Thèmes et interprétations

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Terme
RASTAQUOUERE

Si l’on en croit Mirbeau, c’est Fervacques (pseudonyme de Léon Duchemin, décédé prématurément en 1876) qui aurait créé ce terme, à l’étymologie douteuse et controversée : il est supposé adapté de l’espagnol rastacuero, qui pourrait être une déformation d’un surnom donné au général et président vénézuélien José Antonio Páez, arrastracueros. Dans son emploi courant, il désigne un étranger, sud-américain de préférence, à la richesse suspecte et ostentatoire, vulgaire, de mauvais goût, et néanmoins snob, comme Meilhac et Halévy, dans leurs comédies (Le Brésilien et La Vie parisienne), en ont présenté des spécimens dès le Second Empire. On dit souvent que ce néologisme n’est attesté qu’en 1880. En réalité, Mirbeau l’emploie quatre ans plus tôt dans une « Chronique de Paris »,  parue dans L’Ordre de Paris le 9 novembre 1876, où il imagine plaisamment une « joyeuseté anachronique » qui s’intitulerait Le Rastacouère dans l’antiquité.

En 1882, dans un de ses Petits poèmes parisiens, signé du pseudonyme de Gardéniac et paru le 23 mars dans Le Gaulois, il imagine le personnage de Bolivar Rastacouère, qui, tel le Persan de Montesquieu, envoie à un sien ami resté à Bogotá une longue lettre pour évoquer son séjour à Paris. À l’en croire, « il ne se passe rien » et « le monopole de l’élégance », reconnu jadis aux Français, appartient désormais au passé. Il s’y ennuie donc, et se plaint de n’avoir rien compris aux conversations lors d’un dîner auquel participaient Alphonse Daudet et « un autre qui fait de la peinture et qui se nomme Manet ou Monet ». L’essentiel de la lettre est consacré à l’élégance vestimentaire, car Rastacouère se fait un devoir d’expliquer à son ami lointain ce qui se fait de mieux et ce qui est « de fort mauvais goût » en cette matière, qui est visiblement la plus importante pour lui.

Mirbeau utilise de nouveau le mot quelques mois plus tard dans « Les Filles » (Le XXe siècle, (1er décembre 1882), où il est question  « des idiots, des vaniteux, des rastacouères » (de nouveau avec un c), que ruinent de dangereuses prostituées. Alors que le terme de rastaquouère (avec un q, désormais) se sera popularisé au cours des années 1880, Mirbeau l’emploiera à de nombreuses reprises, tant dans ses textes publics parus sous son nom ou sous divers pseudonymes (par exemple dans La Belle Madame Le Vassart, 1884, et dans « Littérature infernale », L’Événement, 22 mars 1885) que dans sa correspondance privée, qualifiant par exemple le galeriste Georges Petit de « rastaquouère ». Et il en tire l'adjectif « rastaquouérique » dans « Une bonne affaire » (Le Journal, 22 septembre 1895).

    P. M.


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