Thèmes et interprétations

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Terme
LAÏCITE

Octave Mirbeau était un laïque convaincu et combatif. Athée, matérialiste, il était aussi, avec virulence, anticlérical, anti-religieux et anti-chrétien. Aussi était-il partisan, non seulement d’une séparation radicale entre les Églises et l’État, mais aussi d’une opposition frontale aux religions instituées, et au premier chef à l’Église catholique romaine, dominante en France, parce qu’elles diffusent un « poison » mortel pour l’esprit de ceux qui en subissent « l’empreinte » : « Est-ce que, sous prétexte de liberté, on permet aux gens de jeter du poison dans les sources ?... », écrit-il dans une « Réponse à une enquête sur l’éducation » de la Revue blanche (1er juin 1902).

Aussi faisait-il partie des laïques les plus radicaux, avant tout soucieux de l’émancipation intellectuelle des citoyens, et qui trouvaient très insuffisante la loi de Séparation concoctée par le « socialiste papalin » Aristide Briand, car elle  se contentait de séparer la sphère publique et la sphère privée, la République et l’Église, tout en laissant aux « pétrisseurs d’âmes », comme il appelle les prêtres catholiques en général et les jésuites en particulier, le droit de poursuivre en toute impunité leur manipulation des esprits. Pour lui, il ne suffit pas de dénoncer le cléricalisme, c’est-à-dire le pouvoir des prêtres et leur ingérence dans les affaires de la cité, comme le font les gouvernements républicains : il convient surtout de s’attaquer à la racine du mal, c’est-à-dire aux croyances religieuses elles-mêmes, grâce auxquelles une minorité de dominants s’assure la subordination des larges masses. Comme le pétrissage des âmes commence dès la prime enfance et laisse des traces indélébiles, il souhaite, pour l’empêcher, un enseignement qui soit réellement laïque, c’est-à-dire fondamentalement matérialiste et purgé de toutes les anesthésiantes illusions spiritualistes d’essence religieuse. C’est la condition sine qua non pour former des individus libres et des citoyens conscients et actifs, sans lesquels la “démocratie” n’est qu’un jeu de dupes. C’est en ce sens qu’il fait paraître, dans L’Humanité de Jaurès, deux articles intitulés « Propos de l’instituteur », le 17 et le 31 juillet 1904.

Malheureusement, en dehors d’Émile Combes, qu’il respecte et qu’il défend dans « Le Petit homme des foules » (L’Humanité, 19 juin 1904), parce que ce « citoyen énergique et résolu » mène courageusement bataille contre « toutes les forces mauvaises du passé », les politiciens républicains déçoivent cruellement son attente et trahissent ce qui devrait être leur mission. Mirbeau ne voit désormais en eux que des « Cartouche » uniquement soucieux de préserver leur magot, les âmes de leurs sujets, face aux concurrents et complices que sont les « Loyola » de l’Église catholique (cf. (« Cartouche et Loyola », Le Journal, 9 septembre 1894). De l’émancipation des esprits, ils n’ont évidemment cure et, loin d’y contribuer, ils s’emploient au contraire à entretenir chez les futurs adultes la soumission et le respect dont ils ont besoin pour préserver leur pouvoir. La « morale » leur est, à cet égard, extrêmement utile, et c’est pourquoi Mirbeau ne cesse d’en dénoncer la pernicieuse instrumentalisation.

Voir aussi les notices Religion, Christianisme, Église, Empreinte et Morale.

P. M.

 

Bibliographie : Pierre Michel, « Mirbeau et le poison religieux », L'Anjou laïque, Angers, février 2006 ; Octave Mirbeau, Combats pour l’enfant, Ivan Davy, Vauchrétien, 1990.

 


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