Thèmes et interprétations

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Terme
IMPRESSIONNISME

[D’après Jean Clay (L’Impressionnisme, Hachette Réalités, 1987), la peinture impressionniste présente six caractéristiques principales :

            - « Le point de vue de l’artiste se déplace. »

            - « Objets et paysage s’interpénètrent. »

            - « La couleur conquiert son autonomie. »

            - « L’œuvre est un morceau de nature qui se prolonge au-delà du cadre. »

            - « Le peintre écrase la perspective. »

            - « L’artiste sollicite le nerf optique du spectateur. »]

 

Des peintres foncièrement novateurs explorent des voies nouvelles dans les dernières décennies du XIXe siècle, Octave Mirbeau rencontre les œuvres de ces peintres dans des salons, des galeries, chez des particuliers, dans leurs ateliers… À propos de ces peintres, « […] les critiques bien informés – à qui il faut inventer des mots pour affirmer leurs compétences – [ont inventé ce néologisme ]: les impressionnistes […] » (La France, 15 novembre 1884). Octave Mirbeau est de ceux qui ont été conquis,  d’emblée, par ces peintres qui renouvellent notre perception de la nature, des paysages, des falaises normandes, des cours d’eau près de Paris, mais aussi des ports, des villes… S’adressant à un personnage, M. Boulanger, un artiste peintre, dans une chronique, il plaide pour les peintres qui sont l’objet de critiques, voire de mépris : « Ceux que vous appelez des impressionnistes, monsieur, sont des travailleurs acharnés, des chercheurs patients, des courageux et de convaincus qui ont un idéal d’art bien supérieur au vôtre. […] Ils ont bravé vos insultes et méprisé vos haines, et ils n’en sont pas morts » (La France, 13 avril 1885). Il voit dans ces peintres des artistes qui s’inscrivent dans une tradition, qui poursuivent dans des voies ouvertes par d’autres artistes, avant eux. Mirbeau songe à Delacroix, Corot, Ingres, des coloristes. « [Ingres] Ce coloriste complet a été le premier à nous donner les formules de ce qu’on appelle aujourd’hui l’impressionnisme, en disant à ses élèves : “Regardez bien. Mon chapeau n’est pas noir.” Oui, Ingres a été la couleur, comme il a été le dessin. »  (La France, 23 avril 1885). Ils ne sont pas toujours reçus dans les Salons officiels ? Qu’importe. Ils sont « en dehors des académies et des coteries. Il est évident que c’est à Manet, à Degas et à Monet que nous devons ce retour à la lumière […]. Cette école, qui est en germe encore, a rendu ce service à la peinture de chasser la nuit des ateliers […] » (La France, 1er mai 1885).

Mirbeau a écrit sur les peintres impressionnistes, Sisley, Monet, Pissarro qui se préoccupent d’impression et de lumière ; il a écrit sur des peintres qui vont adopter des couleurs pures, violentes, Van Gogh, Gauguin… Il a correspondu avec quelques-uns d’entre eux, Claude Monet, Camille Pissarro…

Dans le domaine de la sculpture, Mirbeau met au plus haut Rodin ; pour ce qui est de la peinture, il est un thuriféraire de Monet. « Je ne connais pas, parmi les paysagistes modernes, un peintre plus complet, plus vibrant, plus divers d’impression que Claude Monet ; on dirait que pas un frisson de la nature ne lui est inconnu. […] Les motifs des paysages de Monet sont simples toujours : aucun arrangement, aucun décor, aucune préoccupation de l’effet, aucune recherche de la mise en scène. L’effet, il le tire seul de l’exactitude des choses, mises dans la lumière propre et dans l’air ambiant, et de ce qu’elles donnent au cœur du poète de rêverie et d’infini » […] (La France, 21 novembre 1884).  Mirbeau apprécie aussi beaucoup Camille Pissarro : « Le paysage, tel que l’a conçu et rendu M. Camille Pissarro, c’est-à-dire l’enveloppement des formes dans la lumière, c’est-à-dire l’expression vivante de la lumière sur les objets qu’elle baigne et dans les espaces qu’elle remplit, est d’invention toute moderne » (L’Art dans les Deux Mondes, 10 janvier 1891). Ici et là une attention à la lumière dans les toiles impressionnistes.

Les jardins des peintres sont souvent sources d’inspiration, ils sont présents dans les toiles de Monet, de Pissarro par exemple. Ils sont construits, pour certains d’entre eux, comme des tableaux impressionnistes. Mirbeau réalisera un texte « impressionniste » lorsqu’il décrira le jardin de Monet à Giverny, faisant vivre à la conjugaison des noms de fleurs une tension qui fait songer à celle des couleurs dans un tableau représentant des fleurs (voir « Claude Monet et Giverny », L’Art dans les Deux Mondes, 7 mars 1891).

Dans la presse Mirbeau soutiendra les peintres que l’on a coutume d’associer à l’impressionnisme, peintres dont il a perçu l’apport dans l’histoire de l’art. On leur doit une « révolution radicale dans l’art de peintre », [une] « révolution dans l’art de voir la nature » (L’Art dans les Deux Mondes, 10 janvier 1891). Il célèbre les peintres impressionnistes contre les peintres symbolistes. Là où un symboliste, voyant une feuille de chou, regrette que ce chou ne soit pas un lys, un peintre impressionniste est à même de peindre un chou, ou une asperge ! (d’après une lettre à Camille Pissarro, 16 décembre 1891). Il a des mots très durs pour les préraphaélites, pour Gustave Moreau… Octave Mirbeau manifestera de l’incompréhension à l’égard des peintres désireux d’explorer des voies nouvelles, tel Matisse, après l’impressionnisme. Dans une lettre à Monet, de mi-février 1910, il dit son étonnement devant le succès remporté par une exposition présentant des œuvres de Matisse : « On ne peut croire à tant de folie, à tant de pauvre folie – Matisse est […] un paralytique général. […] dans la seule journée d’hier, presque toute l’exposition était vendue ! Au premier rang des acheteurs, les musées, celui de Munich, de Moscou, de Petersbourg, etc., etc.… ». Matisse est ridiculisé, les acheteurs sont étrangers : Mirbeau fait preuve ici d’un refus de la nouveauté qui peut surprendre. Il aura été le héraut de l’impressionnisme, le célébrant jusqu’à l’excès.

G. Po.



Bibliographie : Octave Mirbeau, Combats esthétiques, 2 volumes, édition établie et présentée par Pierre Michel et Jean-François Nivet, Séguier, 1993.

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