Familles, amis et connaissances

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Terme
GEFFROY, gustave

GEFFROY, Gustave (1855-1926), écrivain et critique d’art, débute dans le journalisme, en entrant en 1880 à La Justice de Clemenceau, dont il restera l’ami fidèle. Il y fait des chroniques, réunies en 1887 sous le titre Notes d’un journaliste, de la critique d’art, résolument en faveur d’un art nouveau (Pissarro, Cézanne, Rodin, Monet, sont quelques-uns des grands noms qu’il défend avec constance, à l’instar de Mirbeau, auxquels il convient d’ajouter ceux de Carrière, Focillon, ou Bracquemond, artistes révérés de façon plus relative par Mirbeau). Les huit volumes de La Vie artistique regroupent ses meilleurs articles. On lui doit aussi douze volumes sur les musées d’Europe, de 1904 à 1913, des études sur Gustave Moreau (1900), Daumier (1901), Rubens (1902), Constantin Guys (1904), Lalique (1922). Il est surtout l’auteur d’une biographie de Blanqui, L’Enfermé (1897), de récits, Pays d’Ouest (1897), de romans, comme Cécile Pommier (1924). Membre de l’Académie Goncourt dès sa création, il est administrateur de la Manufacture nationale des Gobelins en 1908.

Hommes de cœur, Geffroy et Mirbeau entament une correspondance à partir de 1888. Un  sentiment de fraternité, d’évidentes affinités nourrissent une relation qui ne prendra fin qu’avec la mort de Mirbeau en 1917 (une lettre de Geffroy à Marie Descaves, en 1913, atteste la permanence des liens de fraternité entre les deux hommes). Portés par une même affectivité, leurs sensibilités respectives trouvent à s’exprimer dans des registres assez éloignés : là où le Breton de souche se replie aisément en une attitude de résignation, parfois de colère muette, le Normand se dépense en manifestations éclatantes d’indignation et de révolte. Mais les goûts sont là, qui rapprochent ces deux caractères : une sensibilité d’écorché qui avoue sa dilection pour la solitude de la nature, volontiers bretonne, et qui aiguillonne un sentiment quasi panthéiste ; une exigence esthétique, en matière de littérature comme sur le terrain de l’art, placée très haut ; une méfiance partagée face aux institutions, aux corps constitués, aux concessions dues à la politique, davantage assumée par l’anarchiste Mirbeau que par le socialiste Geffroy ; une compassion sincère, enfin, pour la misère des perpétuelles victimes de l’ordre social, mieux incarnée en la figure impécunieuse de Geffroy, que sous les traits du grand bourgeois Mirbeau. L’affaire Dreyfus les verra embrasser tous deux la cause du capitaine, et, une fois n’est pas coutume, Geffroy se laisse aller à un lyrisme qui n’est pas de composition : « Excellent déjeuner à Bordeaux, arrosé d’une excellentissime bouteille pour fêter l’arrestation du colonel Henry. Enfin, voilà les documents de Cavaignac, fabriqués par ce salaud ! » Reste que la sensibilité de Geffroy le dispose surtout au rôle d’intercesseur affectueux, tentant par exemple de rafistoler les morceaux d’une amitié momentanément brisée entre deux personnalités aussi fortes que Mirbeau et Rodin. Ce dernier est lucide, au vrai, qui verra chez Monet, Mirbeau et Geffroy les âmes fraternelles qui réconfortent : « À vous donc, mon cher ami, mon compagnon de route, avec mon très cher Mirbeau et Geffroy, groupe que j’aime. » Il est vrai que l’année 1889 matérialise pleinement la solidité des liens littéraires et artistiques entre les deux écrivains : la préface au catalogue de l’exposition Monet-Rodin chez Petit est répartie sur les deux têtes, Mirbeau se chargeant de Monet, Geffroy de Rodin. Du reste, nombre de préfaces verront le jour, les deux auteurs s’en étant fait une manière de spécialité. C’est aussi la dimension du critique d’art qui, chez Geffroy, incite Mirbeau à lui consacrer la seule chronique dont il fasse l’objet, parmi les Combats esthétiques Gustave Geffroy »). Paradigme du critique impressionniste, proche de la nature, Geffroy, par la richesse suprême de ses sensations, sert de repoussoir à la critique dogmatique,   poussiéreuse et impersonnelle des Sarcey et consorts. Stylisticien consommé, savant évocateur de formes, esprit philosophe, Geffroy comble les attentes de Mirbeau sur le terrain du discours esthétique.

L’ombre portée de Goncourt, plus que de Daudet, « éclaire » une part de l’héritage naturaliste des deux cadets, tous deux portés par l’attention à la misère humaine et la quête d’une écriture impressionniste qui puise à l’occasion dans la recherche du mot rare et de la syntaxe neuve. En 1896, à la mort de Goncourt, les deux artistes figurent sur la liste de la future Académie, Geffroy en tant que huitième et dernier couvert. Les correspondances respectives des deux hommes sont jalonnées de notations au jour le jour qui accusent l’importance accordée à ce moment chaotique de l’histoire littéraire. Sa naissance au forceps, l’affaire de l’élection de Jules Renard à la mort de Huysmans, l’attribution des prix, ponctuent d’autant de rencontres l’accord fondamental entre Mirbeau et Geffroy.

Non encore éditée, la correspondance générale de Geffroy jette une lumière intéressante sur les rapports entretenus par les deux hommes. En filigrane d’un amitié sincère et réciproque, se développe l’admiration de Geffroy pour le maître Mirbeau ; certains courriers sont inattendus, comme cette lettre de Geffroy à Descaves, qui demande à ce dernier un compte rendu du Journal d’une femme de chambre à passer dans Le Journal : en vain…

S. L.

 

Bibliographie : Samuel Lair : « Quelques observations sur les relations de Mirbeau et Geffroy à travers leur correspondance », Cahiers Octave Mirbeau, n° 16, 2009, pp.90-98 ; Christian Limousin, « L’ami Geffroy », Cahiers Goncourt, n° 4, 1995-1996, p.230-244 ; Christian Limousin, « Gustave Geffroy et Eugène Carrière », Bulletin de liaison des Amis d’Eugène Carrière, n° 8, p.16-30 ; Christian Limousin, « Un juste : Gustave Geffroy », Bulletin de la Société des amis de Maurice Rollinat, n° 36, 1998, p.32-43 ; Octave Mirbeau, « Gustave Geffroy », L'Écho de Paris, 13 décembre 1892.

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