Familles, amis et connaissances
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LORRAIN, jean |
LORRAIN, Jean (1855-1906), pseudonyme de Paul-Alexandre-Martin Duval, écrivain décadent. Journaliste, il a collaboré au Chat noir, au Décadent, au Mot d’ordre, à L’Événement, où il a notamment rendu compte de L’Abbé Jules, à L’Écho de Paris, puis au Journal, où il signe ses chroniques du pseudonyme de Raitif de la Bretonne. Poète (Le Sang des dieux), dramaturge (Yanthis), et surtout conteur et romancier, il s’est spécialisé dans la peinture de personnages pervers et de milieux frelatés : Très russe (1886), Monsieur de Bougrelon (1895), Monsieur de Phocas (1901), Contes pour lire à la chandelle (1897), Le Vice errant (1901), La Maison Philibert (1904), etc. Éthéromane, syphilitique, provocateur, il affichait son homosexualité et sa dilection pour les forts des halles, se complaisait dans les milieux interlopes, jouait à la fois au dandy et au personnage scandaleux et aimait à colporter des anecdotes grivoises et à médire de tout le monde. Il a été violemment anti-dreyfusard. C’est par le truchement de Paul Hervieu que Mirbeau a fait sa connaissance au cours de l’hiver 1887, à la demande de Lorrain. Ils ne sont pas devenus amis pour autant, mais il l’a reçu quelquefois chez lui avec sa mère, et Lorrain a eu l’occasion d’évoquer, dans L’Écho de Paris du 4 juillet 1895, la maison et le jardin de Carrières-sous-Poissy. Par la suite leurs relations se sont gravement dégradées, et ils ont échangé des lettres violentes et insultantes à l’automne 1899, à une époque où l’affaire Dreyfus les avait éloignés à tout jamais. Mirbeau soupçonnait son confrère de l’honorer de lettres anonymes, s’en est plaint auprès de lui et a reçu en réponse une proposition de se retrouver sur le pré, ainsi qu’un télégramme où Lorrain qualifiait Alice de « fille de trottoir », ce qui a achevé de l’exaspérer. Le 18 décembre 1899, il lui refuse « l’honneur de [lui] envoyer des témoins » et ajoute : « N’ayez donc pas l’orgueil ou l’inconvenance de penser que ce soient les événements – vous voulez rire – qui m’aient séparé de vous. C’est tout simplement l’affreux et l’insurmontable dégoût que j’ai de votre personne. On méprise vos insultes comme on mépriserait celles d’une fille du trottoir ou d’un souteneur de la berge. Comme eux, vous êtes du ressort de la police correctionnelle. Qu’elle vous garde en attendant qu’elle vous coffre. » Et, en cas de récidive, il se propose de botter son « joli derrière à tout faire » d’un « énergique coup de pied ». La réponse de Lorrain, deux jours plus tard, est d’une violence inouïe, et aussi passablement incohérente, peut-être sous l’effet de l’éther : « Des ordures naturellement, vous écrivez, il pleut de la merde. Et du dégoût, des dégoûts, du dégoût, vous pouvez avoir du dégoût, vous, m’sieu Mirbeau, mais vous n’avez jamais eu que des intérêts, de sales intérêts qui ont dicté toute votre sale conduite et la boue vous étouffe et le fiel vous étrangle, et de rage de vous savoir percé à jour, vous voyez rouge pour ne pas voir blanc, et jaune pour ne pas voir rouge. / Des dégoûts, vous... ce que vous êtes d’abord et ce que vous étiez jadis, l’agent électoral préféré du duc de Mouchy, et vous parlez des autres. [...] Quant à vos menaces, inutile de jouer les Terreurs ! J’ai dressé des souteneurs plus malins que Bibi, j’ai même reçu plus d’un coup de couteau et je n’en suis pas mort. / Vous comprenez entre les lignes, chéri, donc, mon vieux copain, surveille tes pattes, et tais ta gueule. Je ne te raterai pas si tu bouges. Compris ? » Cela n’empêchera pas Lorrain, quatre ans plus tard, d’essayer de rentrer en grâce auprès de Mirbeau par le truchement de Jules Claretie, après le triomphe des Affaires sont les affaires à la Comédie-Française (« la plus belle pièce que j'aie vue au théâtre depuis près de dix ans », écrit-il à l’administrateur le 29 octobre 1903). En vain, naturellement. P. M. Bibliographie : Samuel Lair, « Lorrain et Mirbeau ; deux modernes », in Jean Lorrain (1855-1906) – Autour et alentours, Actes du colloque de Fécamp, Société des amis de Jean Lorrain, 2007 ; Jean Lorrain, Du temps que les bêtes parlaient, Paris, éd. du Courrier français, 1911, pp. 231-239 ; Éric Walbecq, « Jean Lorrain et Octave Mirbeau &raqu |