc […] comme le résumé de l’histoire intellectuelle d’un des plus admirables peintres qui aient jamais été » (Combats esthétiques, I, 458). Pissarro séjourne aux Damps, en décembre 91 et en septembre 92, peignant quatre vues du jardin des Mirbeau. Leur amitié est alors à son apogée et ils échangent de nombreuses lettres remplies d’affection. Pissarro apprécie les articles de Mirbeau, aussi bien quand il défend les impressionnistes que quand il démolit les « peintres de l’âme » ou vitupère l’ordre social. Pour Mirbeau, Pissarro est non seulement un très grand peintre et un compagnon de lutte, mais également un « père idéal ». Il apprécie hautement la conception que se fait Pissarro du rôle social de l’artiste. Triste de voir méconnu le talent de son ami, « ce talent si clair, si éloquent et si noble » (Correspondance, p. 59), il use de ses relations pour venir en aide au peintre et à ses fils, tous artistes. Il présente ce curieux phalanstère artistique dans « Une famille d’artistes », article publié en 1897 à la mort de Félix Pissarro (Combats esthétiques, II, 206-209). Malheureusement, la grande amitié s’est brutalement brisée en 1893, d’une manière absurde. En 1903, à la mort du peintre, Mirbeau conseille sa veuve pour la vente d’un certain nombre de toiles. L’année suivante, il préface le catalogue de l’exposition rétrospective chez Durand-Ruel. Il s’agit d’un bilan plus nuancé que les textes antérieurs : « Plus qu’aucun peintre, il aura été le peintre, vrai, du sol, de notre sol. […] Je l’ai connu et je l’ai vénéré » (Combats esthétiques, II, 346-347).



C.L.

Bibliographie : Janine Bailly-Herzberg, Correspondance de Camille Pissarro, vol. I, 1865-1885,  Paris, Presses universitaires de France, 1980 ; vol. II, 1886-1890, vol. III, 1891-1894, et vol. IV, 1895-1898, Paris, Éditions du Valhermeil, 1986, 1988 et 1989 ; vol. 5, 1899-1903, Saint-Ouen-l’Aumône, Éditions du Valhermeil, 1991 ; Octave Mirbeau, Correspondance avec Camille Pissarro, édition établie, présentée et annotée par Pierre Michel et Jean-François Nivet, Tusson, Du Lérot,1990 ; Lola Bermúdez : « Mirbeau-Pissarro : “le beau fruit de la lumière” », Actes du colloque Octave Mirbeau d’Angers, Presses de l’Université d’Angers, 1992, pp. 91-99 ; Octave Mirbeau, Combats esthétiques, tomes 1 et 2, édition établie et présentée par Pierre Michel et Jean-François Nivet, Paris, Séguier, 1993.

 

 

           


PISSARRO, félix

PISSARRO, Félix (1874-1897), quatrième enfant de Camille Pissarro. Peintre, il prendra le pseudonyme de Jean Roche. Élève de son père, il est considéré très tôt comme le plus doué de ses fils. Comme ses frères, il participe aux illustrations du Père Peinard. Très proche de son frère Georges, il décore avec lui la maison de Mirbeau à Carrières-sous-Poissy (cf. Correspondance avec Camille Pissarro, p. 149). En 1894, il expose rue Laffitte avec les néo-impressionnistes, en compagnie de ses frères Lucien et Georges. Mirbeau note dans L’Écho de Paris : « Nous sommes là, avec MM. Georges et Félix Pissarro, en présence de deux artistes exceptionnels. » Il envisage de leur consacrer une plus longue étude (qu’il ne fera pas) afin de « les présenter au public dans toute la signification de leur œuvre, qui s’annonce comme une des plus intéressantes, des plus passionnantes de ce temps » (Combats esthétiques, II, 51). En 1896, Bing expose ses boîtes décorées. Félix meurt prématurément en Angleterre. Mirbeau fait son éloge funèbre au début de « Famille d’artistes » : « J’ai rencontré rarement quelqu’un de mieux doué que lui. Imagination ardente, originalité, amour des grandes visions, goût délicat, il suffisait que Félix désirât quelque chose pour qu’il le fît aussitôt : peinture, aquarelle, eau-forte, bois gravé, sculpture sur métal. […] Je sais, de ce très jeune homme, des études de chevaux qui, encore naïves et d’un dessin parfois hésitant, sont pourtant de pures merveilles, où se révèlent une sensibilité excessive et aussi un tempérament d’art unique et fort… » (Combats esthétiques, II, 206). Mirbeau possédait de lui un panneau pyrogravé et coloré représentant justement des chevaux.



C.L.

Bibliographie : Octave Mirbeau, Correspondance avec Camille Pissarro, édition établie et annotée par Pierre Michel et Jean-François Nivet, Du Lérot, Tusson, 1990 ; Octave Mirbeau, Combats esthétiques, tome II, éditions Séguier, Paris, 1993.

 


PISSARRO, georges

PISSARRO, Georges (1871-1961), peintre, créateur d’objets d’art décoratif et de mobilier. Second fils de Camille Pissarro, il se fait connaître sous le pseudonyme de Manzana. Formé d’abord par son père, il part ensuite à Londres étudier dans une école d’art décoratif influencée par les théories de William Morris. Mirbeau le recommande alors au peintre Sargent, après avoir encouragé son projet d’illustrer La Princesse Maleine de Maeterlinck. Comme son père et son frère Lucien, il adopte un temps la technique pointilliste et se lie avec Maximilien Luce et Théo Van Risselberghe. Il participe, en 1894, à l’exposition des néo-impressionnistes et Mirbeau le remarque : « Ce qui me frappe particulièrement en cette exposition, et ce qui suffirait à y attirer tous les amateurs d’art, ce sont les suites de gravures sur bois et les eaux-fortes de MM. Georges et Félix Pissarro » (Combats esthétiques, II, p. 50-51). Il s’oriente vers les arts appliqués et crée des boîtes qu’il expose chez Bing. De tous les enfants Pissarro, il est le plus proche des Mirbeau, dont il décore, avec son frère Félix, la maison de Carrières-sous-Poissy. Il réalise pour Alice un modèle de tapisserie, s’installe aux Grésillons, à côté d’eux. L’écrivain aime venir le voir travailler. Dans « Famille d’artistes », en 1897, il le présente « porté vers les grandes lignes décoratives, séduit par le mystère des formes. […] Toutes les matières sont bonnes pour lui ; tous les outils. […] Il rêve de redonner au meuble un style nouveau » (Combats esthétiques, II, 208). En 1899, il participe à l’Hommage des artistes au colonel Picquart. En 1907, Mirbeau préface son exposition chez Vollard. Il souligne la portée décorative de ses œuvres, fondée sur l’alliance de l’imagination et des « facultés ouvrières » : « émouvante association de l’esprit et de la main, du poète et de l’artisan : je ne sais rien qui me touche davantage » (Combats esthétiques, II, 432).

                                                                                                         C. L.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, Correspondance avec Camille Pissarro, édition établie et annotée par Pierre Michel et Jean-François Nivet, Du Lérot, Tusson, 1990 ; Octave Mirbeau, Combats esthétiques, tome II, Séguier, Paris, 1993.


PISSARRO, lucien

PISSARRO, Lucien (1863-1944), peintre, graveur et imprimeur de la mouvance néo-impressionniste. Aîné des sept enfants de Camille Pissarro, il est formé par son père. Il participe à la huitième et dernière exposition des impressionnistes (1886), avec des tableaux, des aquarelles, des gravures et des projets d’illustrations pour Le Calvaire de Mirbeau. Il y figure avec Seurat et Signac, qui ont une forte influence sur sa technique. Avec eux, il participe également au Salon des Indépendants, où il enverra des œuvres jusqu’en 1894. Marié à une Anglaise, il s’installe près de Londres en 1893 et prendra en 1916 la nationalité britannique. À partir de là, son œuvre gravé tient une place de plus en plus grande dans ses travaux. Avec sa femme, il fonde la maison d’édition Eragny Press (The Queen of the Fishes, 1894). Il a entretenu une abondante correspondance avec son père (dont il était très proche), qui est une mine de renseignements sur les débats artistiques et politiques de l’époque. Il est considéré comme l’un des rénovateurs de la gravure sur bois à la fin du XIXe siècle.

En 1886, Lucien Pissarro illustre un conte paysan de Mirbeau (Les Infortunes de Mait’ Liziard) dans La Revue Illustrée. L’écrivain l’encourage et le recommande – mais sans succès – à l’éditeur Ollendorff pour qu’il illustre Le Calvaire. La même année, il vante ses dessins « d’un sentiment juste et délicat, d’un esprit fin, d’une observation curieuse » (Combats esthétiques, I, 278). Aux Indépendants de 1891, ce sont ses gravures qu’il loue : elles « ont de la verve, de la sobriété et de la distinction » (ibidem, 440). En mars 1893, Lucien offre à Mirbeau son First Portfolio. L’écrivain le remercie pour cet album de  gravures sur bois dans lequel il reconnaît « l’art délicieux et l’âme élevée » de son auteur (Correspondance avec Camille Pissarro, p. 145). C’est dans cette même lettre que l’on trouve cette confidence : « Votre père, je l’aime comme s’il était le mien. » Dans « Famille d’artistes », cet hymne de 1897 à « l’admirable » famille Pissarro « qui rappelle les temps héroïques de l’art », Mirbeau présente Lucien comme un « paysagiste lumineux et fin, d’une sensibilité exquise », tout en insistant sur l’autre aspect de son œuvre : « Graveur sur bois, aquafortiste, décorateur de livres, il met en tout ce qu’il crée un goût charmant, discret, des arrangements délicieux » (Combats esthétiques, II, 208). Ensuite, Mirbeau s’est progressivement éloigné de Lucien, ne voulant pas soutenir, sans doute, l’inflexion  préraphaélite de son œuvre.



C.L.

Bibliographie : Octave Mirbeau, Correspondance avec Camille Pissarro, édition établie et annotée par Pierre Michel et Jean-François Nivet, Du Lérot éditeur, Tusson, 1990 ; Octave Mirbeau, Combats esthétiques, tomes I et II, Séguier, Paris, 1993.

 

                 

PISSARRO, ludovic-rodolphe

PISSARRO, Ludovic-Rodolphe (1878-1952), peintre, aquarelliste et graveur. Cinquième enfant de Camille Pissarro, il s’est fait connaître sous le pseudonyme de Ludovic-Rodo. Il se forme auprès de son père et de son frère Lucien. En 1894, il commence à collaborer au Père Peinard et réalise un unique livre d’enfant à partir de La Mort du chien, un conte de Mirbeau. L’ouvrage est entièrement manuscrit et colorié aux crayons de couleur. Bande dessinée avant l’heure, il n’est pas sans rappeler les premiers livres de son frère Lucien à l’enseigne d’Eragny Press. Dans « Famille d’artistes »,  Mirbeau le présente comme un « esprit sarcastique et toujours silencieux » et rappelle, qu’adolescent, on découvrit un jour dans sa chambre « des quantités d’albums », et que ce fut « un ébahissement ! » (Combats esthétiques, II, 208).



C.L.

Bibliographie : Octave Mirbeau, Correspondance avec Camille Pissarro, éditions établie et annotée par Pierre Michet et Jean-François Nivet, Du Lérot, Tusson, 1990 ; Octave Mirbeau, Combats esthétiques, tome II, Séguier, Paris, 1993.


POINCARE, raymond

POINCARÉ, Raymond (1860-1934), avocat et homme politique français. Républicain dit « modéré » et « progressiste », c’est-à-dire, en fait, centre-droit, il est élu député de la Meuse en 1887 et devient, très jeune, ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, en 1893, puis de nouveau en 1895, après un passage au ministère des Finances. Pendant l’affaire Dreyfus, il est très prudent et longtemps hésitant, mais il finit par basculer – modérément – du côté de la révision lorsqu’il sent la République en danger et que les dreyfusards cessent de lui apparaître comme des factieux. Sénateur à partir de 1903, il s’oppose à la politique anticléricale de la gauche. Il est élu président de la République en 1913. De nouveau élu sénateur en 1920, il assume à deux reprises la présidence du Conseil.

Raymond Poincaré est un des rares politiciens pour qui Mirbeau ait eu un temps de l’estime. Il passait en effet pour très ouvert aux nouvelles tendances de l'art et de la littérature et avait adressé à Edmond de Goncourt, en lui remettant les insignes de commandeur de la Légion d'Honneur, le 1er mars 1895, un émouvant et inhabituel discours. Aussi, le 12 mai 1895, dans son article du Journal « Ça et là », Mirbeau, voyant en lui un ministre qui est aussi, « exceptionnellement, un artiste », « accessible et plein de bonne volonté », lui lance-t-il un appel en faveur de Camille Claudel, pour qu’il lui assure « la tranquillité d’esprit qu’il faut pour le travail ». Son appel est entendu et, le 25 juillet 1895, le ministère commande à la jeune sculptrice « le modèle en plâtre d’un groupe, L’Âge mûr », payé 2 500 francs. Mirbeau intervient de nouveau auprès du ministre en faveur d’un de ses protégés, le jeune Ernest Breuil, et obtient qu’il soit nommé au lycée Montaigne. Début juillet 1895, Poincaré va jusqu’à proposer la croix de la Légion dite « d’honneur » à Mirbeau lui-même et à Claude Monet, qui tous deux la refusent préventivement. Peu après, sorti de charge, Poincaré devient l’avocat des nouveaux académiciens Goncourt, dans le procès qui les oppose à des parents d’Edmond de Goncourt désireux de faire casser son testament. Lorsque la victoire est acquise, le 1er mars 1900, ils lui offrent un dîner en son honneur le 17 avril suivant. Ils l’invitent à nouveau à un de leurs dîners, le 23 janvier 1908. Mais le refus de Mirbeau de s’asseoir aux côtés de l’ancien ministre, comme le rapporte Jules Renard, est probablement un signe d’éloignement : une nouvelle fois il a dû être déçu par l’évolution d’un politicien dont il a trop attendu.

P. M. .

 

 

 


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