Familles, amis et connaissances
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LA JEUNESSE, ernest |
LA JEUNESSE, Ernest (1874-1917), journaliste, polémiste, et romancier, qui possédait aussi un certain talent de dessinateur. Il est “monté” à Paris mener sa carrière littéraire après avoir passé sa jeunesse à Nancy. Il a été une figure curieuse et pittoresque du boulevard et de la littérature au tournant du siècle, tant par ses œuvres irrévérencieuses, qui dénotent un esprit libre, sans préjugés ni crainte de choquer les « honnêtes gens », que par ses impertinences calculées et volontiers colportées, sa laideur proverbiale, une apparence de petit vieillard qui dément son patronyme, sa voix de castrat et ses excentricités vestimentaires. Outre Les Nuits, les ennuis et les âmes de nos plus notoires contemporains (1896), volume quelque peu insolent qui l’a signalé à l’attention de Mirbeau, il a publié des romans « contemporains » (L’Holocauste, 1898, L’Inimitable, 1899, Sérénissime, 1900), des critiques dramatiques (Des soirs, des gens, des choses, 1911), de la critique littéraire passablement impertinente (Cinq ans chez les sauvages, 1901), et L’Imitation de notre maître Napoléon (1897), dont l’ex-bonapartiste Mirbeau a rendu compte élogieusement dans Le Journal du 31 janvier 1897. La Jeunesse collaborait aussi au Journal, mais, cordialement détesté de la plupart de ses confrères, il s’y était fait beaucoup d’ennemis. Ainsi Alfred Jarry l’a-t-il caricaturé dans Les Jours et les nuits, sous le nom d'Allmensch Severus. Mirbeau a été le protecteur attitré du jeune littérateur venu de sa province et qui, un peu perdu dans la jungle parisienne, s’est adressé à lui comme au seul capable de le comprendre et de l’aider. C’est lui qui lui a notamment permis d’être embauché au Journal et d’y gagner sa pitance, lui aussi qui, selon toute vraisemblance, a intercédé auprès de Fasquelle pour qu’il publie Les Nuits. Il apprécie en effet, chez La Jeunesse, son esprit de rébellion, son idéalisme naïf, son ironie, son déboulonnage des gloires consacrées, et aussi son tempérament qui lui confère un style personnel. De son côté, La Jeunesse voue à son « Maître », comme il l’appelle, une vive admiration qui ne s’est jamais démentie. Dans Cinq ans chez les sauvages, il raconte comment il a eu, le 25 mars 1891 exactement, la révélation de Mirbeau grâce à la reprise, dans La Vie populaire, d'un de ses contes, « Le Pauvre sourd ». La lecture du Calvaire, de L’Abbé Jules et surtout de Sébastien Roch lui a permis ensuite de se découvrir un véritable ami, « un ami lointain et proche, l'ami des jours de jeûne et des soirs de deuil, l'ami des nuits glacées et des pâles aurores, l'ami qui ne tenterait pas méchamment de m'apporter la banale consolation aux souffrances qu'on ne console pas, qui me donnerait la fièvre et le feu, le dégoût et la colère ». Mieux encore, Mirbeau est devenu pour lui un professeur de liberté, ce qui n’a pas dû manquer de flatter son amour-propre... Il semble cependant que leurs relations se soient distendues par la suite : peut-être Mirbeau a-t-il fini par comprendre tout ce qu’il y avait d’arrivisme et d’égoïsme derrière des insolences trop calculées pour être totalement honnêtes. Les lettres de Mirbeau à La Jeunesse sont recueillies dans le tome III de sa Correspondance générale.
P.M.
Bibliographie : Pierre Michel, « Octave Mirbeau et Ernest La Jeunesse », Cahiers Octave Mirbeau, n° 2, 1995, pp. 172-203.
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