Familles, amis et connaissances

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Terme
SEVERINE

SÉVERINE (1855-1929), pseudonyme de Caroline Rémy, a été une journaliste et une activiste anarchisante. Épouse du Dr. Adrien Guebhard (1855-1929), elle a eu une longue liaison avec le journaliste et duelliste Georges de Labruyère, qui fut son compagnon de 1885 à 1920. D’abord secrétaire de Jules Vallès, elle a pris sa succession à la tête du Cri du peuple, de 1885 à août 1888. Elle a collaboré ensuite à L’Éclair, L’Écho de Paris, au Gaulois, au Gil Blas, au Journal, et même, un temps, à La Libre parole de Drumont, pourtant violemment antisémite. Elle y a plaidé inlassablement en faveur des humbles et des démunis et appelé à une solidarité fondée sur la pitié. Pacifiste et antimilitariste, elle a naturellement été dreyfusiste et, le 5 août 1899, c’est en compagnie de Mirbeau et de Bernard Lazare qu’elle a pris le train pour Rennes, afin d’y suivre le procès d’Alfred Dreyfus (voir la notice). Féministe, elle a animé, avec Marguerite Durand, un journal entièrement rédigé par des femmes, La Fronde. Révolutionnaire, elle a collaboré à L’Humanité, jusqu’en 1923, et adhéré un temps au tout nouveau Parti Communiste. Elle est l’auteur de Notes d’une frondeuse (1893) et de Pages mystiques (1894), dont Mirbeau a parlé élogieusement.

Séverine a été la première, dès 1885, à voir en Mirbeau, l’ancien ennemi vendu aux bonapartistes (voir la notice Bonapartisme), un compagnon de route de ceux qui, comme elle, travaillent à abattre la société bourgeoise : dans Le Cri du peuple du 29 octobre, elle reproduit, sous le titre « La parole à l’ennemi », une de ses « Chronique parisiennes » parue deux jours plus tôt dans La France. C’est là le début de convergences et de sympathies qui ne cesseront de se confirmer. Dans Le Gaulois du 12 mai 1890, Séverine consacre à son aîné un très élogieux et compréhensif article, signé Renée, à l’occasion de la publication de Sébastien Roch (Le Gaulois, 12 mai 1890). Elle y admire la générosité de l’homme, son inlassable amour des humbles et sa « phrase magique », qui lui vaudra à coup sûr « la haute fortune littéraire ». Mirbeau l’en remercie avec effusion et la considère désormais comme sa sœur d’élection. Le 9 décembre 1894, il lui  consacre à son tour une dithyrambique chronique du Journal, qui a d’autant plus de poids à ses propres yeux que sa gynécophobie (voir la notice)  s’y déploie dans toute son horreur : « Séverine aura été, peut-être, la seule femme de Lettres qui, brisant les chaînes que la nature a mises à l’esprit de la femme, se soit élevée aux sommets de l’idée générale. La femme, être de sensation nerveuse et d’inconsciente pitié, généralement enfermée dans une sorte de particularisme intellectuel et moral, trouve dans le fait particulier un élément suffisant aux besoins de son esprit, un champ assez vaste aux expansions de son cœur. [...] Séverine s’attarde souvent aux faits particuliers : elle s’y complaît, s’y attendrit, s’y passionne. Or, c’est pour prendre son vol, vers les hautes questions de la vie, pour planer au-dessus des incidences négligeables, dans le grand frisson de l’univers. C’est cette faculté, unique et virile, qui rend son talent si puissant, quelquefois si âpre, en beaux accents de révoltes, contre la malfaisance des institutions et les tyrannies des sociétés capitalistes, négatrices de beauté, tueuses d’idéal. Et cette puissance, qui a retenti, à toutes les heures de tristesses et de douleurs de notre époque, garde toujours, par un prodige, le charme émouvant et le rayonnement de l’amour de la femme. »

Le seul désaccord entre les deux amis est apparu fin 1895, à l’occasion du service militaire du « petit sucrier » Max Lebaudy : alors que Séverine dénonce les passe-droit dont bénéficierait ce millionnaire fêtard entouré de parasites, parmi lesquels Saint-Cère (voir la notice), Mirbeau le dépouille de son appartenance de classe, comme il le fera d’Alfred Dreyfus, pour ne plus voir en lui que la victime de la féroce incurie des médecins militaires, qui ont fini par le tuer (voir Pitié militaire », Le Journal, 29 décembre 1895).

P. M.


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