Familles, amis et connaissances

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Terme
CHAMPSAUR, félicien

CHAMPSAUR, Félicien (1858-1934) est un journaliste et un écrivain relativement méconnu aujourd’hui. La postérité n’a retenu que ses articles acerbes et les scandales qui l’entourent. Provincial provençal audacieux, issu d’une famille modeste, il écrit à Louis Blanc, en 1876, pour obtenir une place de journaliste à Paris. L’année suivante, il débute sa carrière dans la revue du caricaturiste André Gill, La Lune rousse. Il fait ainsi son entrée dans les revues illustrées de la Bohême parisienne, entre le Quartier latin et Montmartre : L’Hydropathe, Panurge, Le Chat noir… Mais, toujours plus ambitieux, il se met à dos ses amis de la Bohême en collaborant aux grands quotidiens : Le Figaro, L’Événement, La Presse, Le Gaulois, Le Journal, Le Voltaire… Il s’illustre dans la critique littéraire, théâtrale, artistique et mondaine. Il est le premier à défendre des artistes controversés tels que Félicien Rops ou Auguste Rodin. C’est certainement dans la rédaction des quotidiens qu’il a rencontré Octave Mirbeau, qui, comme lui, se partage entre articles mondains et œuvres littéraires. Il publie son premier roman en 1882 et déclenche un scandale : Dinah Samuel est un roman à clés, dans lequel Sarah Bernhardt notamment apparaît sous les traits d’une comédienne de génie, mais cruelle et corrompue par l’argent. Il y dévoile leur aventure intime, qui s’est soldée par une rupture prompte et une haine réciproque. En 1885, il publie son premier livre illustré, Entrée de clowns, recueil de nouvelles parues dans les journaux et accompagnées d’une « ribambelle » de dessins de clowns dus aux illustrateurs les plus réputés de Montmartre : Jules Chéret, qui signe les deux plats de couverture, Théophile-Alexandre Steinlen, Albert Robida, ou encore Adolphe Willette, met en pratique son concept de « roman plastique ». Outre l’association texte-image, il essaye toutes les hybridations possibles : il greffe des nouvelles, des articles, des pièces de théâtre, des ballets ou des pantomimes dans ses romans à clés, de mœurs ou de science-fiction, mêlant les écritures et les genres. Il invente ainsi une littérature « moderniste » hybride, qui n’est pas sans rappeler l’œuvre de Mirbeau.

On ne sait pas dans quelle mesure les deux hommes se sont fréquentés et ont échangé leurs points de vue artistiques, mais deux documents attestent de leur estime mutuelle : un article élogieux de Champsaur sur Le Calvaire d’Octave Mirbeau, publié dans L’Événement le 25 novembre 1886, et une lettre de Mirbeau à Champsaur le félicitant pour son recueil de nouvelles L’Amant des danseuses, que Champsaur reproduit dans la préface de la réédition (1926). Champsaur et Mirbeau partagent donc des modalités d’écriture similaires, qu’ils ont tous deux élaborées dans l’exercice du journalisme. Ces deux écrivains-journalistes, « mutants des lettres », ainsi que Marie-Françoise Melmoux-Montaubin désigne Mirbeau, pourraient bien avoir travaillé ensemble. L’une des découvertes de Pierre Michel en témoigne : les deux hommes pourraient avoir collaboré à l’écriture de la pièce de théâtre La Gomme. Mirbeau aurait-il été le « nègre » de Champsaur ? Il subsistent encore beaucoup d’interrogations au sujet de Félicien Champsaur et de son réseau de connaissances. Ce personnage cocasse est, comme Mirbeau, un témoin de cette époque passionnante qu’est le passage au XXe siècle.

D. P-R.

 

Bibliographie : Pierre Michel, « Mirbeau, Champsaur et La Gomme », Cahiers Octave Mirbeau, n° 17, à paraître en mars 2010 ; Dorothée Raimbault, « Mirbeau, Champsaur et Rimbaud », Cahiers Octave Mirbeau, n° 17, à paraître en mars 2010 ; Félicien Champsaur, Dinah Samuel, « Collection la Bibliothèque décadente » dirigée et accompagnée d’une présentation et d’annexes de Jean de Palacio, Séguier, Paris, 1999.


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