Familles, amis et connaissances

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Terme
MENDES, catulle

MENDÈS, Catulle (1841-1909), écrivain polyvalent et forçat de la plume, engagé par contrat à produire une masse de volumes souvent bâclés dans l’urgence. Il a été tout à la fois poète, de tendance parnassienne à ses débuts (Hespérus, 1869, Odelettes guerrières, 1871), conteur et romancier à l'érotisme faisandé (Zo'har, 1886, son chef-d’œuvre, L'Homme tout nu, 1887, Méphistophéla, 1890, La Maison de la vieille, 1894, etc.) et auteur dramatique (La Reine Fiammette, 1889, Médée, 1898, Scarron, 1905, et Sainte Thérèse, 1906). Journaliste, il a dirigé La République des Lettres (1876-1877), puis La Vie populaire. Il a collaboré successivement au Gil Blas, à L'Écho de Paris et au Journal, où il a tenu longtemps la chronique théâtrale (ses chroniques de 1895 à 1900 ont été recueillies dans L’Art au théâtre). En 1900, il a été chargé par le gouvernement d’un rapport sur le Mouvement poétique français de 1867 à 1900, publié en 1903, et qui a été fort mal reçu par les poètes se réclamant du symbolisme. Il a épousé Judith Gautier, fille de Théophile, mais a longtemps vécu avec la compositrice Augusta Holmès, dont il a eu cinq enfants. Il est mort accidentellement, écrasé par un train.

Mirbeau a fréquenté un temps La République des Lettres, organe des lettres nouvelles,  et a dû alors nouer des relations d’autant plus cordiales avec Mendès qu’il s’est montré élogieux pour Augusta Holmès (voir la notice). Cela ne l’a pas empêché, quelques années plus tard, de le vilipender bassement dans un article aussi odieux que stupide, « La Littérature en justice » (La France, 24 décembre 1884), où il le traitait d’« Onan de la littérature » et de « Charlot qui s’amuse » et l’accusait d’avoir ouvert, « dans le livre et dans le journal, une véritable maison de passe ». Les deux hommes s’étaient alors courtoisement battus en duel, le 29 décembre 1884, ne s’infligeant que des égratignures. Pris de remords, Mirbeau s’est rapidement réconcilié avec Mendès  et a fait publiquement son mea culpa : « Je viens d’achever la lecture du livre nouveau de M. Catulle Mendès, et ce livre m’a ramené vers un passé déjà lointain et non exempt de remords. Je revois dans une clairière, proche de la Seine, habit bas et l’épée à la main, deux hommes destinés à s’aimer par un commun amour, par une même passion fervente des joies esthétiques, et qui pourtant allaient se ruer l’un sur l’autre. C’était M. Catulle Mendès et moi. Vous l’avez oublié, mon cher Mendès, ce méchant et déraisonnable article où, par une inconcevable folie, reniant mes propres croyances, je vous reniais vous, le poète de tant de beaux rêves, le chantre de tant d’exquises musiques. Je m’en souviens, moi, pour le haïr. Et puisque, avec cette Grande Maguet triomphante dont les lecteurs du Figaro ont savouré les tour à tour effrayantes et délicieuses imaginations, puisque, avec cette Grande Maguet, par qui grandissent encore votre renommée et votre talent, l’occasion désirée se présente à moi d’effacer cette vilaine page d’antan, laissez-moi exprimer ce que je pense de vous, car, vous le savez aujourd’hui, cet article tombé de ma plume n’a point passé par ma tête ni par mon cœur. » Ce qu’il admire chez Mendès, c’est d’avoir « fait œuvre de poète » : « Poète en ses drames que gonfle un souffle énorme d’épopée ; poète en ses études de critique, où il dit l’âme et le prodigieux génie de Richard Wagner ; poète en ses fantaisies légères d’au jour le jour, harmonieuses et composées ainsi que des sonnets ; en ses contes galants où, sous les fleurs de perversité et les voluptés féeriques et précieuses des boudoirs, percent parfois le piquant d’une ironie et l’amer d’un désenchantement ; poète en ses roman, surtout avec Zo’har, aux baisers maudits, même avec La Première maîtresse, qui ne craint pas de descendre jusque dans le sombre enfer contemporain de nos avilissements d’amour, tout arrive à son cerveau en sensations, en visions de poète, tout, sous sa plume, se transforme en images de poète exorbitées et glorieuses, la nature, l’homme, aussi bien que la légende et que le rêve » (« Impressions littéraires », Le Figaro, 29 juin 1888). Nouvel hommage trois ans plus tard dans sa fameuse interview par Jules Huret (L’Écho de Paris, 22 avril 1891) : « Mendès ! Où est-il, le poète plus exquis, plus poète, plus personnel ? Oui, plus personnel, car, enfin, elle est finie, cette légende de Mendès imitateur d’Hugo et de Leconte de Lisle ! Écoutez ce vers d’Hespérus : “Un jet d’eau qui montait n’est pas redescendu.” Et l’œuvre de Mendès est pleine de choses pareilles, il n’y a qu’à le lire ! C’est comme sa prose ; dans son dernier roman, par exemple, La Femme-enfant, qui va paraître sous peu, et dont le succès sera énorme, croyez-vous que le passage des coulisses, entre autres, n’est pas du réalisme intense ? Et les tourments d’artiste, du début de l’ouvrage, et tant d’autres pages, croyez-vous que ce n’est pas de la meilleure psychologie ? Pourquoi nous embête-t-on alors avec des étiquettes, puisqu’un même homme, un même artiste comme Mendès résume en lui toutes les qualités possibles du plus parfait des écrivains !... »

De son côté, Mendès, dès janvier 1886, a republié plusieurs des contes de Mirbeau dans La Vie populaire, puis a courageusement fait paraître le subversif Sébastien Roch (1890) en feuilleton dans L’Écho de Paris. Par la suite, il a été très élogieux pour Les Mauvais bergers et, plus encore, pour Les affaires sont les affaires, dont Mirbeau lui avait lu le premier jet alors qu’il venait juste d’en finir.

 

P. M.


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