Familles, amis et connaissances
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HALEVY, ludovic |
HALÉVY, Ludovic (1834-1908), célèbre auteur dramatique. En collaboration avec Henri Meilhac, il a écrit nombre de comédies et de livrets d’opéras-bouffes pour Offenbach, notamment La Belle Hélène (1864), La Vie parisienne (1866), Orphée aux enfers, La Grande-duchesse de Gerolstein (1867), au spectacle de laquelle le jeune Mirbeau s’est fort amusé, La Périchole (1868), d’après Mérimée, Froufrou (1869), La Boule (1875). Il a aussi publié Les Petites Cardinal (1880), La Famille Cardinal (1883), et perpétré un roman insipide, L’Abbé Constantin (1882 ; édition illustrée par Madeleine Lemaire en 1888), dont s’est beaucoup moqué Mirbeau. Le jugement de Mirbeau à l’égard d’Halévy est ambivalent. D’un côté, il a rendu hommage au librettiste d’Offenbach, tout en attribuant à son complice Meilhac la plus grande part de l’esprit dont témoignent les opérettes et opéras-bouffes perpétrés par le fameux trio ; et même, sur le tard, il reconnaît la portée potentiellement subversive de leur saine et irrespectueuse et gaieté (voir « L'Opérette », Le Journal, 2 février 1902). Mais, de l’autre, et le plus souvent, il fait preuve à l’égard d’Halévy d’une très grande sévérité. Pourquoi ? Parce que Halévy, « littérateur aimable » qui « ne dépasse pas la moyenne », ne s’est pas contenté d’avoir banalement « écrit de charmantes petites choses, d'un parisianisme assez vif et à la portée de toutes les intelligences » et de « collaborer, avec M Henri Meilhac, à des opérettes gaies et à des comédies légères ». Il a eu aussi de dérisoires ambitions académiques et s’est donc cru obligé, pour les satisfaire, de perpétrer un roman qui fût « le plus mauvais possible » : L’Abbé Constantin, « d'où l'on ne peut dégager ni une page de style, ni une observation curieuse, ni de l'esprit, ni de l'émotion, ni le plus léger grain d'art, ni rien de ce qui constitue de la littérature, un roman-néant, un livre qui, par sa fadeur, eût découragé Berquin ». Mais c’est justement cet Abbé Constantin, déjà vilipendé dans Les Grimaces, qui, ironie de la vie, « décida les immortels à recevoir M. Halévy parmi eux » (La France, 10 décembre 1884). À vrai dire, ajoutera Mirbeau lors de la réception du nouvel immortel, cette production soporifique n’était même pas indispensable : « M. Ludovic Halévy n’eût rien produit du tout qu’il serait tout de même de l’Académie, parce qu’il est écrit que les gens comme M. Ludovic Halévy qui, sous la douceur et la timidité apparente du masque, gardent une ténacité inflexible, une volonté cruelle, qui ne font rien que de calculé, rien que d’utile à leur ambition, auront le pas sur les créateurs et les artistes. Dans ce monde-là, où tout est faux, où les sous-entendus et l’hypocrisie sont la loi, l’intrigue triomphera toujours du talent. » En effet, quand on ambitionne de se faire élire à l’Académie, « ce n’est point là une question de cerveau, c’est une question d’échine. Et vous admettrez bien que, de toutes les échines contemporaines, la plus merveilleusement assouplie, celle qui, par ses désarticulations savantes et ses rares désossements, devait attirer l’attention de l’Académie, c’était l’échine de M. Ludovic Halévy » (« Notes académiques », Le Matin, 5 février 1886)... Par la suite, Mirbeau s’est apparemment plus ou moins réconcilié avec Halévy et les deux hommes ont entretenu des relations de politesse. Mais, lors de la répétition générale des Affaires sont les affaires (1903), Halévy a fait pression sur Mirbeau pour que, d’ici la première, il adoucisse un dénouement beaucoup trop brutal à ses yeux : symptôme d’une incompréhension profonde. Voir aussi la notice Opérette. P. M.
Bibliographie : Adrian Ritchie, « Mirbeau, Maupassant et l’Académie-Française – À propos de deux chroniques sur Ludovic Halévy », Cahiers Octave Mirbeau, n° 18, à paraître en mars 2011.
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