Familles, amis et connaissances

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Terme
RENOIR, jean

RENOIR, Jean (1894-1979), deuxième fils du peintre impressionniste Auguste Renoir, cinéaste et acteur français. Après avoir tâté de la céramique, il se lance dans le cinéma, sans doute poussé par sa première femme, la comédienne Andrée Heuschling. Après quelques essais plus ou moins réussis, il se lance véritablement dans le métier avec une adaptation de Nana (1926). Malgré l’échec public qui l’oblige à vendre la quasi-totalité des toiles de son héritage, il multiplie les projets, certains sans autre intérêt que commercial, d’autres plus inspirés (Tire au flanc, avec Michel Simon, 1928), mais qui, pris ensemble, lui assurent une réputation d’habile artisan. L’arrivée du parlant lui permet de trouver sa voie et de s’imposer, des deux côtés de l’Atlantique, comme l’un des plus grands réalisateurs français. Il est considéré par  les jeunes Turcs de la Nouvelle Vague, comme un père, véritable précurseur du mouvement. Parmi tous les films qui ont jalonné sa carrière, on retiendra : La Chienne (1931), Boudu sauvé des eaux (1932), Le Crime de Monsieur Lange (1935), Partie de campagne (1936), La grande illusion (1937), La Bête humaine (1938), The River (1950), French cancan (1954), Le Déjeuner sur l’herbe (1959).

Parti aux États-Unis en 1940, il tourne, durant son séjour américain, une petite dizaine de films parmi lesquels The Diary of a chambermaid (1946), très librement inspiré du Journal d’une femme de chambre de Mirbeau (ou plus exactement d’une relecture fantaisiste et mélodramatique du théâtreux André de Lorde !), avec, dans les rôles principaux, Paulette Goddard (Célestine), Hurd Hatfield (Georges), Francis Lederer (Joseph). Quant au capitaine Mauger, il est joué par Burgess Meredith qui est également scénariste, producteur et mari de l’actrice principale ! 

Avec ce film, Renoir réalise un de ses rêves de jeunesse : porter à l’écran le roman de Mirbeau dont il s’était déjà inspiré pour l’écriture de son premier film Catherine ou Une vie sans joie (1924). Si la réception critique est bonne au point de placer le film à la huitième position des dix meilleures réalisations de l’année, le public est plus circonspect. Quant aux amateurs de Mirbeau, ils ont du mal à s’y retrouver : Georges devient le fils de Monsieur et Madame Lanlaire ; Joseph tente de voler l’argenterie de sa maîtresse, puis tue le riche capitaine Mauger, avant d’être lynché par la foule ; Georges et Célestine tombent dans les bras l’un de l’autre et – véritable happy end ! – partent vivre ensemble !

Plusieurs raisons expliquent les changements. D’abord, Renoir s’appuie sur un scénario américain écrit pour un public américain. L’histoire doit donc se soumettre à la fois aux impératifs du marché et aux contraintes du code Hays. Il n’était pas question de montre telles quelles les aventures de Célestine ! Le film est, en outre, réalisé par un exilé. En filmant en studio, Renoir sait qu’il lui est impossible de montrer la France qu’il a quittée ; il cherche donc à retrouver ce que Roger Viry-Babel nomme « le geste français » ; il essaie de reproduire des tableaux paternels. Loin de se prétendre réaliste, il veut introduire dans le récit un fantastique cruel, une théâtralité à l’état pur.

Dernier point : même si Renoir a pris plaisir à filmer Paulette Goddard, il aime beaucoup plus le capitaine Mauger que les autres personnages. Il retrouve dans cette créature mirbellienne le faune qui peuple sa filmographie et qui court depuis Partie de campagne jusqu’à Déjeuner sur l’herbe, prenant les traits tantôt de Michel Simon, de Brunius ou de Paul Meurisse. Cette légèreté burlesque plaît au cinéaste. Elle semble, en revanche, bien éloignée de l’univers désenchanté de Mirbeau.


Y. L.

 

Bibliographie : Lemarié, Yannick, « Mirbeau et le cinéma, Le Journal d’une femme de chambre de Renoir », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, pp. 374-384 ; Tesson, Charles, « Jean Renoir et Luis Buñuel - Autour du Journal d'une femme de chambre », in Nouvelles approches de Jean Renoir, Université de Montpellier III, 1995, pp. 39-61 ; Vanoye, Francis, « Trois femmes de chambre (note sur deux adaptations du Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau) », Actes du colloque de Nanterre, Relecture des “petits” naturalistes, Université Paris X, octobre 2000, pp. 451-455 ; Vitanza, Elizabeth Ann, « Lost in translation : Diary of a chambermaid (1945-1946) », in Rewriting the rules of the games : Jean Renoir in America, 1941-1947, Ph. D Thesis, UCLA, Los Angeles, 2007, chapitre IV.

 


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