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DETAILLE, édouard |
DETAILLE, Édouard (1848-1912), peintre académique français. Élève de Meissonier, il s’est spécialisé dès 1868 dans les scènes de batailles (La Halte des tambours, Charge du 9e régiment de cuirassiers, Salut aux Blessés, La défense de Champigny, Le soir de Rezonville) et a chanté l’épopée napoléonienne (Vive l’empereur !, Grenadier de la Garde). Il a aussi réalisé, avec Alphonse de Neuville, deux immenses panoramas de batailles de la guerre de 1870 et exécuté 390 dessins et aquarelles pour un volume de Types et uniformes de l'Armée française. La plus célèbre de ses grandes machines patriotiques est Le Rêve (Musée d’Orsay), qui a triomphé au Salon de 1889 et a été tourné en ridicule par Mirbeau. Ce dernier a toujours été réfractaire à la peinture de Detaille, qu’il a trouvé par trop surestimé, même si, à ses débuts de salonnier, en 1874, il a noté la « puissance d’effet remarquable » de sa toile de Reischoffen. Sa détestation de l’art académique se double, en l’occurrence, de son refus absolu de toute tentative d’héroïsation de cette monstrueuse barbarie qu’est la guerre : « J’ai la plus profonde horreur des tableaux militaires », avoue-t-il le 16 mai 1886 dans La France. Aussi s’est-il employé à les désacraliser. Dès 1885, il fait mine de ne voir en Detaille qu’un simple fournisseur d’uniformes : « La maison Detaille et Cie, fournisseur des cours étrangères, tient toujours avec le même succès la confection des costumes militaires. Elle fait aussi sur mesure. Elle promet une prime de cinquante francs à celui qui découvrira qu’il manque un bouton à une tunique, un passepoil à un pantalon, un porte-mousqueton à une giberne » (« Aquarellistes français », La France, 7 février 1885). Mais c’est surtout Le Rêve (Musée d’Orsay), devant lequel les patriotes tombent en extase, qui suscite sa dérision : « Jusqu'ici nous nous imaginions que les soldats, abrutis de disciplines imbéciles, écrasés de fatigues torturantes, rêvent – quand ils rêvent – à l'époque de leur libération, au jour béni où ils ne sentiront plus le sac leur couper les épaules, ni les grossières et féroces injures des sous-officiers leur emplir l'âme de haine. Nous croyions qu'ils rêvaient à de vagues vengeances contre l'adjudant et le sergent-major, qui les traitent comme des chiens. [...] À voir le petit soldat se promener si triste, si nostalgique, il était permis d'inférer que, après les dures besognes et les douloureuses blessures de la journée, ses rêves de la nuit n'étaient ni de joie, ni de gloire. M. Detaille nous prouva que tels, au contraire, étaient les rêves du soldat français. Il nous apprit, avec un luxe inouï de boutons de guêtres, en une inoubliable évocation de passementeries patriotiques, que le soldat français ne rêve qu'aux gloires du passé, et que, lorsqu'il dort, harassé, malheureux, défilent toujours, dans son sommeil, les splendeurs héroïques de la Grande Armée, Marengo, Austerlitz, Borodino. [...] Il fallut bien s'incliner devant cette œuvre, qu'on eût dite – selon le mot d'un juré – peinte par la Patrie elle-même"... (« Les Peintres primés », L’Écho de Paris, 23 juillet 1889). P. M.
Bibliographie : Octave Mirbeau, « Les Peintres primés », L’Écho de Paris, 23 juillet 1889 ; Laurence Tartreau-Zeller, Octave Mirbeau - Une critique du cœur, Presses du Septentrion, Lille, 1999, pp. 158-257.
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