Thèmes et interprétations

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Terme
DONQUICHOTTISME

Mirbeau n’a pas créé le terme de « donquichottisme », qui est d’un usage récent, lorsque Littré le signale. Mais il l’emploie volontiers pour désigner l’idéalisme qui pousse certains, et au premier chef lui-même, à s’engager pour des causes impossibles, ou bien à se lancer aveuglément dans un combat, sans vraiment se préoccuper des conséquences. C’est ainsi que, dans une lettre à Maupassant de décembre 1886, il explique les « allures changeantes » que lui reproche son vieux camarade « par le donquichottisme qui est en [lui] »  et qui l’a poussé à écrire un article « ab irato » et à le regretter aussitôt après. Un an plus tard, Mirbeau a adressé une lettre publique « à Don Quichotte », en qui il reconnaît un frère : « Comme toi, ô maigre, ô lamentable, ô sublime ganache, je suis parti en guerre contre des moulins à vent que je prenais véritablement pour de formidables et mauvais géants, et, la lance au poing, je m’escrimais. Quelle pitié ! [...] Nous n’avons pourfendu personne, aucun géant n’est tombé, et les meules tournent, tournent et tourneront... » (Le Figaro, 6 décembre 1887)  

Sous sa plume, le terme de donquichottisme  a deux connotations opposées. D’un côté, il met en lumière la quête d’un idéal, certes chimérique, mais noble et généreux, voire « sublime », et témoigne d’exigences éthiques et d’un amour de la Justice des plus honorables. Mais, de l’autre, il implique aussi une grave absence de prise en compte de la réalité, d’où des erreurs qui peuvent être lourdes de conséquences :

- Erreur de cible : Mirbeau fera ainsi son mea culpa pour des attaques infondées et gravement injustes contre Louis Desprez, Ferdinand Brunetière et Catulle Mendès (voir les notices) – sans parler, a fortiori, de ses mea culpa pour le stupide et odieux antisémitisme des Grimaces de 1883.

- Disproportion entre les moyens mis en œuvre et le danger représenté par la cible choisie, à l’instar de Jean Baffier (voir la notice), qui a tenté d’assassiner un député symbolisant à ses yeux la corruption des politiciens. Déplorant que, dans la vie littéraire, on ne se connaisse pas assez, Mirbeau lui-même confesse, en 1903, lors d’un banquet de La Plume en son honneur : « Il en résulte des malentendus déplorables, parfois de cruelles et si inutiles blessures, et les idées en souffrent. J’en sais quelque chose, moi qui, par ignorance de certains hommes, par méfiance solitaire contre certaines idées, ai passé une moitié de ma vie à commettre des erreurs et des injustices, l’autre moitié à les regretter. » Il s’avère, par exemple, que des peintres académiques, qu’il exècre en tant qu’artistes, peuvent n’en être pas moins des hommes honnêtes et respectables par ailleurs et que leur exécution publique, dans des articles critiques fort polémiques, entraîne pour eux d’injustes et « inutiles blessures ».

- Ou encore, tout simplement, entreprise largement au-dessus des forces humaines, comme Mirbeau le déplore avec fatalisme à propos, précisément, de Jean Baffier : « Ô Jean Baffier, l’homme est ignoble, la vie immonde. Il en a toujours été ainsi et il en sera toujours de même. [...] Cela est triste, assurément, mais qu’y faire ? » (« Jean Baffier » Le Gaulois, 6 avril 1887). Certes ! Mais le donquichottisme de Mirbeau aura tôt fait de reprendre le dessus : le naturel est revenu au galop...

Voir aussi les notices Indignation, Révolte et Engagement.

P. M.

 

 

 

 


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