Familles, amis et connaissances
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MAETERLINCK, maurice |
MAETERLINCK, Maurice (1862-1949), poète, auteur de théâtre et essayiste belge de langue française, prix Nobel de littérature 1911. Né à Gand dans une famille flamande de propriétaires fonciers, il devint avocat et publia à compte d’auteur La Princesse Maleine et Serres chaudes, qui le rendirent célèbres grâce au soutien enthousiaste d’Octave Mirbeau, à la une du Figaro (24 août 1890). Sous l’influence de Villiers de l’Isle-Adam rencontré à Paris (1885-1886), Maeterlinck écrivit plusieurs drames qui, tous, reçurent l’assentiment indéfectible de son découvreur. Pelléas et Mélisande, dont l’édition fut dédiée à Mirbeau, secoua l’avant-garde symboliste dans le Paris de 1893, et le dédicataire, cette fois aussi, ne marchanda pas son appui. La pièce fut mise en scène par Aurélien Lugné-Poe, la première eut lieu le 17 mai aux Bouffes-Parisiens. Elle eut pour spectateurs tout ce qui comptait dans le milieu artistique le plus raffiné de l’époque, dont Claude Debussy, lequel, dès cet instant, eut la certitude d’avoir trouvé l’œuvre idéale avec laquelle composer l’opéra dont il rêvait. Le soutien de Mirbeau ne devait jamais se démentir comme en témoigne sa correspondance publiée. Elle est empreinte de sympathie et de respect, les deux protagonistes s’appréciant mutuellement sans vraiment se connaître. La rencontre avec la cantatrice Georgette Leblanc en 1895 – elle était de sept ans sa cadette – apporta à Maeterlinck une stimulation intellectuelle et affective extraordinaire, leurs relations épistolaires en faisant foi, ainsi que la dédicace qu’il fit placer en exergue de La Sagesse et la Destinée, ses premières méditations à succès (1898). Ce livre fut précédé par Le Trésor des humbles (1896), un recueil d’essais, dont le premier, « Le Silence », était dédié à Georgette Leblanc, qui en avait été aussi l’inspiratrice. Goûté dès ses premières œuvres en Allemagne, en Angleterre et dans les pays nordiques, en plus de la France et de son pays natal, Maeterlinck se présenta volontiers à Mirbeau comme un pauvre, alors qu’il était un héritier, parla d’offrir ses droits d’auteur aux misérables (ce qu’il ne fit jamais), et commença à percevoir, à partir de La Sagesse et la Destinée, de confortables émoluments. Il pratiqua en une alternance parfaite l’écriture d’essais et de drames. Avec Aglavaine et Sélysette (1896), il essaya de sortir de sa veine symboliste, mais n’y réussit qu’imparfaitement. La pièce fut jouée sans succès à l’Odéon (14 décembre 1896). Ce fut Monna Vanna, une incontestable réussite (1902), qui renouvela son théâtre et mit fin à la période du tragique quotidien, ce qu’il appelait lui-même ses « shakespitreries ». Mirbeau eut à nouveau l’occasion de rompre des lances pour son protégé. Debussy avait enfin achevé son opéra et l’œuvre allait être créée à l’Opéra-Comique (1902). Maeterlinck, auteur de la pièce originale, entendait bien réserver le rôle de Mélisande à son égérie, qui aspirait elle-même, depuis des années, à incarner le rôle. Mais Albert Carré, metteur en scène, directeur de l’Opéra-Comique, opposa son veto et sortit opportunément de sa manche la jeune Mary Garden, déjà maîtresse du chef d’orchestre André Messagier. Propulsée par ces deux dirigeants de l’Opéra-Comique, la jolie soprano écossaise n’eut aucune peine à s’imposer à Debussy, qui décida de s’en remettre à leur décision. Soucieux de la carrière de celui qu’il appuyait sans faiblir depuis douze ans, Mirbeau intervint alors dans le conflit et essaya de calmer sa colère. En vain. Néanmoins, il publia un long article, où il espérait démontrer à son ami combien il se trompait (« Maurice Maeterlinck », Le Journal, 27 avril 1902).. S’opposer au choix de Carré, souhaiter la « chute retentissante » de l’opéra de Debussy, qui était aussi son œuvre, n’avait aucun sens. Debussy était « le seul interprète de votre génie, plus qu’un interprète, une âme créatrice fraternellement pareille à la vôtre ». Mirbeau visait, sans la nommer, Georgette Leblanc, qu’il accusait en privé d’être le « mauvais génie » de Maeterlinck, mais aussi probablement le compositeur Gabriel Fauré, à qui Maeterlinck avait commandé une musique de scène pour sa pièce jouée à Londres (1898), ce qui devait être ressenti comme un camouflet par Debussy. Mirbeau avait décidé de se tenir au-dessus de la mêlée et d’adopter la position du vieux sage vis-à-vis d’un jeune confrère un peu fou, aveuglé par une femme perverse. Quand avait-il vu et entendu Mary Garden ? Probablement pas avant la répétition du 19 avril 1902. Toutefois, pas plus qu’il ne nomme Georgette Leblanc, il ne mentionne Mary Garden, la question des interprètes étant peut-être, dans ces moments-là, négligeable à ses yeux. Il parla très élogieusement de la nouvelle pièce de Maeterlinck, Monna Vanna, sans plus citer celle qui allait jouer le rôle titre, Georgette Leblanc, et il dit combien ce drame historique, « un autre chef-d’œuvre, mais très différent », prouvait sa complète maturité. Mirbeau souligna également l’érotisme de la pièce, tel qu’il l’avait ressenti à sa lecture, ne l’ayant pas encore vue sur scène : « C’est une femme et des hommes aux prises avec l’amour et ses contradictions et qui exhalent véritablement une odeur de chair », insista-t-il. Et, cette fois, il ne compare plus seulement Maeterlinck à Shakespeare, mais aussi à Hugo. Il sera si frappé par l’aspect sexuel du drame qu’il imaginera, dans La 628-E8, les spectateurs allemands mis en appétit par la pièce déchaîner leur instinct génésique dès leur retour au foyer conjugal. En 1902, il termine son paternel article par une prédiction : le génie de Maeterlinck lui apportera d’autres joies dans l’avenir. « Celui », ajoute Mirbeau, « qu’il n’est point besoin d’aller demander aux magiciennes de la main, des cartes et du marc de café… » Ce que Maeterlinck avait précisément fait et qu’il avait raconté dans Le Temple enseveli, essayant de savoir, grâce à la voyance, si Carré allait mourir bientôt. Le succès annoncé par le clairvoyant critique alla à la fois à l’opéra de Debussy et au drame historique de Maeterlinck, qui gagnait sur les deux tableaux. Ainsi que Mirbeau le rappela au début de son article du Journal, aussi fondateur pour la gloire de son protégé que celui, inaugural de 1890, du Figaro, Maeterlinck, en moins de deux ans, donna au public une succession de livres et d’œuvres, dont cette « miraculeuse Vie des abeilles [1901], où le miracle, écrit Mirbeau, est que la science la plus stricte et la plus scrupuleuse observation du naturaliste aient, pour une fois, emprunté la forme et le langage de la poésie la plus haute ! » Son théâtre complet en trois tomes et le livret de Pelléas et Mélisande furent publiés chez l’éditeur belge Lacomblez(1901/1902). Le Temple enseveli (1902) marcha sur les traces des succès précédents. Et Monna Vanna connut un triomphe à Paris avant de se lancer à la conquête de l’Europe. Dès ses débuts, Maeterlinck ne fut jamais une cause perdue. Ses craintes de se voir surexposé par le premier article de Mirbeau sur lui furent vaines. Quant au grand journaliste, il sous-estima (lettre du 28 ou 29 aoűt 1890) l’influence de sa réputation et de son nom, quand il affirma au jeune auteur effarouché : « Ces bruits-là durent ce que dure un article de journal : un jour à peine. Et puis cela s’éteint. » Sur la route de Maeterlinck, tout fut aplani. Et jusqu’au succès mondial de L’Oiseau bleu – 1906-1916, et au-delà par le cinéma – et le prix Nobel de littérature 1911 (1 million d’€), sa carrière ne sortit jamais des rails de la gloire. Il eut une vie littéraire exceptionnellement longue, puisqu’il mourut sereinement à Nice le 6 mai 1949. Après le prix Nobel, il avait fait paraître encore une trentaine de nouveaux titres, le dernier étant Bulles bleues, souvenirs heureux (1948). M. B.-J.
Bibliographie : Maxime Benoît-Jeannin, Georgette Leblanc(1869-1941), Le Cri, Bruxelles, 1998 ; Georgette Leblanc, Souvenirs (1895-1918), Grasset, Paris, 1931 ; Octave Mirbeau, Combats littéraires, L’Age d’Homme, Lausanne, 2006, pp. 309-318 et 546-549 ; Gillian Opstad, Debussy’s Mélisande, The lives of Georgette Leblanc, Mary Garden and Maggie Teyte, The Boydell Press, Woodbridge, UK, 2009.
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