Familles, amis et connaissances
Il y a 286 entrées dans ce glossaire.Terme | |
---|---|
HENNER, jean-jacques |
HENNER, Jean-Jacques (1829-1905), peintre académique alsacien. Il a obtenu le prix de Rome en 1848, a passé cinq ans à la Villa Médicis, a participé honorablement à de nombreux Salons, en a été membre du jury et a été élu à l’académie des Beaux-Arts en 1889. Il a peint quelques toiles religieuses, dont un célèbre Christ mort (1876), et des portraits (Hayem, Carolus-Duran), mais il est surtout connu pour ses nus féminins aux poses alanguies, avec une tendance marquée au Beau idéal (La Chaste Suzanne, 1865, La Liseuse, 1883). Il prétendait les traiter à la façon du Corrège, et cette référence quasiment obligée ne manquait pas de susciter le ricanement de Mirbeau. Nous ignorons comment et à quelle époque Mirbeau est entré en relation avec Henner, mais il n’est pas douteux qu’il l’a connu, sans doute au début des années 1870, et qu’il a dû sympathiser un temps avec l’homme. Toujours est-il que, dans son « Salon » de 1875, écrit pour le compte d’Émile Hervet, malgré toutes ses réserves sur la Naïade « peu travaillée », il n’en trouve pas moins cela « charmant et très heureux », ce qui est sans doute volontairement vague (L’Ordre de Paris, 29 mai 1875),. Dans le « Salon » de 1876, il est très élogieux pour le Christ mort, « une œuvre de maître [...] d’une simplicité magistrale ». De nouveau il émet bien une réserve « sur le point de savoir si une tête à demi perdue dans la pénombre concourt utilement à l’harmonie de l’ensemble », mais c’est pour affirmer aussitôt que Henner est « d’une autre taille » que Cabanel parce que lui, au moins, fait « s’équilibrer, avec un goût et une science devenus bien rares, les taches d’ombre et de lumière » (L’Ordre de Paris, 7 mai 1876). Il est difficile de savoir si ces compliments, même tempérés, sont complètement sincères et, en ce cas, quelle est la part de la sympathie pour l’homme, par opposition à l’exécré Cabanel. Quoi qu’il en soit, une fois devenu seul maître de sa plume, Mirbeau sera beaucoup moins indulgent par la suite. Ainsi, en 1885, critique-t-il sévèrement le portrait du peintre Feyen-Perrin, aux chairs maladives et molles », qui lui donne l’impression d’être « une charge d’atelier » (« L’Exposition du Cercle Volney », La France, 31 janvier 1885). Dans son « Salon » de la même année, s’il reconnaît que « ses femmes » sont « admirablement brossées », il précise qu’elles sont « peintes en coup de vent » et « éternellement pétries de la neige de son froid talent » (La France, 1er mai 1885). L’année d’après, la contribution de Henner au Salon se réduit, pour Mirbeau, à « un petit morceau de chair blanche qui patauge dans du caca » (La France, 16 mai 1886). Même dérision l’année suivante, quand le critique tourne en dérision « l’éternelle corrégienne de M. Henner », qui, « désolée au bord de la même fuligineuse mare », tente en vain « d’éteindre l’inutile incandescence de son torse en magnésium dans la terre de Senne de son ordure » (« Nos bons artistes », Le Figaro, 23 décembre 1887). En 1910, dans son article de bilan d’un tiers de siècle de combats esthétiques, il considère que, si Henner a « survécu un instant à sa disparition », il le « doit à son accent alsacien, aux coiffes alsaciennes de ses femmes de ménage, bien plus qu’à ses petites nymphes blafardes, couchées sur du caca, et à leur longues chevelures saurées » (« Plus que morts », Paris-Journal, 19 mars 1910). P. M.
|