Familles, amis et connaissances

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Terme
GUITRY, sacha

GUITRY, Sacha (1885–1957), fils du grand acteur Lucien Guitry (1860-1925), a été acteur lui- même (il est toujours resté cabotin), avant d’entamer très jeune une brillante carrière d’auteur dramatique extrêmement prolifique (près de cent quarante pièces !), puis, entre les deux guerres, de cinéaste (Le Roman d’un tricheur, 1936). Ses débuts ont été favorisés par l’amitié et les conseils de Mirbeau, qui l’a consolé du traumatisant échec de La Clef (1907) et lui a donné le courage de persévérer quand même. Mirbeau lui a aussi donné un sérieux coup de main en acceptant de préfacer Petite Hollande (1908), qui n’avait eu que onze représentations, puis en faisant recevoir à la Comédie-Française, en 1913, sa comédie en un acte Les Deux couverts. Jamais il ne lui a ménagé ses encouragements, toujours il l’a soutenu. Parmi les autres pièces de Sacha Guitry, où se manifestent son goût du bon mot et la causticité de son esprit et où le boulevard est tempéré par l’humour, citons Chez lez Zoaques (1906), Nono (1906), Le Veilleur de nuit (1911), La Prise de Berg-op-Zoom (1912), La Pèlerine écossaise (1914), Faisons un rêve (1916), Pasteur (1919) et Mon père avait raison (1919). Sacha Guitry a été élu à l’Académie Goncourt en 1939, mais obligé d’en démissionner en 1945, pour avoir oublié de suivre le conseil de Mirbeau sur son lit de mort : « Ne collaborez jamais ! »

Mirbeau appréciait vivement son esprit, sa gentillesse, son humour, la spontanéité de sa langue, ce mélange inhabituel de jeunesse et de scepticisme philosophique, et il voyait en lui un rénovateur possible du vieux théâtre encroûté : « de la jeunesse, de la fraîcheur, de l’invention, de la grâce singulièrement jolie et prenante ; de la gaminerie aussi, où dialoguent la verve la plus délicieuse et la gentillesse la  plus imprévue… Et, ce qui surprend, ravit, inquiète un peu, chez un si jeune homme, l’expérience humaine, l’observation mélancolique, un  peu amère, et profonde , et pitoyable de la vie… Voilà ce que Sacha Guitry nous apporte sur cette vieille scène française…  Ce n’est pas rien… » (préface de Petite Hollande) . Il lui a rendu plusieurs fois visite avec leur commun grand ami Claude Monet dans sa maison normande, baptisée “Chez les Zoaques”. Sacha Guitry, de son côté, a fait figurer Mirbeau dans son premier film, tourné caméra à la main, pendant la guerre, Ceux de chez nous (1915). Et il est toujours resté fidèle à son grand aîné, qui serait mort dans ses bras, et auquel il offrira, de ses deniers, la plaque figurant sur sa maison natale, à Trévières. Il admirait sa culture, son intelligence, son intuition divinatrice, sa langue au « rythme absolument personnel », et, autant que l’écrivain, il appréciait l’ami, « unique, inoubliable, irremplaçable », et il aimait l’homme, « admirable, violent, courageux, éloquent, déterminé, capable de risquer sa vie pour une idée ».

Sacha Guitry s’est inspiré directement de son vieil ami pour imaginer le grand écrivain de sa comédie Un sujet de roman (1923), dont les deux rôles principaux devaient à l’origine être incarnés par Lucien Guitry et Sarah Bernhardt, créateurs des Mauvais bergers en 1897. Le grand écrivain, symboliquement nommé Léveillé (et qui, en 1999, se réincarnera en Michel Aumont), y est ignominieusement trahi par sa veuve, qui s’apprête à faire écrire par un nègre un roman gravement édulcoré, faute d’avoir trouvé l’original que l’écrivain a mis précautionneusement à l’abri ; mais le voilà qui ressuscite au moment même où sa femme vient enfin de découvrir que, pendant quarante ans, elle a tout ignoré de son génie, qui a aidé tant de lecteurs à vivre, et qu’elle commence à le comprendre : happy end...

P. M.

 

Bibliographie : Jean-Claude Delauney, « Mirbeau, Guitry et la Petite Hollande », Cahiers Octave Mirbeau, n° 14, 2007, pp. 236-238 ; Sacha Guitry, Cinquante ans d’occupations, Presses de la Cité, 1993, pp. 374-375, 466-475, 673-675 et 1089-1091.


GYP

GYP (1850-1932), pseudonyme de la comtesse de Martel, Sibylle Gabrielle de Riquetti-Mirabeau. Romancière prolifique, elle était d’obédience bonapartiste et, de son propre aveu, une antisémite professionnelle. Elle a été boulangiste, nationaliste et tout naturellement anti-dreyfusarde.  Elle a produit quantité de volumes, dialogues et romans, consacrés à la peinture des gens de sa classe et où s’affiche son esprit ultra-réactionnaire. Les plus célèbres sont Le Petit Bob (1882), Bob à l’exposition (1889) et Le Mariage de Chiffon (1894). Elle a aussi fait représenter une pièce, Tout à l’égout ! (1889).

En 1884, alors qu’elle était en rivalité avec Alice Regnault, alors maîtresse attitrée de Mirbeau, elle l’a accusée d’avoir tenté de la vitrioler, ce qui, à en juger par les rapports de police, n’est pas impossible, mais l’affaire s’est terminée par un non-lieu. Pour se venger, Gyp a publié, en juin 1885, un roman à clefs et à scandale, Le Druide, où elle traçait de l’ancienne théâtreuse, baptisée Mme Blaireau, un portrait fort diffamatoire, et, au passage, attaquait méchamment Mirbeau, alias le polémiste Daton, surnommé Rochefaible par dérision, qui l’avait tout aussi méchamment vilipendée dans un article odieux par ailleurs, « Littérature en justice » (La France, 24 décembre 1884). Mirbeau ayant exigé de l’éditeur Havard, sinon le retrait du volume, du moins le silence autour du livre, elle l’a alors accusé d’avoir tenté de la révolvériser, en tirant de la rue sur la fenêtre de son bureau, ce qui est hautement improbable. Puis, en octobre 1887, troisième étape de l’affaire Gyp, par des lettres anonymes, elle le fait soupçonner d’avoir été complice d’Alice dans un prétendu trafic de décorations au cours de l’été 1885… L’affaire Gyp, qui s’est terminée par un non-lieu à l’automne 1888, a empoisonné la vie de Mirbeau pendant quatre ans, comme en témoignent ses lettres à Paul Hervieu des années 1885-1888 (recueillies dans le tome I de sa Correspondance générale). 

P. M. 



            Bibliographie : Pierre Michel, « L’Affaire Gyp », Littératures, Toulouse, n° 26, pp. 201-219 ; Pierre Michel, « Introduction biographique » et notes du tome I de la Correspondance générale, L’Âge d’Homme, 2003, pp.  384 sq., 487-495 et 791 sq.


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