Thèmes et interprétations

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Terme
TRAUMATISME

Deux traumatismes au moins valent d’être relevés dans les années d’apprentissage d’Octave Mirbeau.

* Le premier résulte de l’amère épreuve du collège des jésuites où, selon toute vraisemblance, il a été victime d’un maître d’études “pédophile”, expérience qui, un quart de siècle plus tard, lui inspirera son roman Sébastien Roch (1890). Les effets de ce traumatisme ont été durables, et l’abondance des récits de viol (voir ce mot), dans ses romans et ses contes, en atteste éloquemment. D’une part, il en a conçu un très vif sentiment de culpabilité, aggravé par l’empreinte (voir ce mot) d’une éducation religieuse pernicieuse. D’autre part, sa sexualité en a été visiblement perturbée, comme l’a été cette du fictif Sébastien Roch, sur deux points au moins : mélange de fascination et d’horreur pour l’homosexualité masculine et relations avec les femmes marquées au coin du masochisme (voir Gynécophobie et Masochisme).

* Le second est le produit de l’expérience de la guerre de 1870, qu’il évoque dans le scandaleux chapitre II du Calvaire, dans le dernier chapitre de Sébastien Roch et dans des contes tels que Au pied d’un hêtre, Le Tronc, Le Prisonnier et La Pipe de cidre. Il est possible que le lieutenant Mirbeau, des moblots de l’Orne, n’ait pas tiré un seul coup de feu, comme Sébastien Roch, mais les scènes d’horreur dont il a été le témoin ont suffi pour le vacciner durablement contre le trouble attrait de la guerre et contre toute idée de « revanche ». Il n’a plus cessé, jusqu’à sa mort, de démystifier la guerre, d’en souligner la profonde absurdité en même temps que les injustifiables atrocités, et de plaider pour le rapprochement des deux peuples de France et d’Allemagne.

À la différence du petit Sébastien, qui a été anéanti par le « meurtre d’une âme d’enfant » qu’a été son viol par le “père” de Kern, Mirbeau s’est révolté, comme Bolorec, le camarade de Sébastien, et il a fait de sa plume, non seulement une arme au service de ses idéaux, mais aussi un exutoire, un moyen d’expression thérapeutique, grâce auquel il a pu se sauver et atténuer les effets les plus corrosifs de ses deux traumatismes majeurs. La prise de conscience du caractère monstrueux de ses expériences traumatisantes et, par la suite, leur transmutation en mots, l’ont aidé, d’abord à se reconstruire et à rebondir, ensuite à s’engager et à se battre. À ce titre on peut considérer que le cas de Mirbeau constitue une bonne illustration du principe de la résilience chère à Boris Cyrulnik. Mais ses nombreuses phases dépressives nous montrent néanmoins qu’il a dû en permanence se battre aussi contre lui-même pour continuer à vivre, à écrire et, malgré son pessimisme radical, à poursuivre les luttes engagées : les traumatismes de la jeunesse n’ont jamais été totalement évacués.

Voir aussi les notices Pédophilie, Viol, Du Lac, Homosexualité, Guerre, Patrie, Armée, Le Calvaire et Sébastien Roch.

P. M.

 

Bibliographie : Marie-José Bataille, « Essai d'approche psychanalytique de Mirbeau », in Actes du colloque Octave Mirbeau d’Angers, Presses de l'Université d'Angers, 1992, pp. 331-340 ; Christian Heslon, « Octave Mirbeau, un enfant rebelle dans les révolutions esthétiques », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, pp. 170-178.

 


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