Familles, amis et connaissances
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XAU, fernand |
XAU, Fernand (1852-1899), journaliste français. Il a d’abord collaboré au Phare de la Loire, journal de Nantes, puis, venu à Paris, au Voltaire, au Gil Blas et à L’Echo de Paris. Il s’est spécialisé, avant Jules Huret, dans l’interview et l’enquête (par exemple, l’enquête sur les répétitions générales au théâtre), mais il n’a pas la même capacité que le grand reporter ami de Mirbeau à faire accoucher les esprits. En 1892, il a acquis brusquement une grande notoriété et une puissance certaine lorsqu’il a été nommé rédacteur en chef du Journal, quotidien lancé à l’américaine et dont le tirage ne cessera d’augmenter, pour atteindre 600 000 exemplaires vers 1900 et un million en 1913. Mirbeau voit alors en lui le « Dieu du moderne journalisme ». Alcoolique et souvent ivre, Xau est mort prématurément, le 1er mars 1899, et c’est Alexis Lauze qui a pris sa succession. Quand il est sollicité par Xau en août 1892, Mirbeau est encore sous contrat avec L’Echo de Paris. Il n’a donc pas d’emblée collaboré au Journal sous son nom et n’y fera son entrée officielle qu’en janvier 1894. Pour ses six premières contributions, du 30 octobre 1892 (« L’Orateur ») au 13 janvier 1893 (« Les Affaires au ciel »), il a dû recourir au pseudonyme de Jean Maure, derrière lequel se cache « une des personnalités les plus marquantes du journalisme et du roman contemporain », comme Le Journal l’annonce dans le chapeau précédant sa première chronique. Toujours serviable et bien décidé à faire de ce nouveau quotidien un instrument de ses combats, il est intervenu auprès de Xau, en quête de collaborateurs littéraires, pour qu’il fasse entrer au Journal, plutôt que de vieilles gloires fanées, des écrivains pleins d’avenir, « des jeunes gens ardents, combatifs, pleins du plus beau talent », tels que Bernard Lazare, Paul Adam, Remy de Gourmont – en faveur duquel il devra intervenir à maintes reprises par la suite –, Ernest La Jeunesse et Georges Lecomte ; chaque fois son entremise a été couronnée de succès, mais il a parfois bien du mal à coincer celui qu’il qualifie plaisamment de « concombre fugitif ». Pendant l’Affaire, il réussira aussi à caser au Journal Henry Bauër, chassé de L’Écho de Paris. Dans une lettre à Camille Pissarro de novembre 1892, Mirbeau dévoile les dessous du Journal et montre un Xau assailli de quémandeurs de tout poil et caressant de cyniques arrière-pensées : « Il paraît que Xau est le Monsieur le plus assailli, le plus courtisané de France, pour le moment. On voit dans son antichambre des foules respectueuses, qui attendent des jours, des semaines, des mois, la faveur d’être reçues par lui, ou seulement l’espérance de le voir. Ce sont des députés, des sénateurs, des académiciens, des évêques, des généraux, des peintres, des aéronautes. [...] Les fonds du journal ont été faits par MM. Letellier, Hersent, Couvreux, de grosses légumes d’entrepreneurs, qui ont commis des quantités d’escroqueries et de vols dans l’affaire du Panama. Ils ont fait Le Journal, pour se créer une influence, et tâcher de ne pas passer en police correctionnelle. Mais ledit Xau, qui comprend très bien que, le jour où ces brigands-là seront sauvés, ils retireront peut-être les fonds, travaille, en sous-main, pour les faire passer en correctionnelle. N’est-ce pas admirable ? » Pendant l’affaire Dreyfus, Xau est anti-dreyfusard, ce qui interdit à Mirbeau de publier au Journal ses articles dreyfusistes et rend la cohabitation difficile. Quand Xau juge que Zola a commis « une mauvaise action » en publiant « J’accuse », le 13 janvier 1898, Mirbeau réplique, dans L’Aurore du 15 janvier, que c’est Xau qui « a commis envers Zola un acte d’inconvenance » : « Je ne lui reproche pas d’avoir des idées autres que celles de Zola. Je lui reproche seulement de les avoir exprimées sur un ton qui ne convenait pas. Il était tenu à la déférence envers un homme qu’il connaît assez pour savoir que Zola est un grand honnête homme et qu’il ne commet pas une mauvaise action. » Il réaffirmera poliment son soutien à Zola six semaines plus tard, dans les colonnes du Journal, mais ne cherchera pas à se brouiller avec Xau qui, par ailleurs, en guise de compensation peut-être, souscrira au Balzac de Rodin peu avant de passer ad patres. P. M.
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