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Terme
DOSTOIEVSKI, fiodor

DOSTOÏEVSKI, Fiodor (1821–1881), célèbre romancier russe, d’inspiration slavophile et chrétienne orthodoxe, qui a révolutionné le genre romanesque en mettant en œuvre une psychologie des profondeurs et en révélant la place de l’inconscient. Son premier roman, Les Pauvres gens (1848), qui a suivi une longue nouvelle, Les Nuits blanches (1846), a été encensé par la critique. Mais il lui a fallu l’expérience d’une condamnation à mort et d’une grâce impériale in extremis, puis un séjour de quatre ans au bagne, en Sibérie, où il découvre la misère, mais aussi la spiritualité de peuple russe, pour qu’il trouve véritablement sa voie (il en a tiré la matière de ses Souvenirs de la maison des morts, 1861, traduction française 1884). Parmi ses nombreux romans, traduits en français avec plusieurs années de retard, citons Stépanchikovo et ses habitants (1859), Humiliés et offensés (1861), Dans mon souterrain (1864), Crime et châtiment (1866, traduction française 1883), Le Joueur (1866), L’Idiot (1868, traduction française 1887), L’Éternel mari (1870), Les Possédés (1871), L’Adolescent (1875, traduction française 1902) et Les Frères Karamazov (1880, traduction française 1912). Ils sont peuplés de personnages déséquilibrés, dont les comportements peuvent paraître extravagants et incohérents, tirés à hue et à dia par des postulations simultanées et contradictoires, mais dont la folie apparente peut apparaître parfois comme une forme de sagesse.

Mirbeau, qui possédait douze volumes de ses œuvres dans sa bibliothèque, a eu la « révélation » de Dostoïevski en 1885 et ses deux premiers romans avoués, Le Calvaire et L’Abbé Jules,  portent clairement l’empreinte de celui en qui il voit un « dénudeur d’âmes », dont l’exemple devrait permettre au roman de sortir de l’ornière naturaliste : « Avez-vous lu L’Idiot de Dostoïevski ? – écrit-il à Rodin en juillet 1887 –. Quel prodigieux livre ; et comme nous paraissons petits – même les plus grands – à côté de ce dénudeur d’âmes ! Cette œuvre m’a causé une vive impression, plus intense que celles de Baudelaire et de Poe : on est, avec ce merveilleux voyant, en pleine vie morale, et il vous fait découvrir des choses que personne n’avait vues encore, ni notées » (Correspondance générale, t. I, p. 684). Auprès de Paul Hervieu, il se demande « comment on peut encore lire » les grands romanciers français, « après les extraordinaires révélations de cet art nouveau qui nous vient de Russie. Avez-vous lu L’Idiot ? Quelle œuvre prodigieuse ! » (ibid., p. 686).

Mirbeau n’a consacré aucun article à Dostoïevski, mais, dans ses éloges il l’associe souvent à Tolstoï, allant même, le 19 avril 1903, jusqu’à avouer qu’il l’« admire plus encore ». La même année, il voit en Dostoïevski et Tolstoï  « les grands révolutionnaires de la sensibilité moderne » et, dans Guerre et la paix et L'Idiot, « les principaux facteurs de notre transformation morale, les plus violents réformateurs de notre sensibilité », car il n’y a pas, « chez eux, de prétentions verbales », mais « rien que le souci d'exprimer, d'exprimer la passion avec une concision si nerveuse, si aiguë, que tout notre être et nos fibres sont travaillés, en gémissent et en souffrent » (L’Aurore,  7 juin 1903). Cette révolution culturelle, Mirbeau l’associe principalement à la psychologie des profondeurs mise en œuvre par Dostoïevski, qui met en lumière les ressorts cachés, inconscients, des âmes et les contradictions entre lesquelles se débattent les hommes, comme il l’explique dans une lettre à Tolstoï de 1903, où il unit de nouveau les deux romanciers russes : « Vous nous avez appris à déchiffrer ce qui grouille et gronde, derrière un visage humain, au fond des ténèbres de la subconscience : ce tumulte aheurté, cette bousculade folle d’incohérences, de contradictions, de vertus funestes, de mensonges sincères, de vices ingénus, de sentimentalités féroces et de cruautés naïves, qui rendent l’homme si douloureux et si comique… et si fraternel !… » Mais il ne partage évidemment pas la foi chrétienne du Russe, ni son panslavisme, dont il ne dit mot.

P. M.

 

Bibliographie : Alexandre Lévy,  « Mirbeau lecteur de Dostoïevski », Cahiers Octave Mirbeau, n° 2, 1995, pp. 139-154 ; Pierre Michel, « Octave Mirbeau et la Russie » Voix d'Ouest en Europe, souffles d'Europe en Ouest, Presses de l'Université d'Angers, 1993, pp. 461-479 ; Pierre Michel, « L’Abbé Jules : de Zola à Dostoïevski », préface de L’Abbé Jules, Édition du Boucher, 2003, pp. 3-18.


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