Thèmes et interprétations

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Terme
DEMOCRATIE

La démocratie est un régime politique où c’est le peuple qui est supposé posséder le pouvoir. Soit directement, lorsqu’il est rassemblé sur la place publique pour participer à la prise des décisions, cas de figure qui n’existe plus nulle part depuis belle lurette au niveau d’un État, mais que l’on peut encore imaginer au niveau d’une association ou d’une commune. Soit, comme c’est le cas dans tous les régimes qui se disent démocratiques, par l’intermédiaire de représentants élus à cet effet, d’où la dénomination de « démocratie représentative ». Alors que les différents types de monarchies ne conçoivent les hommes que comme des sujets soumis au pouvoir du monarque, les démocraties sont supposées fonctionner grâce à l’existence de citoyens soucieux d’exercer leurs droits politiques.

Mirbeau est totalement réfractaire à cette représentation idyllique des choses et ne voit dans le terme de « démocratie » qu’un abus de langage visant à tromper et à asservir ceux que l’on prétend citoyens, et qui, en réalité, ne sont que des sujets, que l’on conduit moutonnièrement aux urnes ou aux abattoirs. Certes, les électeurs ont le droit de choisir ceux qui vont gouverner en leur nom, mais ils ne peuvent exercer sur eux aucune espèce de contrôle et n’ont aucun moyen de les obliger à tenir leurs promesses, au demeurant irréalisables le plus souvent. De surcroît, pour Mirbeau, les politiciens ne sont, dans leur très grande majorité, que des arrivistes et des prédateurs cyniques (voir par exemple Eugène Mortain dans Le Jardin des supplices), qui se soucient du peuple comme d’une guigne et qui ne se préoccupent que d’accéder au pouvoir, ou de le conserver, pour bénéficier de tous les avantages et prestiges qu’il procure. Aussi Mirbeau ne voit-il dans le suffrage universel qu’une grossière duperie, qui ne vise qu’à légitimer le pouvoir de ceux qui s’apprêtent à dévorer les moutons humains : son texte le plus mondialement diffusé en toutes langues est précisément un appel à la grève des électeurs.

Mais il est une autre raison pour laquelle la démocratie représentative n’est qu’un leurre aux yeux de Mirbeau : c’est que les citoyens, dont l’existence est indispensable à son fonctionnement idéal, sont en réalité extrêmement peu nombreux à être intellectuellement en mesure d’exercer leurs droits. En guise de citoyens, on n’a en réalité affaire qu’à une espèce d’« inexprimables imbéciles » qu’on nomme les électeurs, assez absurdes « pour consentir à se donner des maîtres avides qui les grugent et qui les assomment »,. Préalablement crétinisés par la famille, l’Église et la presse, ils votent n’importent comment, choisissant le plus souvent « les plus féroces » et « les plus rapaces » de ceux qui sollicitent leurs suffrages, aveuglés par ce que Mirbeau appelle « l’opium de l’espérance ». Si donc l’on souhaite parvenir un jour à une société qui soit réellement démocratique, la priorité doit être accordée dès maintenant à l’école. Ou, plutôt, à une école idéale où, au lieu d’abrutir les « pauvres potaches » et de les enduire de « préjugés corrosifs », on développerait leur esprit critique et où on leur donnerait les moyens intellectuels de comprendre le monde dans lequel ils vivent. Pour Mirbeau, ce n’est pas demain la veille...

Voir aussi Élections, Anarchie, Politique, École et La Grève des électeurs.

P. M.


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