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Terme
BAFFIER, jean

BAFFIER, Jean (1851-1921), tailleur de pierres et sculpteur français d’origine prolétarienne. Fils d’ouvrier agricole du Berry, il a eu la révélation de la statuaire en découvrant la cathédrale de Nevers. Il a été médaillé au Salon de 1883. Il est l’auteur de bronzes de Louis XI (1884), Jacques Bonhomme (1885) et Marat, qui symbolisent à ses yeux trois périodes de l’histoire de France. En 1886 , il a fait paraître un pamphlet, Le Réveil de la Gaule, ou La Justice de Jacques Bonhomme (1886). Idéaliste assoiffé de justice, incapable de supporter les crimes et les mensonges de la société dans laquelle il vit, il s’est senti une mission à accomplir, à l’instar des tyrannicides du passé : dans une crise de folie, le 9 décembre 1886, il a attaqué avec une canne-épée un député créole de Paris, Germain Casse, qu’il accusait de ne pas avoir tenu ses engagements, et qui symbolisait à ses yeux la pourriture des parlementaires. Grâce au témoignage d’un aliéniste pour lequel Baffier ne possédait pas l’entière responsabilité de son acte, il a été acquitté sous les applaudissements du public an avril 1887.

Mirbeau a été sensible à la naïveté plébéienne de cet artiste idéaliste et lui a consacre un article le jour même où s’est ouvert son procès (« Jean Baffier » Le Gaulois, 6 avril 1887). Il y exprime son admiration pour le buste de la mère de l’artiste ou celui d’une jeune Berrichonne, « chef-d’œuvre de sincérité et de grâce campagnarde ». Mais il ne saurait approuve Baffier d’avoir eu la présomptueuse ambition de sauver l'humanité par un acte symbolique. S’adressant  lui, il conclut ainsi son article : « Ô Jean Baffier, l’homme est ignoble, la vie immonde. Il en a toujours été ainsi et il en sera toujours de même. [...] Cela est triste, assurément, mais qu’y faire ? Vous êtes un artiste, un vrai. Votre œuvre est déjà belle, et vous pouvez aspirer à devenir l’un des plus grands parmi les sculpteurs de cette époque, qui a si peu de sculpteurs. Vous aimez la Nature, vous la comprenez jusque dans ses plus imperceptibles frissons. Et vous avez souffert... Je vous envie, car vous êtes parmi les heureux de ce monde. Vous avez en vous tout ce qui vaut qu’on vive, tout ce qui console de l’homme. Vos joies, vos tristesses, vos douleurs, vos passions, vos haines, tout votre rêve de créateur, faites-le chanter, et pleurer, et hurler sur les lyres énormes de pierre. Mêlez-vous de produire des chefs-d’œuvre, mais ne vous mêlez plus de guérir l’humanité : elle est incurable, ô Jean Baffier, et elle crèvera dans sa lèpre, c’est moi qui vous le dis. »

P. M.

 

Bibliographie : Pierre Michel, « Octave Mirbeau et Jean Baffier », in Berry et littérature, Chateauroux, Mémoires et documents de l'Académie du Centre, 1996, pp. 181-186.


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