Familles, amis et connaissances

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Terme
LOMBROSO, cesare

LOMBROSO, Cesare (1835-1909), criminologue et anthropologue italien, auteur notamment  de : Le Génie et la folie (1864, traduit en 1889 sous le titre L’Homme de génie), où il rapproche les génies hors normes des fous ; L’Homme criminel (1876, traduction française 1887), où il développe la thèse du criminel-né obéissant à une prédestination génétique ; La Femme criminelle et la prostituée (1895), et Le Crime, causes et remèdes (1900), où il insiste sur les causes biologiques de la prostitution et de la délinquance, dédouanant ainsi la société de toute responsabilité.

Mirbeau s’est souvent élevé contre les thèses de Lombroso, socio-biologiques avant la lettre, et s’est employé à les ridiculiser, notamment dans le chapitre XIX des 21 jours d’un neurasthénique  et dans sa farce Interview (1904).  Pour lui, Lombroso n’est qu’un pseudo-savant, qui utilise son expérience médicale et ses recherches anthropométriques dérisoires dans l’espoir de protéger l’ordre social supposé civilisé, mais qui serait, à l’en croire, constamment menacé par l’existence de ces marginaux que sont les génies, les prostituées, les vagabonds et les criminels en tous genres, tous mis dans le même sac d’infamie. Pour discréditer les thèses lombrosiennes, Mirbeau entreprend une démonstration par l’absurde de leur vanité, par le truchement du docteur Triceps des 21 jours. Extrapolant les thèses de Lombroso à l’ensemble des classes dites « dangereuses », il prétend démontrer, par une « expérimentation rigoureuse », que les pauvres sont des dégénérés : « Je me procurai une dizaine de pauvres offrant toutes les apparences de la plus aiguë pauvreté... Je les soumis à l’action des rayons X... […] Le décisif fut une série de taches noirâtres qui se présentèrent au cerveau et sur tout l’appareil cérébro-spinal... Jamais, je n’avais observé ces taches sur les cerveaux des malades riches, ou seulement aisés... Dès lors, je fus fixé, et je ne doutai pas un instant que, là, fût la cause, de cette affection démentielle et névropathique : la Pauvreté... […] Je séquestrai mes dix pauvres dans des cellules rationnelles appropriées au traitement que je voulais appliquer... Je les soumis à une alimentation intensive, à des frictions iodurées sur le crâne, à toute une combinaison de douches habilement sériées... bien résolu à continuer cette thérapeutique jusqu'à guérison parfaite... je veux dire jusqu'à ce que ces pauvres fussent devenus riches... […] Au bout de sept semaines... l’un de ces pauvres avait hérité de deux cent mille francs... un autre avait gagné un gros lot au tirage des obligations de Panama... un troisième avait été réclamé par Poidatz, pour rendre compte, dans Le Matin, des splendides représentations des théâtres populaires... Les sept autres étaient morts... Je les avais pris trop tard !.. » Pour le même Triceps, tous les génies sont des fous : « Remarquez bien, mes amis, que ce que je dis de Zola, je le dis également d’Homère, de Shakespeare, de Molière, de Pascal, de Tolstoï... Des fous... des fous... des fous... »

Ce que Mirbeau reproche avant tout aux thèses de Lombroso, c’est d’attribuer à la nature, qui n’en peut mais, ce qui relève en réalité de la culture et de l’organisation sociale, et de participer à une normalisation qui condamnerait tous les artistes de génie. Elles ne sont pas seulement aberrantes du point de vue méthodologique, mais elles constituent surtout une grave menace pour qui est en quête d’émotions esthétiques et rêve de transformation sociale.

            P. M.

 

            Bibliographie : Pierre Michel,  « Mirbeau et Lombroso », Cahiers Octave Mirbeau, n° 12, mars 2005, pp. 232-246 ; Pierre Michel, « Octave Mirbeau critico di Lombroso », Colloque Cesare Lombroso de Gênes, septembre 2005.

 

 

 


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