Familles, amis et connaissances

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Terme
DURAND-RUEL, paul

DURAND-RUEL, Paul (1831-1922), célèbre marchand de tableaux, qui a succédé à son père, Jean-Marie Durand,  à la tête de la galerie qui porte son nom, longtemps située rue Laffitte, à Paris. Son nom est étroitement lié à l’histoire des peintres impressionnistes, car il a été le premier, et le plus durablement, à s’être intéressé à eux, à avoir acheté dès 1871 des toiles de Monet, de Pissarro et de Degas, et à leur avoir permis d’exposer leurs œuvres et de conquérir notoriété et clientèle. Ce faisant, il a pris des risques, une partie de ses clientèles étant choquée par l’exhibition d’œuvres novatrices : ainsi, c’est dans sa galerie de la rue Le Peletier qu’a eu lieu leur exposition de 1876, qui a été un fiasco ; en janvier 1882, ayant perdu beaucoup d’argent dans le krach de l’Union Générale, il a rencontré bien des difficultés pour emprunter, ne disposant que d’un stock de tableaux encore fort peu cotés. Néanmoins il a fini par se refaire et a continué à servir la cause des impressionnistes, qu’il a exposés à de très nombreuses reprises, à Paris et à New-York, mais qui, à l’exception de Renoir, ne souhaitaient pas pour autant être totalement dépendants de lui et lui ont fait quelques infidélités. En 1891, il a fondé une revue qui n’a pas duré, L’Art dans les deux mondes.

À l’automne 1884, quand Mirbeau, de retour d’Audierne, s’apprête à lancer une « véritable bataille » en faveur des impressionnistes, dans ses Notes sur l’art de La France, c'est Paul Durand-Ruel qui prend contact avec lui et l'invite à rencontrer Auguste Renoir, Edgar Degas, Claude Monet et Camille Pissarro, qui est alors le seul à refuser, n’y voyant que de la « réclame » et n’ayant « rien à voir avec cette grosse caisse ». Mirbeau se montre alors très élogieux pour Durand-Ruel, cet « oseur impénitent » dont « le nom signifie probité, dévouement artistique, lutte généreuse ». « Visionnaire » et « convaincu », Durand-Ruel est, selon lui, « en avance de plusieurs années sur le goût du public » : « C’est à lui, c’est à ses efforts persévérants, à ses entêtements, c’est à ses encouragements, que nous devons d’avoir pu donner  à quelques-uns de nos plus grands artistes, insultés et reniés, la place qu’il méritent d’avoir dans la hiérarchie de l’art. Il a été et il est encore un de nos meilleurs éducateurs » (« La Protection de l’art français », La France, 10 janvier 1885). En privé, dans ses lettre à Claude Monet notamment, Mirbeau se montre plus lucide, car il sait que si « convaincu » qu’il soit, Durand-Ruel est avant tout un marchand soucieux de tirer profit de la cote croissante de ses poulains. Simplement, dans le système marchand-critique (voir la notice) dont il est partie prenante et qui lui paraît être un moindre mal, Durand-Ruel lui semble « encore préférable à rien » (lettre à Monet d’avril 1888), et aussi préférable aux autres marchands tels que le « rastaquouère » Georges Petit.

C’est de nouveau Durand-Ruel qui sollicite l'écrivain pour lui demander, fin 1890, deux importantes contributions sur Monet et Pissarro pour sa nouvelle revue, L'Art dans les deux mondes. C’est sur l’insistance de Monet que Mirbeau finit par accepter cette proposition : « J’avais donné ma démission de collaborateur de la feuille en question. Mais collaborer avec vous, et pour vous, ça n’est plus du commerce, et j’accepte avec joie de faire l’article. Je vais écrire au père Durand à qui je dois une réponse, car il m’avait écrit, il y a bientôt huit jours, pour me prier de revenir sur ma décision. J’y reviens avec vous. Et allez donc ! » Peu satisfait de ses contributions, le critique confie à ses deux amis qu'il juge ses articles « stupides » : « L’intention est bonne ; l’exécution mauvaise. » Mais ils ne partagent aucunement cette sévérité, coutumière chez un écrivain par trop exigeant, et ils apprécient à leur juste valeur les coups de clairon qui chantent si efficacement leur los.

Bien que Durand-Ruel doive d’être passé à la postérité au soutien apporté aux impressionnistes, Mirbeau n’est pas pour autant acritique à son endroit et il lui arrive de mettre en garde le soupçonneux Monet contre les manigances du marchand. Ainsi, en juillet 1895 : « Si vous pouviez venir déjeuner un de ces matins, vous me feriez plaisir, et j'aurais des choses à vous dire, relativement à Durand. C'est très compliqué à les dire par lettres. Tout ce que je puis vous dire, c'est que ce brave homme empêche tant qu'il peut la vente des Cathédrales. » Dans une lettre du 23 novembre 1895 à Durand-Ruel, Claude Monet reprend l'accusation de Mirbeau et le marchand, piqué, s’en défend longuement par retour de courrier, sans forcément convaincre : « Il n’a jamais existé de syndicat entre Boussod, Montagnac et moi, ni rien d’analogue. Nous avons simplement été tous surpris et effrayés de la valeur que vous aviez attribuée à vos Cathédrales ; nous en avons causé ensemble et nous avons jugé que nous nous ferions tort vis-à-vis de nos clients en acceptant vos prix.  Nous aurions été forcés d’y ajouter 10 ou 15 % pour notre bénéfice. [...] Nous sommes bien obligés de compter avec toutes ces considérations sous peine de nous ruiner. [...] Ceux qui vous ont dit que j’avais tout mis en œuvre pour empêcher la vente de vos Cathédrales, pendant ou après l’exposition, en ont menti. [...] Le seul fait qui ait pu faire croire, peut-être, à quelques personnes, que vous ne vouliez plus vendre vos Cathédrales, c’est votre refus de vendre certaines d’entre elles, dont plusieurs clients m’ont demandé les prix. J’ai bien été forcé de répondre qu’elles n’étaient pas à vendre, mais j’avais toujours grand soin de faire remarquer qu’il y en avait beaucoup d’autres encore disponibles. »

 

P. M. 

 

 


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