Thèmes et interprétations

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Terme
ANGOISSE

ANGOISSE

 

 La vie et l’œuvre de Mirbeau sont dressées contre l’angoisse. Par nature, il éprouve un sentiment de déréliction, d’incomplétude.

 

Mirbeau et l’angoisse

 

Comme tout athée, taxé de névrose théologique, son rapport à l’esprit est ambigu. Il ne peut pas être entièrement déterminé par lui, mais il ne peut pas se détacher complètement de lui. L’angoisse est le vertige de la liberté. Le pouvoir d’être ou de ne pas être lié à une décision qui ne saurait être que personnelle et, de ce fait, ne peut qu’ébranler Mirbeau. Il est atteint par la neurasthénie qui le conduira au bord du suicide : en 1894, son angoisse sera si insupportable qu’il ne verra d’issue que dans la folie.

Loin d’aider l’individu à combattre son angoisse, la société l’y enferme. Le milieu petit-bourgeois où le jeune Octave a végété sous le perpétuel regard de l’autre était anxiogène.

La guerre l’a peut-être obligé à tuer pour ne pas être tué. On imagine le remords qui découle de l’accomplissement d’un meurtre, préparé par l’école éducastratrice, l’Église et l’Armée, école du vice.

Mais si l’angoisse, dans un premier temps, fascine, hypnotise, le devenir est transcendance et, quel que soit le mouvement de ces choses qui nous prennent à la gorge, nous élève.

Effort désespéré pour affirmer une certitude dont la conscience malheureuse de Mirbeau sent l’absence. Dans cette expérience de l’angoisse se révèle non seulement la puissance du rien, mais la positivité du néant. L’angoisse et le « rien » qui attire ne sont pas ailleurs que dans l’esprit.

 

Remèdes contre l’angoisse

 

Le premier combat que Mirbeau dut soutenir, ce fut contre lui-même, « un ennemi qui m’a toujours renversé : moi-même ». Ce combat est sans doute le seul qu’il ne soit jamais parvenu à remporter. Homo duplex, comme on voit, comparable à une citadelle assiégée par une société qui le tenta vainement.

Chez une nature pleine de contradictions, source d’angoisse, le dédoublement apparaît comme une constante de sa personnalité : la distanciation critique est opérée par un esprit lucide.

L’angoisse surmontée, Mirbeau, ce pessimiste, croit à l’homme naturel, au triomphe final de la Vérité et le la Justice. Pourfendeur des idéaux mystificateur, ce nihiliste n’a pas hésité a s’engagé pour la défense des causes juste (affaire Dreyfus, combat pour l’enfant…). Convaincu que la loi du meurtre est universelle, il n’en rêve pas moins à la fraternité universelle et combat le colonialisme. Taxé de « gynécophobie » (Léon Daudet), il présente pourtant la prostituée comme une victime de la rapacité masculine. Cet hypersensible a su se montrer pragmatique.

Cette société inégalitaire qui tend à tuer l’individu dans l’homme n’a pas eu raison de Mirbeau, lui qui fut un temps le valet de plume d’employeurs qui ne lui arrivaient pas à la cheville.

Pour des existences spirituelles, il ne peut y avoir d’autre certitude que celle de la vie.

Paradoxalement, c’est la perte qui permettra de surmonté l’angoisse.

L’esprit est ce qui soulève au-dessus du donné pour le dépasser, comme l’art ajoute la beauté. Les chroniques esthétiques de Mirbeau sont là pour le montrer.

Ce n’est pas pour autant que l’art apporte à Mirbeau l’apaisement. Ce « Don Juan de tout l’Idéal », selon Georges Rodenbach, était condamné à la désillusion. Sa cruauté n’est que l’envers de ses enthousiasmes déçus.

Sublimation, l’écriture est remède à l’angoisse. Le dédoublement évoqué donne son poids de souffrance et d’humanité à l’œuvre romanesque de Mirbeau, par exemple. Le passage par la fiction à clés - comme par l’érotisme - n’est qu’une étape.

S’il trouve dans l’art l’expression de la condition humaine, il retient la leçon qu’il y a quelque gloire à ne pas céder au désespoir. Il se dit atteint de la maladie du toujours mieux, il mène « une vie frénétique de luttes pour un impossible idéal » (G. Rodenbach). Mais c’est ainsi qu’il connaît la passion de l’esprit.

Positivité de l’angoisse, caractère sacré de la mélancolie. Elle préserve de la corruption du siècle.

Grâces soient rendues à l’angoisse, qui donne l’occasion à Mirbeau de se caparaçonner par l’ironie. Plus précisément, chez lui, prévaut l’humour, humour noir et humour sur soi, indispensable à la transposition littéraire du vécu. Très tôt, il a mis au point un système de défense contre les illusions qui pourraient le submerger.


C. H.

 


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