Thèmes et interprétations

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Terme
COLLAGE

Le collage est une pratique mise en œuvre par Mirbeau au tournant du siècle et qui consiste à mettre bout à bout des textes écrits à des époques différentes, dans des registres qui ne sont pas forcément compatibles et dans des perspectives qui peuvent également être différentes. C’est une forme de recyclage de textes publiés antérieurement dans la presse, selon un processus inverse, mais complémentaire, de celui de la fragmentation. Mirbeau a recouru à ce procédé dans toutes ses dernières œuvres narratives, surtout dans les cas extrêmes que sont Le Jardin des supplices (1899) et Les Vingt et un jours d’un neurasthénique (1901). Même si le souci d’une bonne gestion de ses propres articles a pu expliquer pour une part leur réutilisation dans des romans postérieurs, la raison majeure du recours au collage est d’ordre littéraire.

L’intérêt principal du collage, qui fait coexister des textes conçus selon des modalités différentes, avec des personnages différents, c’est d’établir une franche rupture avec les normes de la composition romanesque en vigueur, sur le modèle de Balzac ou de Zola, et avec le finalisme qui lui est inhérent. Les habitudes du lectorat en sont toutes chamboulées : au lieu d’un récit cohérent, où tout se tient, et qui respecte les codes de la vraisemblance et de la crédibilité romanesque, il se trouve face à un agencement arbitraire de textes dissemblables, dont les coutures, loin d’être cachées comme il se doit pour faire croire à la « vérité » du texte, s’exhibent au contraire, faisant apparaître le travail du démiurge qu’est le romancier qui tire les ficelles. Comme l’écrit Anita Staron, « l’arbitraire devient donc la règle majeure de la composition, ou plutôt, de la décomposition ».

Cette juxtaposition, qui choque roidement les habitudes culturelles et les traditions romanesques et a suscité l’incompréhension de nombre de critiques, peut avoir un effet pédagogique, pour peu que, sous l’effet de la transgression, le lecteur soit amené à se poser des questions et à envisager des remises en cause de ses propres normes et valeurs. D’autre part, la réutilisation des mêmes textes dans des contextes différents permet de multiplier les approches et les interprétations, de même que, dans les séries des toiles impressionnistes de Claude Monet, la perception du motif change en fonction de la lumière, au fil des heures et des saisons. Enfin, la cohabitation de textes d’inspirations différentes est susceptible de produire, chez le lecteur, des effets inattendus et des significations indépendantes de celles que le romancier a pu imaginer, à l’instar des assemblages auxquels procédait Auguste Rodin, par exemple Fugit amor.

Voir aussi les notices Recyclage, Fragmentation, Roman, Le Jardin des supplices et Les Vingt et un jours d’un neurasthénique.

P. M.

 

Bibliographie : Bertrand Marquer, « Travaux de couture : Le Jardin des supplices et Les 21 jours d’un neurasthénique d’Octave Mirbeau », Nouveaux Cahiers François Mauriac, 2005, pp. 119-136 ; Anita Staron, « Le Puzzle façon Octave Mirbeau, ou de l’utilité des redites », in Actes du colloque Quelques aspects de la réécriture de Katowice, Wydawnictwo Uniwersytetu Śląskiego, 2008, pp. 59-97.

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