Familles, amis et connaissances
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SIGNAC, paul |
SIGNAC, Paul (1863-1935), peintre néo-impressionniste français. Il s’est formé tout seul, puis est devenu l’ami de Georges Seurat, dont il a subi durablement l’influence. Il s’est en effet fait le promoteur du divisionnisme, ou pointillisme, préconisé par Seurat, au point d’avoir tendance à considérer, comme le lui reproche Camille Pissarro, que « tout l’art est dans la théorie scientifique ». Il est l’auteur d’un grand nombre de paysages, dont beaucoup de marines et de vues de ports (Les Andelys, 1886, Collioure, 1887, Cassis, 1889, Saint-Tropez, 1895, Les Calanques, 1906). Il a exposé en 1891 un Portrait de Félix Fénéon qui n’a pas été compris. Signac a été un artiste engagé : il était anarchisant et a fait partie des plus ardents dreyfusards. En dépit de leurs fraternité idéologique et de leurs convergences politiques, Mirbeau a été sévère pour Signac en tant que peintre : il trouvait sa peinture trop sèche, trop immobile et trop dépourvue de personnalité. Dans son compte rendu de l’exposition des néo-impressionnistes (L’Écho de Paris, 23 janvier 1894), il affirme ne pouvoir « [se] faire à sa peinture » et, sans méconnaître « ses qualités », qu’il se garde de préciser, et qui, selon lui, « disparaissent sous l’amoncellement de ses défauts », il lui reproche d’être un « adepte trop complaisant et trop littéral » de Seurat, d’être trop sec, de faire « la nature immobile et figée » et d’ignorer « le mouvement, la vie, l’âme qui est dans les choses ». Ce sont là des reproches à coup sûr rédhibitoires à ses yeux, étant donné ses critères esthétiques habituels. Le peintre a été ulcéré d’une critique aussi sévère, qu’il juge « injuste » et « trop de parti pris contre un artiste convaincu et sincère », dont « dix ans de travail acharné et désintéressé méritaient mieux », comme il l’écrit au compagnon Pissarro, en lui demandant d’intervenir auprès du critique. Sur le refus du patriarche d’Éragny, qui est en fait d’accord avec les jugements de son ami, Signac expédie directement à Mirbeau une lettre de protestation écrite ab irato, mais qui témoigne de son embarras : il lui faut bien réagir à une critique par trop brutale, manifester, sinon son indignation, du moins son sentiment d’une profonde injustice et, pour cela, fournir des justifications allant à l’encontre du jugement du critique ; mais, de l’autre, Mirbeau étant une puissance avec laquelle il lui faut bien compter, il convient de le ménager à toutes fins utiles, d’où son extrême prudence dans l’expression de ses désaccords. Ne souhaitant pas polémiquer, il préfère mettre l’accent sur ce que l’écrivain attend de lui et le croit capable de faire plutôt que sur les critiques acerbes de son manque de personnalité artistique et de son incapacité à traduire la vie en peinture. De même, il cherche à souligner son appartenance à un groupe ayant le même intérêt, et dont on ne saurait donc dissocier les membres et, surtout, à mettre en lumière la totale autonomie de sa recherche par rapport à Seurat, en distinguant soigneusement ce qui relève d’une technique commune et ce qui est propre à la personnalité de chaque peintre. Enfin, il insiste sur son refus de toutes les coteries, « en-dehors » desquelles il a vécu et poursuivi son travail. Cette lettre ne semble pas avoir convaincu Mirbeau, qui ne daignera plus signaler le nom de Signac. Mais, chose curieuse, il n’en avait pas moins deux œuvres de lui dans sa collection, dispersée en 1919 : deux petites aquarelles représentant Rotterdam et Chioggia. P. M.
Bibliographie : Christian Limousin et Pierre Michel, « Octave Mirbeau et Paul Signac », Cahiers Octave Mirbeau, n° 16, 2009, pp. 202-210.
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