Familles, amis et connaissances
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JARRY, alfred |
JARRY, Alfred (1873-1907), est le fondateur de la pataphysique, définie comme « la science des solutions imaginaires », dans Gestes et opinions du docteur Faustroll (posthume, 1911). Il a mené sa vie durant une existence misérable et alcoolisée, Mirbeau et Thadée Natanson l’empêchant même, par leurs subsides, de mourir littéralement de faim. Très lié à Alfred Vallette et Rachilde, il a fréquenté un temps le milieu du Mercure de France, collaboré avec Remy de Gourmont pour L’Ymagier (1894-1895), été secrétaire du Théâtre de l’Œuvre ; puis il a collaboré à la Revue blanche, où il a connu Mirbeau, à La Plume et au Canard sauvage. Mais il a vécu le plus souvent retiré dans son petit « phalanstère » près de Corbeil. Son œuvre la plus célèbre, Ubu roi, représentée à l’Œuvre le 10 décembre 1896, lui a valu une notoriété de scandale à cause d’un retentissant « Merdre » inaugural, mais le personnage d’Ubu est vite devenu un type, auquel il s’est souvent amusé à ressembler – à l’instar de Monnier avec M. Prudhomme – et auquel Mirbeau s’est référé dans La 628-E8 (1907), pour caractériser Guillaume II en particulier et les monarques en général : « Ubu est d’ailleurs l'image la plus parfaite qu'on nous ait encore donnée des Empereurs, des Rois, et, disons-le, de tous ceux qui, à un titre quelconque, se mêlent de gouverner les hommes... ». Son œuvre combine étrangement la logique et la dérision, l’humour et la spéculation, le jeu et une conception tragique de l’homme. Il est notamment l’auteur de : César antéchrist (1895), Les Minutes de sable, mémorial (1896), Les Jours et les nuits, roman d’un déserteur (1897), L ‘Amour en visite, Messaline (1901) et Le Surmâle (1902). Ses chroniques du Mercure de France et de la Revue blanche ont été recueillies dans La Chandelle verte. Mirbeau et Jarry ont fait probablement connaissance à La Revue Blanche, au moment de la représentation d'Ubu Roi, après s’être ratés, en août 1896, lors du projet de représentation de Peer Gynt, quand Alfred Jarry, chargé de récupérer le manuscrit de la traduction de la pièce d’Ibsen par Prozor, que Lugné-Poe avait confié à Mirbeau pour avis, s’était déplacé pour rien à Carrières-sous-Poissy, Mirbeau étant alors en voyage. En août 1901, le sachant dans le voisinage, Mirbeau a invité Jarry dans sa résidence d’été de Veneux-Nadon (Seine-et-Marne). Dès son arrivée à bicyclette, le pataphysicien crotté aurait attrapé un superbe barbillon, suscitant ce commentaire de son hôte : « Depuis, on n'a jamais repris de barbillon à cette place, et Dieu sait si on a essayé de tous les engins. » (anecdote rapportée par Noël Arnaud dans Alfred Jarry, 1974, pp. 431-432). Mirbeau appréciait vivement l’humour grinçant et provocateur de son jeune confrère, son goût de la dérision et du grotesque, sa veine farcesque et loufoque, son fraternel esprit de démystification radicale, qui permettent de mieux faire face à la masse des larves, décervelées par la fameuse machine jarryque, et des “respectables” fripouilles, auxquelles ils étaient tous deux allergiques, mais qui les fascinaient également. De son côté Jarry admirait son aîné et lui a offert et dédicacé tous ses ouvrage (voir le catalogue de la vente de la bibliothèque de Mirbeau, 1919, t. I, pp. 68-69). Il a aussi rendu compte élogieusement des 21 jours d’un neurasthénique (Revue blanche, 1er septembre 1901) et de Les affaires sont les affaires, où il voit en Isidore Lechat « le cupide moderne », qui « restera aussi typique qu’Harpagon », et, dans l’accident automobile du dénouement, « le deux ex machina », la machine jouant le rôle du dieu (Le Canard sauvage, 18 avril 1903, et La Plume, 15 juin 1903). Quant au roman-patchwork de son aîné, voici comment il le perçoit : « De l’horreur, du courage, de la violence, de la tendresse, de la justice, fondus en beauté dans trois cents pages. [...] La ville d’eau où séjourne le neurasthénique prend des proportions énormes pour contenir ses formidables et burlesques hôtes, et c’est bien en effet, la société tout entière qui se cristallise dans cette vingtaine de fripouilles, admirables à force d’ignominies – et de vérité – groupées autour de la buvette. » P. M.
Bibliographie : Alfred Jarry, La Chandelle verte, Le Livre de Poche, 1969, pp. 307-309 rt 600-601 ; Pierre Michel, « Octave Mirbeau et Alfred Jarry, ou l‘amitié sans pareille d'un Don Juan de l'Idéal et d'un pataphysicien crotté », L'Étoile-Absinthe, n° 49-50, janvier 1992, pp. 3-20.
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