Thèmes et interprétations

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Terme
NEOLOGIE

Si les analyses littéraires de l'œuvre mirbellienne ont évidemment fait une place à sa création langagière, une synthèse sur le sujet fait encore défaut. On en a surtout mis en avant la face dérisive, exprimée par des formes spectaculaires : le septennat s'est dégradé en pot-de-vinat, la femme trop pâle

sempiternellement peinte par Henner paraît clair-de-lunaire, cette veuve n'a plus décachemirnoirci. L'adoratrice des préraphaélites, comme elle est botticellesque avec ses manières primaveresques ! Mirbeau fait ainsi railler par Botticelli le symbolisme : on y est « mystique, mystico-larviste, mystico-vermicelliste… », on y professe que « l'art doit être mystico-hyperconique et kabbalo-spiroïdal ». Ces compactages de syntagmes, compositions farcesques, affixations railleuses (cuilleroter, réclamiste, panacadémisme…) et provignement de noms propres (barbizonné, hamlétisme, Messalinette… ) se retrouvent dans toute littérature comique, y compris à l'époque classique, et en sont un des marqueurs. Chez Mirbeau, plus essentiellement, ces difformités révèlent et figurent à la fois les difformités sociales. Et son souci de modernité, son anarchisme foncier, son énergie pamphlétaire ne devaient pas contrarier cette audace morphologique… Mais une étude plus poussée, étayée sur des relevés plus vastes, devrait éclairer d'autres points :

Des néologismes incontestables relèvent moins de la caricature exubérante que de la netteté expressive : l'homme, infime champignonnement sur la terre ; le surmènement des efforts musculaires; les Expositions Universelles qui devraient se régionaliser… De même les substantifs escamotement, pédicurage, les adjectifs inappris, désâmé (qui sera repris par Jean Lorrain) et débronzé, les adverbes paroxystement, fantaisistement… D'autres, moins remarqués, manifesteraient un goût (contrarié ? ironique ?) pour l'abstraction ou le registre didactique : cérébralisme, irréalisation, intellectualisation et innintellectualité… On pourrait dans la même veine se demander si la passion mirbellienne pour l'horticulture peut être mise en parallèle avec une particulière fécondité lexicale de la thématique des sciences naturelles et des théories vitalistes. Sa contribution au vocabulaire de l'automobile mériterait également d'être cernée.

Mirbeau d'ailleurs a-t-il des affixes favoris ? La suffixation péjorante (institutard, centre-gauchard…) est-elle prégnante ? Ses procédés diffèrent-ils sensiblement selon le support (journalisme politique, chronique, roman, roman pseudonymique, théâtre, correspondance) ? Plus généralement : en quoi sa néologie se distingue-t-elle de celle de ses contemporains, et pourquoi ? (On notera d'ores et déjà que plusieurs lexies attribuées à Mirbeau sont des littérarismes d'époque, attestés avant lui : diadémé, cabotinisme, bourgeoisisme, arc-en-cieler, etc.) Si elle n'est pas la joaillerie appliquée de Jean Lombard, ni la grave systématicité que voudraient Poictevin ou Ghil, si elle est plus variée et ludique que le saint-simonisme des Goncourt, il serait intéressant de la comparer par exemple à la créativité pamphlétaire de Barbey d'Aurevilly, Hugo ou Bloy, et à la discriminer plus finement à l'intérieur des écritures fin-de-siècle, « naturalistes », « artistes », « coruscantes »…

Beaucoup de questions restent donc en suspens dans ce domaine. Mais leur approfondissement, sans doute, ne changera pas l'impression première du lexicologue : Octave Mirbeau ? Un décadent plein de vitalité.

F. P.

 

Bibliographie : Charles Muller, « Le Vocabulaire automobile d’Octave Mirbeau », Cahiers Octave Mirbeau, n° 15, 2008, pp. 88-91.

 

 


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