Familles, amis et connaissances

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Terme
MEUNIER, constantin

MEUNIER, Constantin (1831-1905), peintre et sculpteur belge, originaire du Borinage, et d'inspiration naturaliste. Il a surtout sculpté des hommes au travail : mineurs, marteleurs, verriers, faucheurs. Mirbeau a fait sa connaissance par le truchement de Rodin. Très admiratif pour lui depuis son Salon de 1886, il révisera en baisse son jugement à l’occasion de sa bataille pour Aristide Maillol et le monument à Zola, en 1904, qui lui fera mieux percevoir les limites de son naturalisme et de son métier, auquel il est venu trop tardivement pour en avoir une parfaite maîtrise.

C'est Mirbeau qui a contribué à la notoriété de Meunier en parlant élogieusement de son Marteleur dans son « Salon » de 1886 : « belle œuvre, simple, grandiose et d’un art tel que je le rêve », car « nous sommes devant la nature même », et non face à une « académie » (La France, 7 juin 1886). Sans être dupe de l’excès du compliment, Meunier l'en a remercié aussitôt : « Est-il possible, est-ce bien vrai ? que vous pensez tant de bien du Marteleur, mon premier essai un peu sérieux en sculpture, est-ce mon humble bonhomme qui vous a inspiré la page éloquente que vous lui consacrez dans La France, ce serait devenir fou d'orgueil si... avec le demi-siècle que je porte, hélas ! sur les épaules, je ne comprenais que ma statue, conçue et exécutée avec le plus profond respect de la nature, a été pour vous l'occasion de combattre, et de bonne plume, cet art faux et de surface, cet art cosmopolite qui nivelle les peuples en leur ôtant leur caractère primitif d'originalité... Je vous remercie mille fois de vos bonnes paroles indignées. ». Sept ans plus tard, Mirbeau continue de voir en Constantin Meunier, « un considérable, un immense artiste, dont il faut parler avec ce respect et cette joie qu’on éprouve devant les créateurs de chefs-d’œuvre éternels ». Certes, il a appris tardivement le métier de sculpteur après avoir subi la révélation de Rodin, mais il est devenu, « du premier coup, presque un maître », il a continué « le grand, le douloureux poème de la mine » et « poursuivi  son rêve de pitié, de beauté et de révolte, non au moyen d’anecdotes dramatiques et de frissonnantes mises en scène, mais par la calme et simple restitution de cette figure spécialisée : le travailleur aux prises avec ce monstre, le travail » : « C’est pourquoi l’œuvre de Meunier, qui n’est que de beauté, atteint par la beauté même et par la beauté seule, sans préméditation de littérature, sans supercherie de symbolisme, à cette intensité de vérité humaine, à cette signification violente de terreur sociale. On demande parfois ce qu’est l’art anarchiste... Eh bien, le voilà. C’est le beau » (« Ceux du Champ-de-Mars », Le Journal, 12 mai 1893). Constantin Meunier est évidemment très « content » de ce dithyrambe, mais de nouveau il sait faire la part des choses, comme il l’écrit à Rodin : « Évidemment, la pitié envers les humbles entre pour beaucoup dans son lyrisme à mon égard, mais justement c’est ce qui me fait l’aimer, ce brave Mirbeau, cet esprit courageux et noble. Quelle préface à son Salon des Champs-Élysées ! »

Le jugement de « ce brave Mirbeau » va évoluer, car il va se rendre mieux compte des insuffisances du métier de son ami. Certes, il n’en continue pas moins à manifester son respect  pour la dignité d’un « artiste intéressant et méritoire » et pour « la signification humaine » de son œuvre. Mais, sur les sculptures elles-mêmes,  il en arrive à écrire presque le contraire de ce qu’il affirmait jadis. Ainsi, en 1904, dans un texte manuscrit, . il ne lui reconnaît que « deux œuvres presque belles » et regrette qu’il soit « venu trop tard à la sculpture », car, s’il éveille souvent « de  la pitié », cela ne suffit pas pour créer de « la beauté » (« Constantin Meunier »). Trois ans plus tard, au chapitre III de La 628-E8, il précise ses reproches : « Il ne sait pas toujours combiner avec harmonie un monument, architecturer un ensemble, grouper des figures... On sent trop l'effort en tout ce qu'il fait. La souplesse qui donne la vie, le mouvement à la matière, est peut-être ce qui lui manque le plus. Seul, le morceau vaut ce qu'il vaut, et le plus souvent il n'a qu'une valeur – par conséquent, une illusion – de littérature. » Et Mirbeau de rapporter l’anecdote symbolique de la statue de Zola, où le comique grinçant se mêle au tragique et qui aboutit à cette conclusion désolante pour le vieux sculpteur : « « Finalement, après des jours d'efforts, après des luttes douloureuses avec son œuvre et avec lui-même, il en vint à cette conclusion stupéfiante: que, esthétiquement, du moins, les deux figures de la Vérité et Zola s'excluaient, qu'il fallait choisir entre la Vérité et Zola et ne plus tenter de les associer l'une à l'autre, en bronze. Et il choisit Zola, réservant la Vérité pour une destination inconnue. »

P. M.

 

 

 

 

 


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