Familles, amis et connaissances

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Terme
NATANSON, thadée

NATANSON, Thadée (1868-1951) Après des études secondaires au Lycée Condorcet, Thadée Natanson décroche sa licence de droit et prête serment, mais n’obtiendra pas son inscription au barreau. Il participe à la fondation de la Revue Blanche en Belgique, y collabore dès le second numéro par divers essais littéraires et les premiers chapitres d’un roman réaliste, Pour l’ombre. Membre dès 1887 du Cercle des Escholiers, dont il occupe les fonctions de secrétaire général d’octobre 1889 à décembre 1890, il fait monter, par Lugné-Poe, La Dame de la mer (1888) d’Ibsen en décembre 1892. Parallèlement, il fréquente les ateliers de peintres et tient, à partir de février 1893, la critique d’art à la Revue Blanche, installée à Paris depuis octobre 1891. En avril 1893, il épouse Misia Godebska puis reprend à Lucien Muhlfeld la fonction officieuse de rédacteur en chef de la revue. En 1898, il s’engage dans le combat en faveur du capitaine Dreyfus et ouvre, avec Léon Blum, les portes de la Revue Blanche aux dreyfusards. Il est l’un des membres fondateurs de la Ligue des droits de l’homme, au comité directeur duquel il siège. À partir de 1900, il collabore au Soir, puis entreprend diverses activités industrielles qui l’éloignent de la Revue Blanche, dont il laisse Félix Fénéon, habile pilote, ainsi que l’écrira André Gide, assumer la direction éditoriale.

Mirbeau a toujours été proche du groupe de la Revue Blanche, depuis le lancement de celle-ci à Paris. Mais c’est de l’affaire Dreyfus qu’il faut dater son amitié intime et durable avec Thadée Natanson. Après des divergences de vue esthétiques sur l’Art Nouveau et les Nabis, Mirbeau et Thadée se retrouvent, autour de 1900, dans une inclination désormais commune pour les jeunes peintres de la Revue Blanche, et surtout Bonnard, Vallotton et Vuillard, présents dans le musée idéal de La 628-E8  (1907). Mirbeau rédigera la préface du catalogue de la vente de la collection de Thadée, en 1908. Comme Thadée, Mirbeau ne conçoit pas la critique d’art en professionnel, mais en observateur ; comme lui encore, il distingue le combat politique de la posture critique — Forain et Renoir sont appréciés de l’un comme de l’autre. À la différence de Thadée, néanmoins, Mirbeau n’apprécie guère la révolution des matières et des formes favorisée par l’Exposition universelle, ne s’intéresse pas, tout au moins au début, aux nouveautés des arts graphiques et décoratifs.

Liés par une admiration réciproque, Octave et Thadée resserrent leur amitié par une collaboration théâtrale suivie. Pour Les affaires sont les affaires, pièce commencée à Cannes et achevée à Nice entre décembre 1900 et mars 1901, Mirbeau consulte Thadée, qui séjourne avec Misia dans la propriété de son père, à la Croix des Gardes. Désireux de faire le portrait d’un entrepreneur moderne, sans scrupules mais ingénieux, Mirbeau s’adresse à Thadée qui lui propose la production d’électricité comme exemple d’industrie moderne, et lui fournit tous les détails de la négociation avec les deux escrocs. Pour composer le personnage central, Isidore Lechat, Mirbeau et Thadée puisent dans leurs connaissances communes : Alfred Edwards, grand patron de presse, ancien propriétaire du Matin, directeur du Soir auquel avait collaboré Thadée, pourrait avoir légué à Lechat ses convictions socialistes, hypothèse étayée par le fait qu’Edwards était alors bien présent dans les vies de Mirbeau et Thadée : en juin 1900, il avait présidé une représentation de L'Épidémie, et Mirbeau, quelques jours plus tard, l’avait présenté à Misia Natanson au cours d’un gala organisé par la Ligue des droits de l’homme — Edwards épousera Misia en 1903. La première représentation des Affaires sont les affaires a lieu le 20 avril 1903, alors que la Revue Blanche vient de s’éteindre. Le succès de la pièce pousse Mirbeau et Thadée à poursuivre leur collaboration pour Le Foyer sur un sujet qui les réunit : les malversations liées aux œuvres de charité ; comme pour Les affaires sont les affaires, Thadée contribue à l’organisation des scènes auxquelles Octave donne leur forme littéraire. À l’inverse de Lechat, et contrairement à ce qu’ont imaginé les biographes de Misia, Arthur Gold et Robert Fizdale, le baron Courtin ne correspond à aucun modèle réel. En avril 1905, Mirbeau part pour la Hollande, la Belgique et l’Allemagne, voyage qui lui inspire La 628-E8. Le portrait de Thadée sous les traits du personnage de Weil-Sée, vieux Juif et ami fidèle, transpose et magnifie littérairement les relations chaleureuses qui l’unissent à Octave Mirbeau.

C. B. et P.-H. B.

 

Bibliographie : Paul-Henri Bourrelier, « Octave Mirbeau et l’art au début du XXe siècle », Cahiers Octave Mirbeau, n° 10, mars 2003, pp. 167-185 ; Paul-Henri Bourrelier, La Revue Blanche, une génération dans l’engagement, 1890-1905, Paris, Fayard, 2007, pp. 938-955 ; Paul-Henri Bourrelier, « Innovation et Écologie dans Les affaires sont les affaires », Cahiers Octave Mirbeau, 2010,  pp. 198-205.

 


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