Familles, amis et connaissances

Il y a 286 entrées dans ce glossaire.
Tout A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Z
Terme
BURNE-JONES, edward

BURNE-JONES, Edward (1833-1898), peintre anglais, est une des figures majeures de la confrérie préraphaélite. Élève de Rossetti, il est marqué par les maîtres florentins, et particulièrement par Botticelli, dont il a admiré les œuvres lors de ses multiples voyages en Italie. Ses sources d’inspiration sont surtout littéraires, mais une dimension fantastique anime toutes ses œuvres. Malgré une certaine froideur et un réalisme très scrupuleux dans la mise en scène qui confèrent à ses toiles un esthétisme artificiel, son art recèle un charme désuet et un sens décoratif prononcé. C’est en 1877, à l’occasion de la première exposition de la Grosvenor Gallery, qu’il rencontre le succès. L’année suivante, lors de l’Exposition Universelle à Paris, il connaît la consécration. Le Roi Cophetua et la jeune mendiante (1884) lui vaut en France une grande réputation. Burne-Jones s’est également montré décorateur en dessinant des cartons pour des vitraux, des tapisseries, des mosaïques.

Cet artiste est pour Mirbeau le parangon de tout ce qu’il abhorre, peut-être parce qu’il est le plus anglais des peintres de la Grande Bretagne : « Non, vois-tu Burne-Jones est une des plus énormes mystifications de ce temps ! […] Et il raconte à ses familiers : “Moi, je ne suis pas un Anglais, je suis un Italien du XVe siècle !”  Pas Anglais, lui ! Pauvre petit ! C’est-à-dire qu’il résume à soi seul toute l’Angleterre burlesque ! Pas Anglais ! Mais ce n’est pas Burne-Jones qu’il devrait s’appeler, c’est Bull-John ! » (Le Journal, 28 avril 1895)  En effet, il est une des plus parfaites incarnations du génie de ce pays et le critique, comme il l’écrit à Mallarmé le 18 mai 1894, n’a que mépris pour cet art : « Mais quelle chose affreuse que l’art anglais ou, du moins, ce qu’on appelle ainsi, car il n’y a pas d’art anglais, il n’y a que l’art d’un immense pays commun à toutes les patries : Médiocrité. » S’il ne consacre aucun article à Burne-Jones, régulièrement, il le stigmatise dans ses chroniques. Ses attaques à l’encontre de ce peintre ne sont pas frontales, c’est souvent par le biais d’une comparaison, d’une allusion, d’une insinuation qu’il s’en prend à lui, mais la remarque fait mouche à chaque fois, car elle est toujours mordante et profondément ironique. Dès le premier « Portrait » au vitriol qu’il brosse dans le Gil Blas, le 27 juillet 1886, Mirbeau donne le ton. Même si le nom de Loys Jambois est fictif, derrière ce peintre, ce sont tous les artistes préraphaélites que Mirbeau ridiculise, et plus particulièrement Burne-Jones. Pour rallier le public à son point de vue, il use d’un procédé facile mais efficace : la caricature. En parodiant les mœurs de ce peintre, Mirbeau tente de jeter le discrédit sur tous les artistes qu’il exècre et qui, d’après lui, confondent l’art véritable et la parodie de l’art. Ce que le critique ne leur pardonne pas, c’est de mettre leur vie en scène, de jouer les purs esthètes alors qu’ils ne sont que des dépravés stériles. Dans la série d’articles qu’il publie dans Le Journal entre 1895 et 1897 : « Des lys ! des lys ! », « Toujours des lys ! », « Intimités préraphaélites », « Les Artistes de l’âme », « Mannequins et critiques », « Botticelli proteste ! » et « L’Homme au large feutre », Mirbeau va procéder de même. Il ne s’en prend pas directement à Burne-Jones, mais il ne manque pas une occasion de le satiriser : « Quant à Burne-Jones, il s’embrouille de plus en plus, dans le labyrinthe de ses symboles. Il ne sait plus au juste si c’est chaste ou obscène, et il lui arrive cette malchanceuse ironie d’infliger à ses tableaux des commentaires successifs et différents qui se détruisent l’un par l’autre à deux années de distance » (ibid.). Mirbeau ne cesse de vitupérer contre ses « chevaliers hermaphrodites », contre ses femmes idéales dont les « meurtrissures des yeux » proviennent de « l’onanisme, du saphisme, de l’amour naturel ou de la tuberculose » (Le Journal, 23 février 1896). Quelles que soient les œuvres de Burne-Jones que le journaliste évoque, l’impression produite est toujours identique, un profond et un incoercible dégoût. Cet écœurement, il peut l’exprimer parfois directement et en son nom propre mais, le plus souvent, cette répulsion viscérale s’extériorise par le truchement de personnages fictifs. Kariste ou Botticelli ne sont que les porte-voix des opinions de Mirbeau. En multipliant ainsi les sources de diffusion, même si, au fond, il reste l’émetteur central, le critique donne plus de poids à ses accusations. Ce n’est pas lui, contempteur des symbolistes, qui incrimine les artistes de l’âme, mais toutes les personnes sensées qui ont eu le malheur de les côtoyer. De même s’il ne nomme pas toujours Burne-Jones, comme il le fait dire à William Morris, il n’hésite pas « en des articles sacrilèges [à le] maltraiter », car les œuvres de ce peintre symbolisent à ses yeux tout ce qu’il exècre : un art contre-nature qui, non seulement n’a jamais su exprimer le moindre souffle de vie, mais a insufflé un air délétère à toute une génération.

Voir aussi la notice Préraphaélisme.

L. T.-Z.


Glossary 3.0 uses technologies including PHP and SQL