Thèmes et interprétations

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Terme
AUTORITE

Octave Mirbeau est un libertaire individualiste et anti-autoritaire, hostile à tout pouvoir, inévitablement oppressif, et à toute autorité, presque toujours aliénante. Non seulement il se méfie comme de la peste des autorités politiques et religieuses, qui portent la responsabilité des plus grands crimes de l’histoire et de la plupart des malheurs de l’humanité (voir par exemple « La Leçon du gorille », L’Action, 29 mars 1903), mais il se méfie aussi de l’autorité mortifère des pères, dont le pouvoir exorbitant au sein des familles le révolte ; de l’autorité uniformisante des professeurs, qui, au nom de leur prétendu savoir, enduisent consciencieusement les « pauvres potaches » de « préjugés corrosifs » ; et de l’autorité des critiques, littéraires et artistiques, majoritairement misonéistes et tardigrades, et qui, au lieu d’ouvrir les yeux de leurs lecteurs, entretiennent au contraire le grand public dans sa crasse intellectuelle.

Malgré sa philosophie résolument matérialiste, malgré son enthousiasme pour les inventions bénéfiques du génie humain, et bien qu’il voie dans la science la source principale de toute connaissance, il reste lucide et prudent face aux progrès scientifiques et se montre également réfractaire à l’autorité des savants, des médecins et des ingénieurs, car beaucoup, à l’en croire, ne sont que des charlatans, ou abusent de leur pouvoir et dérapent dans le scientisme. Et, malgré son rêve d’un indispensable chambardement social, il ne s’en méfie pas moins aussi des utopies et de l’autorité de nombre de penseurs alternatifs, trop souvent dogmatiques et qui pourraient bien être à leur tour fauteurs d’oppressions futures (voir Collectivisme et Utopie). Il pousse l’esprit critique et la lucidité radicale jusqu’à se méfier de sa propre autorité à lui, quand il lui arrive d’être tenté d’opposer un discours alternatif à la pensée unique en cours et qu’il lui faut recourir à l’autodérision et à l’humour sur soi pour se prémunir contre ce dérapage potentiel, comme dans La 628-E8 (1907) ou Dingo (1913), où l’autofiction avant la lettre constitue une manière de remède.

Ce rejet de l’autorité sous toutes ses formes semble avoir deux sources principales.

- D’une part, son scepticisme : il ne croit pas la Vérité accessible à l’esprit humain et connaît les limites de ce qu’on appelle la « raison », qui est bien souvent une de ces « puissances trompeuses » contre lesquelles Pascal mettait jadis en garde.

- D’autre part, son aspiration farouche à la liberté, qui lui fait considérer comme d’insupportables chaînes tout ce qui pourrait peu ou prou entraver l’essor de son esprit et de son imagination et l’incite à se méfier a priori des prétentions à apporter la lumière et à indiquer la voie à suivre.

Du même coup, il risque fort d’inquiéter ses lecteurs, au lieu de les rassurer comme beaucoup l’espèrent, car il n’oppose jamais une “vérité” alternative aux mensonges qu’il stigmatise : une fois que les yeux des lecteurs ont commencé à se dessiller, à eux de se débrouiller en mettant en œuvre leur propre esprit critique !  

Voir aussi les notices Anarchie, Politique, Utopie, Collectivisme, Famille, École, Église, Religion, Critique, Scientisme, Savants, Progrès, Écologie, Raison, Vérité, Autofiction et Dérision.

P. M.


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