Familles, amis et connaissances
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DUBOSQ, eugénie |
Dubosq, Eugénie Augustine épouse Mirbeau (1825 – 1870), mère d’Octave Mirbeau. Elle n’avait que dix-huit ans quand elle a épousé en 1843 Ladislas François Mirbeau, son aîné de dix ans. Les jeunes mariés ont commencé par habiter pendant cinq ans avec la mère d’Eugénie dans la vaste demeure fraîchement achevée de la famille Dubosq, située à Trévières, chef-lieu de canton de la région du Bessin, dans le Calvados. La façon dont l’idylle entre Ladislas et Eugénie a pu se nouer reste un mystère. La symétrie de leurs « profils socio-familiaux » comme on dit aujourd’hui est trop frappante pour qu’on puisse écarter l’hypothèse d’une union soigneusement arrangée. Marc Antoine Pierre Dubosc, père de l’épousée, mort depuis deux ans à l’époque du mariage, a été maire et notaire à Trévières, un chef-lieu de canton sensiblement de la même importance que Rémalard, de même que Louis Amable Mirbeau a été maire et notaire à Rémalard. L’un et l’autre ont perdu leur fonction municipale en 1830 à la suite de la Révolution de 1830 qui a entraîné l’avènement de Louis Philippe. Cela incite fortement à les doter tous les deux d’une étiquette légitimiste. On a donc affaire à une union parfaitement appariée, offrant certainement, soit dit en passant, un contraste avec les conditions du mariage du père d’Eugénie, qui s’était trouvé, lui, obligé à l’âge de trente-sept ans d’adresser une « sommation respectueuse » à son père pour venir à bout de l’opposition de celui-ci à son désir d’épouser l’élue de son cœur. Il reste que la distance géographique considérable – quelque 200 km de routes secondaires – séparant Trévières de Rémalard rend assez peu plausible l’existence de relations assidues entre les familles Mirbeau et Dubosq. C’est pendant le séjour de Ladislas et Eugénie à Trévières que naissent leurs deux premiers enfants, d’abord une petite Marie le 22 juillet 1845, puis Octave le 16 février 1848. Une autre fille, Berthe, verra le jour en 1850 à Rémalard où la famille est entre temps partie s’installer définitivement dans l’ancien manoir habité jusqu’à sa mort par le père de Ladislas. On a déjà dit dans l’entrée consacrée à Ladislas Mirbeau l’amertume qui s’exprime dans les écrits d’Octave quand les souvenirs de l’éducation qu’il a reçue de ses parents affleurent dans son inspiration. Ses griefs semblent cependant concerner au premier chef son père. Si l’on excepte la peine bien naturelle qu’il exprime dans sa réponse adressée en 1870 aux condoléances reçues de l’ami Bansard des Bois à la suite de la mort de sa mère (« Mon mal est de ceux pour lesquels les consolations ne peuvent rien. »), il a peu évoqué l’existence de celle-ci dans le reste de ce que l’on connaît de cette correspondance. L’image maternelle qui s’en dégage en creux est surtout celle d’une femme effacée dans l’ombre d’un mari décidant de tout. Situation ou du moins apparence conforme aux mœurs bourgeoises de l’époque. Il est au surplus difficile d’identifier dans l’oeuvre de Mirbeau des personnages de mères offrant assez de similitudes entre elles pour qu’on puisse les identifier aussi nettement à sa propre mère qu’on peut le faire mutadis mutandis quand il s’agit de portraits de pères. Si l’on excepte celle, répugnante de rapacité, du petit Albert Dervelle dans L’Abbé Jules, les mères de ses romans meurent trop jeunes ou restent cantonnées à la périphérie de l’action. Il en est deux tout de même, qui laissent des impressions trop troublantes pour qu’on puisse les croire tout entières sorties de l’imagination de l’auteur. Il s’agit de la mère du jeune Jean Mintié, le narrateur du Calvaire et de celle de l’infortuné héros du roman Sébastien Roch. Le Calvaire fait mourir la première alors que l’enfant narrateur avait douze ans. « Je ne savais, fait dire l’auteur à cet enfant, de quoi elle souffrait, mais je savais que son mal devait être horrible, à la façon dont elle m’embrassait. Elle avait eu des rages de tendresse qui m’effrayaient et m’effrayent encore. En m’étreignant la tête, en me serrant le cou, en promenant ses lèvres sur mon front, mes joues, ma bouche, ses baisers s’exaspéraient et se mêlaient aux morsures, pareils à des baisers de bête ; à m’embrasser, elle mettait vraiment une passion charnelle d’amante, comme si j’eusse été l’être chimérique adoré de ses rêves, l’être qui n’était pas vraiment venu, l’être que son âme et son corps désiraient. » Transposition ou exacerbation de souvenirs réels ? On ne peut que se poser des questions. Le portrait en demi-teinte de la mère de Sébastien Roch, le malheureux élève du pensionnat des Jésuites de Vannes dans le roman éponyme, n’est pas moins porteur de malaise. Cette « jeune femme frêle, un peu raide » que « Sébastien n’avait pas connue » n’apparaît dans le roman que sous l’apparence fugitive d’une vieille photographie qui la montre « tenant à la main, du bout des doigts, en un mouvement maniéré, son mouchoir de dentelles ». L’enfant pressent l’existence d’une histoire cachée (un adultère ?) derrière cette image de sa mère. Et il met à profit la découverte d’une malle de vêtements de la défunte pour interroger une vieille servante, dont les réponses évasives ne font qu’exacerber son imagination. Fantasme ? Intuition ? Souvenir diffus ? Gamberges sur sa propre filiation ? « Dans une famille, a écrit un jour la psychiatre et psychanalyste de l’enfance Françoise Dolto, les enfants et les chiens savent tout, même ce qu’on ne leur dit pas… » Les questions sur la relation entre Octave et sa mère ne génèrent en guise de réponses que des espaces de clair-obscur.
M.C.
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