Thèmes et interprétations

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Terme
MER

Percheron d’origine, Mirbeau est un terrien. Il aime la terre comme un amoureux, il a un culte pour les fleurs, il s’intéresse passionnément à l’agronomie, il suit avec ferveur le cycle des saisons et le perpétuel renouveau de la nature, et il se soucie de la pitoyable condition des paysans attachés à la glèbe. Mais cela ne l’empêche pas d’être aussi fasciné par la mer, cette « divinité gigantesque et changeante qu’aucune puissance humaine ne saura jamais étreindre toute », et d’être tout autant sensible à la dure vie et à l’admirable courage des pêcheurs bretons, auxquels il rend hommage (voir par exemple « Kervilahouen », Revue indépendante, 1er janvier 1887). Souventes fois il a admiré les paysages changeants et impressionnants offerts par la mer, qu’il a jadis découverte à Arradon, lors de ses études au collège des jésuites de Vannes, et il a cherché auprès d’elle un refuge et des consolations : à Audierne en 1884, à Noirmoutier en 1886, à Belle-Île, puis à Auray, de 1887 à 1889. Par la suite, il l’a retrouvée, mais dans de tout autres conditions, à Menton, Cannes, Nice ou Honfleur, où la mer, humanisée et aménagée pour le tourisme, ne pouvait pourtant pas lui fournir les mêmes sensations fortes que la Bretagne.

Pour lui, en effet, « il n’est pas de consolatrice des cœurs affligés meilleure et plus doucement berceuse que la mer », comme il l’écrit à propos d’un recueil de poèmes de Jean Richepin : « Quand, brisés de souffrances, épuisés de dégoûts, las de patauger dans cette ordure et dans ce mensonge qui sont la vie parmi les hommes, vous allez en quête d’un lieu de repos, d’un lieu où les êtres et les choses ne vous soient pas hostiles, c’est vers la mer d’instinct que vous fuyez, non point la mer déshonorée par les casinos et salie par les baigneurs, mais la mer solitaire, la mer sauvage avec ses grèves désertes, hantées des cormorans, ses falaises que les flots bombardent et démantèlent, ses roches chevelues de goémon qui baignent dans les flaques où fleurit la triste anémone, où s’agrège le pouce-pied. Et vous vivez seul dans l’horreur et dans sa beauté des choses de la mer. Les tempêtes qui tordent, comme des crinières, l’écume colère des brisants, étouffent le cri de votre âme dans leur fracas de canonnades ; les calmes mélancoliques vous endorment au ronron de leurs chansons, pareilles aux chansons des nourrices maternelles, et, devant l’immensité de la mer verte, qui, là-bas, va rejoindre, en un poudroiement d’opale, l’immensité du ciel bleu, vous vous sentez emporté, sur le vol d’une bernache ou sur la fuite d’une voile, vers l’infini, si loin de la terre, ah ! si loin ! À celui qui sait l’écouter, comme la mer sait parler un langage apaisant, et comme sa brise est douce aux blessures qui saignent, aux yeux qui pleurent ! Mieux que la plaine et ses fins horizons poudrés de brumes délicates, mieux que la montagne qui vous rapproche du ciel, mieux que la forêt inquiétante et mystérieuse, elle est l’amie des inconsolés » (« La Mer », Le Matin, 29 janvier 1886).

P. M.

 


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