Familles, amis et connaissances
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LEBLANC, georgette |
LEBLANC, Georgette (1869-1941), cantatrice, actrice et femme de lettres française. Née à Rouen dans la bourgeoisie normande, elle fut éduquée par sa mère et des gouvernantes. À Paris, après un mariage raté, elle retrouva son frère aîné, Maurice Leblanc, qui débutait dans les lettres. Elle parvint à se faire engager en 1893 par Alfred Bruneau, ami d’Émile Zola, dans L’Attaque du moulin, opéra naturaliste français aux accents wagnériens, d’après la nouvelle du même Zola. Malgré son succès, elle se brouilla avec l’Opéra-Comique et tenta sa chance à Bruxelles, au Théâtre de la Monnaie. Elle chanta Beethoven, Bizet, Massenet, connut Eleonora Duse, et surtout rencontra, en 1895, le poète et écrivain Maurice Maeterlinck, célèbre en Belgique, en France et en Europe, depuis l’appui retentissant de Mirbeau, cinq ans auparavant. De 1895 à 1918, sa carrière se confondit intimement avec celle de Maeterlinck, qui la suivit à Paris. Inspiratrice, interprète, compagne, elle se fit appeler Georgette Leblanc-Maeterlinck, mais échoua à créer le rôle de Mélisande, devant l’opposition irrévocable d’Albert Carré, le nouveau directeur de l’Opéra-Comique, qui imposa Mary Garden. Elle prit sa revanche en créant Monna Vanna au théâtre (1902), au succès rapidement européen. La même année, Octave Mirbeau l’accusa d’être le « mauvais génie « de Maeterlinck. Ils s’étaient rencontrés, en 1897, et Mirbeau lui avait manifesté une certaine bienveillance, puisqu’elle était la compagne de son protégé. Dans ses lettres, il alla même jusqu’à la compter parmi les quelques rares femmes de génie en France, l’invitant à venir donner un récital chez lui et l’applaudissant dans les locaux du Journal. Pourtant, en 1902, il prit le parti d’Albert Carré et de Debussy dans le scandale fait autour de la création de Pelléas et Mélisande. Maeterlinck souhaitait la chute de l’opéra de Debussy, Carré et le compositeur ayant, selon lui, bafoué ses droits. Dans ses Souvenirs (1931), Georgette Leblanc publia une lettre écrite à l’intention de Mirbeau, qu’elle n’osa pas envoyer. En pleine tourmente, elle s’avouait meurtrie par l’accusation de celui de qui elle avait espéré, en vain, aide et compréhension : « Je n’espère pas que vous croirez cette lettre… je pense même que vous serez étonné et un peu choqué de l’exaltation qui la dicte.[…] Vous avez jugé de cette affaire et vous vous êtes trompé sur mon compte sans y attacher plus d’importance que cela n’en comporte. » Elle faillit chanter Mélisande à Bruxelles en 1906. Debussy, apprenant par la presse qu’elle avait été exclue de la distribution, lui écrivit qu’il n’y était pour rien, qu’il le regrettait, « ne doutant pas que vous en auriez fait une création plus qu’intéressante… » (8 octobre 1906) Elle aimait la littérature. En 1904, son beau roman, Le Choix de la vie, lui valut le soutien enthousiaste de Rachilde dans le Mercure de France. Revenue à l’Opéra-Comique pour créer Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas et Maeterlinck (1907), elle se produisit l’année d’après à Montpellier, dans Castor et Pollux, le chef-d’œuvre de Rameau. Au Théâtre-Réjane, elle fut la Lumière (1911) de L’Oiseau bleu, la féerie de Maeterlinck qui se transforma en succès mondial après sa création à Moscou dans la mise en scène de Stanislavski. Profitant de la vogue américaine de l’œuvre, elle chanta enfin Mélisande à l’opéra de Boston, joua dans Monna Vanna, et publia The Girl who found the Bluebird, en 1912. L’année suivante : The Children’s Bluebird. Après sa rupture avec Maeterlinck (1918), elle s’exila aux États-Unis, en revint pour jouer et coproduire L’Inhumaine, admirable film de Marcel L’Herbier (1924). Puis ce furent dix-sept années de bohème, en compagnie de sa gouvernante et de l’écrivain d’avant-garde américaine Margaret Anderson, du Paris de la rive gauche à l’Italie de Gabriele d’Annunzio, en passant par le « prieuré » de Gurdjieff, avec l’aide, souvent contrainte et parcimonieuse, de Maurice Leblanc, richissime auteur d’Arsène Lupin. Georgette Leblanc avait vécu dans les marges de la nouvelle époque, mais selon ses principes libertaires et esthétiques, quand elle mourut au Cannet, entourée de ses deux compagnes, le 26 octobre 1941, ne précédant son frère Maurice que de quelques jours en cette deuxième année de l’occupation de la France. M. B.-J.
Bibliographie : Maxime Benoît-Jeannin, Georgette Leblanc (1869-1941), Le Cri, Bruxelles, 1998 ; Jacques Derouard, Maurice Leblanc, Arsène Lupin malgré lui, Librairie Séguier, 1989 ; Georgette Leblanc, Souvenirs (1895-1918), Grasset, 1931.
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