Thèmes et interprétations

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Terme
MOYENNE

En tant que critique d’art soucieux d’ouvrir les yeux de ses contemporains sur les innovations des peintres qu’il entend promouvoir, Mirbeau sait pertinemment, dès ses Notes sur l’art de 1884-1885, qu’il va se heurter tout à la fois à l’hostilité des peintres académiques et pompiers qui contrôlent l’École des Beaux-Arts et le Salon, au misonéisme des critiques tardigrades, qui sont peu ou prou partie prenante du système en place, et à l’indifférence du public, dûment conditionné et crétinisé, et par conséquent incapable de voir et de comprendre. Cet obstacle culturel à l’émergence et à la reconnaissance des artistes novateurs, il a trouvé un terme pour le qualifier : la moyenne, dont « les arts sont rongés ». Elle correspond, socialement, à la « suffrage-universalisation de l’art », et, politiquement, à l’avènement d’une pseudo-démocratie niveleuse et mystificatrice (voir la notice Élections), où l’électeur est supposé être roi et où, pour conquérir ses faveurs en s’abaissant jusqu’à lui, l’on pratique volontiers « la chasse au génie », comme Mirbeau l’affirme à propos de Rodin (« Au conseil municipal », Le Journal, 12 juillet 1899).

Et d’expliquer les méfaits de cette mortifère moyenne : « La moyenne, c’est-à-dire ce qui flatte, ce qui caresse, ce qui réjouit l’âme bornée du public : la moyenne, cet abominable niveau, placé entre ce qui est ni tout à fait bon ni tout à fait mauvais et d’où personne ne peut tenter de sortir seulement la tête, sans être vilipendé ; la moyenne, cette démocratie haineuse qui ne permet à aucune aristocratie de s’élever, à aucune supériorité de s’affirmer ; la moyenne qui tortura Delacroix, Millet, Corot. [...] Tout ce qui pense par soi-même, tout ce qui vit, tout ce qui ressent, tout ce qui exprime des formes d’êtres et de choses  vus à travers ses rêves propres, tout cela n’existe pas. Pour conquérir le succès, il faut, au peintre comme au littérateur, l’amour de la banalité compliquée, il doit avoir les qualités basses, et le vil esprit du vaudeville, la tristesse pleurnicheuse de la romance » (« Le Pillage », La France, 31 octobre 1884).

C’est cette mortifère moyenne qui explique que le Salon annuel ne soit plus qu’une foire aux médiocrités, que la littérature ne soit plus qu’un commerce et que le théâtre se meure, faute de pièces qui lui redonnent vie. Mais ce diagnostic fort pessimiste n’a pas empêché Mirbeau de se battre pendant un tiers de siècle, quoique sans illusions, pour faire reconnaître les artistes et les écrivains qui lui avaient procuré de riches émotions.

Voir aussi les notices Peinture, Académisme, Art, Artiste, Salon, Critique, Système marchand-critique, Théâtre, Littérature, Notes sur l’art, Combats esthétiques et Combats littéraires.

P. M.

 


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