Familles, amis et connaissances

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Terme
CEZANNE, paul

CÉZANNE, Paul (1839-1904), peintre, dessinateur et aquarelliste français. Fils d’un banquier d’Aix-en-Provence, il décide, en dépit des réticences paternelles, de se consacrer à la peinture. Après avoir commencé des études de droit, il arrive en 1861 à Paris, où il rejoint Émile Zola, l’un de ses amis d’enfance. Refusé à l’École des Beaux-Arts, il fréquente l’Académie Suisse et le Louvre, admire les maîtres anciens, Delacroix et Manet. Ses premières œuvres, empreintes d’une sensibilité romantique exacerbée, traitent de sujets violents et dramatiques : Les Assassins, L’Orgie, L’Enlèvement. C’est ce que le peintre appelle « sa manière couillarde », qui l’écarte du Salon. Après 1870, il est initié aux techniques impressionnistes par Pissarro, avec lequel il peint sur le motif à Auvers-sur-Oise et à Pontoise (La Maison du Pendu, Musée d’Orsay). Il participe aux expositions impressionnistes de 1874 et de 1877 où il est particulièrement vilipendé. Mais, voulant « refaire du Poussin sur nature », il se sépare assez rapidement de ses camarades. Son univers n’est pas celui de la vibration et des reflets changeants, des images fugitives et des constantes métamorphoses du paysage : il est à la recherche de « quelque chose de solide et de durable comme l’art des musées ». Refusé au Salon (sauf en 1882), ses œuvres ne sont visibles que chez le père Tanguy où elles sont particulièrement regardées par la jeune génération. Il n’est alors soutenu que par Huysmans et Octave Maus. Revenu dans le Midi, il s’éloigne de Zola à la suite de la publication de L’Œuvre (1886). La mort de son père le met à l’aise financièrement. Il pratique à la fois le paysage, la nature morte, le portrait, les scènes de genre. Sa série des Joueurs de cartes (1890-1895) s’inspire de Le Nain. En 1895, il entreprend le Portrait de Gustave Geffroy (Orsay), dans lequel il rompt avec le point de vue unique, mais le laisse inachevé et repart précipitamment pour Aix. Sur la recommandation de Renoir, Vollard l’expose à partir de 1895 et lui achète de nombreuses toiles. La solitude aixoise du peintre n’est brisée que par les conversations avec Joachim Gasquet et par les visites que lui font une poignée de jeunes admirateurs (Bernard, Denis, Roussel, etc.). En 1900, Maurice Denis peint un Hommage à Cézanne qui représente une nature morte du peintre, entourée des Nabis et de Vollard. À la fin de sa vie, Cézanne entreprend trois ambitieuses séries : les Montagnes Sainte-Victoire, les Grandes Baigneuses et les Portraits du Jardinier Vallier. Il dit être à la recherche d’un « art nouveau » dont il serait « le primitif ». À tort ou à raison, il passe pour le précurseur du cubisme.

Mirbeau a longtemps ignoré Cézanne. En juin 1891, alors qu’il vient de défendre Gauguin et Van Gogh, il qualifie Cézanne de « pauvre inconnu de génie » (« Rengaines », L’Écho de Paris, 23 juin 1891). À l’automne 1894, Cézanne est invité chez Monet, à Giverny. Le 28 novembre, Mirbeau le rencontre dans ce contexte, en compagnie de Clemenceau, Geffroy et Rodin. Sensible aux outrages que le peintre a subis, Mirbeau va désormais mentionner fréquemment son nom. Il le fait dès le mois suivant, dans un article du Journal consacré au legs Caillebotte (24 décembre 1894). Le peintre, immédiatement, le remercie par lettre. En 1902, il intervient pour lui faire obtenir la Légion d’Honneur. En 1904, au retour de Menton, il s’arrête à Aix pour lui rendre visite. Puis, il écoule auprès des Bernheim la vingtaine de Cézanne de la collection Pissarro, afin que la cote du peintre ne chute pas brutalement.

En 1905, dans La Revue du 15 avril, il se livre à une attaque en règle contre la politique culturelle de l’état. Il prend l’exemple de Cézanne qui vient d’être refusé d’exposition par les membres de l’Institut : « Un tableau de Cézanne, le peintre des peintres, refusé par ces infimes et insolents barbouilleurs !... Cézanne, l’expression la plus haute, la plus pure, la plus noblement émouvante, la plus extraordinaire, la plus peintre de notre art français d’aujourd’hui !... Cézanne, âme naïve et somptueuse, tourmenté du besoin déchirant de la perfection, ouvrier inflexible et ingénu comme un Primitif artiste, savant, imaginatif et splendide comme un Michel-Ange, un Giorgione, un Véronèse, un Rubens, un Delacroix !... » L’éloge se poursuit avec l’énumération de tous les mérites du peintre : « prodigieux renouveleur d’idéal, inventeur logique d’harmonies », etc. Après la mort de l’artiste, Mirbeau vante à Paul Gsell l’un des Cézanne de sa collection : « Quelle lumière ! […] Il y a une heure de la journée que Cézanne rend à merveille, c’est l’heure bleue. […] Est-ce transparent ? Et ce métier ! » (La Revue, 15 mars 1907). Dans sa Préface du catalogue du Salon d’automne de 1909, Mirbeau le nomme « le plus peintre de tous les peintres ». Ses lignes résonnent comme un éloge funèbre : « Jamais [il] n’embarrassa son œuvre de préoccupations étrangères à la peinture, [il] répudia comme une malhonnêteté tous les vains et faciles ornements, tous les escamotages, tous les trucages, et [il] respecta la nature jusqu’au point de paraître comme elle, quelquefois, enfantin, naïf et impuissant. Il chercha dans la vérité innombrable la source unique de son inspiration, et fit son unique et merveilleuse joie d’une discipline et d’un travail acharné. » Puis, il sépare Cézanne de certains symbolistes qui tentèrent de l’annexer : « De son art, ils donnèrent des interprétations extravagantes, presque cabalistiques, comme s’il se fût agi d’un auteur difficile, nébuleux ou démoniaque, alors que Cézanne n’était que simplicité, limpidité, harmonie. » Était-il impressionniste ? Non, répond Mirbeau : « On l’a enrégimenté […] et, justement, il fut le contraire d’un impressionniste, lui qui s’efforça toujours d’atteindre à la pureté, à la perfection classique. »

La collection Mirbeau comprenait quinze œuvres du peintre.

C. L.

 

Bibliographie : Gustave Geffroy, Paul Cézanne et autres textes, édition établie, présentée et annotée par Ch. Limousin, coll. « Carré d’art », Séguier, Paris, 1995 ; Octave Mirbeau, Combats esthétiques, tomes 1 et 2, Séguier, 1993 ; Octave Mirbeau, « Cézanne », préface du catalogue de l’exposition Cézanne chez Bernheim, 1914 ; Pierre Michel, « Cézanne et Mirbeau - Une lettre inédite de Cézanne à Mirbeau »,  Cahiers  Octave Mirbeau, n° 14, 2007, pp. 228-235.

 


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