Thèmes et interprétations

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Terme
CONTRATS D'EDITEURS

Nous ignorons quelles ont été les conditions faites par l’éditeur Paul Ollendorff pour les romans que Mirbeau a écrits comme “nègre”, pour le compte d’André Bertéra et de Dora Melegari, au début des années 1880 : on ne connaît à ce jour qu’un seul contrat de négritude, passé entre l’éditeur, Rouff, le négrier, Xavier de Montépin,  et le “nègre”, Jozian, et nous ignorons s’il en a été passé du même ordre pour Mirbeau. Mais il est plausible que l’éditeur y ait été également associé et, vu le très honnête succès de ventes remporté et la qualité littéraire des œuvres ainsi publiées sous pseudonyme, il est vraisemblable que la rémunération du “nègre” a été plus que convenable, voire carrément bonne. Mais il est impossible d’être plus précis, en l’état actuel de nos connaissances.

Toujours est-il que, quand Ollendorff signe avec Mirbeau un nouveau contrat pour le premier roman signé de son nom, Le Calvaire, il lui consent un pourcentage étonnant, qui serait bien évidemment inconcevable pour un débutant, confirmant du même coup que le “nègre” lui a donné entière satisfaction. De fait, le 14 juin 1886, alors que le romancier est encore très loin d’en avoir fini avec son premier roman officiel, « M. Paul Ollendorff s'engage à payer à M. Mirbeau un droit d'auteur de cinquante centimes - pour le premier tirage fixé à 2 200 / 2 000 exemplaires -, et de soixante centimes - pour les tirages suivants, par exemplaire imprimé. » Ce pourcentage de 14,28 % sur les 2 000 premiers exemplaires et de 17,08 % sur les suivants est largement supérieur aux 11 % que Georges Charpentier a généreusement consentis à Zola en 1872, alors que celui-ci avait déjà à son actif plusieurs romans tout à fait officiels. Certes, le premier versement, à la signature du contrat, n’est que de mille francs, mais les 20 000 exemplaires vendus en un an vont rapporter quelque 12 000 francs à l’heureux écrivain. Quand Ollendorff décidera de publier une nouvelle édition du Calvaire, illustrée par Georges Jeanniot, qu’il lui faut bien rémunérer aussi, il modifiera l’ancien contrat, le 30 janvier 1899, et fixera les droits d’auteur du romancier à cinquante centimes par exemplaire sur un premier tirage de six mille, soit 3 000 francs qui tomberont dans la poche du romancier et qui s’ajouteront aux rentrées liées aux rééditions du volume ordinaire. Ces cinquante centimes représentent un pourcentage de 14,28 %, qui est bien supérieur  aux 5 % initialement prévus en 1886 pour une édition illustrée : le statut de l’écrivain a encore changé avec sa célébrité mondiale.   

Le 3 juin 1887, Mirbeau a signé un nouveau contrat avec Ollendorff pour son second roman officiel, L’Abbé Jules, qui ne paraîtra pourtant que dix mois plus tard. Cette fois-ci, le succès du Calvaire aidant, le pourcentage de droits d’auteur s’élève à 21,4 % et le tirage à 6 000 exemplaires ! Soit un revenu minimum garanti de 4 500 francs. Malgré ce pont d’or, Mirbeau préfèrera quitter un éditeur trop commercial, qui doit ses succès aux méprisés Ohnet et Delpit, et se tournera vers Charpentier, l’éditeur de Flaubert, Zola et Goncourt. Le 22 octobre 1888 est signé le contrat par lequel Mirbeau s’engage à publier chez lui ses cinq prochains romans, à commencer par Sébastien Roch, qui sera tiré à 6 000 exemplaires. Les droits d’auteur sont moins favorables que pour L’Abbé Jules, puisque le romancier ne touchera “que” 60 centimes sur les trois premiers mille et 75 centimes sur les suivants, soit un total de 4 050 francs, qui est tout de même plus qu’honorable. Mais il a du moins la garantie de voir ses œuvres à venir publiées sans coup férir chez un éditeur prestigieux et convenablement rémunérées.

Nous ignorons si, pour les romans suivants, les termes du contrat sont restés inchangés ou si, suite à l’énorme succès de ventes du journal de Célestine, le pourcentage a été revu à la hausse. C’est assez probable. Mais, sur la base de ce contrat originel, Le Journal d’une femme de chambre, rien que dans son édition française, a rapporté à son auteur, en seize ans, la bagatelle de 110 000 francs, à quoi il convient d’ajouter les droits sur la vingtaine de traductions, à partager avec l’éditeur. Quant au Jardin des supplices, Les 21 jours d’un neurasthénique, La 628-E8 et Dingo, ils ont dû, hors traductions, lui rapporter une somme équivalente, pour un tirage global du même ordre (environ 140 000 du vivant de l’auteur).

En 1914, les 18 et 19 mai, Mirbeau a signé deux contrats avec un nouvel éditeur, Flammarion, pour une réédition des Contes de la chaumière dans deux collections différentes : dans le format in-18° à 3,50 francs, le tirage devait être de 8 000 exemplaires et l’auteur devait recevoir 90 centimes sur chacun d’eux, soit un pourcentage de 26 %, ce qui est énorme, et un total de 7 200 francs qui lui seraient versés « lors de la mise en vente » ; dans la « Sélect collection » à 50 centimes, le tirage devait être de 80 000 exemplaires, et Mirbeau devait recevoir 2 400 francs, à raison de 3 centimes par exemplaire, soit 6 % de droits d’auteur. Là-dessus la guerre est arrivée et les publications n’auront lieu que bien après sa mort, respectivement en 1923 pour l’édition ordinaire et 1928 pour l’édition bon marché : c’est donc sa veuve qui touchera les 9 600 francs prévus aux contrats. Mais elle aura dû auparavant soutenir un procès contre Eugène Fasquelle, successeur de Charpentier.

Des contrats que nous connaissons, il ressort que Mirbeau a su défendre chèrement ses intérêts et, face à ces « marchands de cervelles humaines » que sont les éditeurs, il est parvenu à vendre sa force de travail bien plus avantageusement que ses doubles d’ « Un raté » et d’Un gentilhomme.

Voir aussi les notices Négritude, Ollendorff et Charpentier.

P. M.

 

Bibliographie : Virginie Meyer, « Les lettres d’Octave et Alice Mirbeau à Georges Charpetier : deux auteurs, un éditeur,une amitié », Cahiers Octave Mirbeau, n° 14, 2007, pp. 197-206 ; Pierre Michel, « Mirbeau, Ollendorff et les droits d’auteur », Cahiers Octave Mirbeau, n° 12, 2005, pp. 273-276 ; Pierre Michel,   « Mirbeau et Ollendorff (suite) », Cahiers Octave Mirbeau, n° 14, 2007 , pp. 187-190. 

 

 

 

 

 


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