Familles, amis et connaissances

Il y a 286 entrées dans ce glossaire.
Tout A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Z
Terme
ARCHINARD, louis

ARCHINARD, Louis (1850-1932), militaire français, qui s’est notamment illustré par la conquête du Soudan (le Mali d’aujourd’hui). Ancien polytechnicien, sous-lieutenant en 1870, il a été envoyé en mission en Indochine, puis, en 1880, au Soudan, où il s’est emparé de Segou, en 1890, et de Djenné, en 1893, mettant fin à l’empire Toucouleur et faisant entrer le Soudan dans l’Afrique Occidentale Française. Il a été nommé général de brigade en 1896, puis général de division, en 1900, et a multiplié par la suite les responsabilités et les honneurs au sein du haut état-major.

Pour Mirbeau, le général Archinard incarne, dans toute son horreur, le militaire colonialiste, bardé de préjugés racistes et de sanguinaire bonne conscience. Il a donc entrepris de démystifier d’importance l’image de civilisateur qu’il s’est acquise. Dans un de ses contes cruels, « Maroquinerie » (Le Journal, 12 juillet 1896), il place en exergue trois citations emblématiques, pêchées, selon lui, dans La Gazette européenne, où « cet illustre conquérant » aurait exposé  « ses plans de colonisation », que Mirbeau qualifiera ironiquement de « simples mais grandioses » au chapitre IX des 21 jours d’un neurasthénique (1901), où il reprend l’essentiel de son conte de 1896. Les voici : « Plus on frappera les coupables ou innocents, plus on se fera aimer » ; « Le sabre et la matraque valent mieux que tous les traités du monde » ; « ... En tuant sans pitié un grand nombre ». On comprend qu’il ait eu envie de voir de plus près ce brave militaire, aux idées aussi radicales qu’hygiéniques, et que, comme le narrateur des 21 jours, cinq ans plus tard, il se soit rendu « chez ce brave soldat, dans le but patriotique de l’interviewer ». Au cours de cette interview, évidemment imaginaire, le « grand Civilisateur soudanais » lui montre avec une fierté comique les murs qu’il a fait couvrir de « peaux de nègres », cent neuf au total, soit « la population d’un petit hameau », histoire de ne rien perdre de la matière première de tous les Africains dûment massacrés par ses soins. Car, s’il est vrai que, « malheureusement, le nègre n’est pas comestible », sauf à la rigueur, si on l’accommode en conserves « pour la troupe », en revanche le « cuir » de nègre est  « joli… solide… inusable » et on peut l’utiliser pour « fabriquer de la maroquinerie d’art », et même « des gants pour le deuil »...  Mirbeau va jusqu’à  faire dire à ce doux civilisateur idéaliste : « Je ne connais qu’un moyen de civiliser les gens, c’est de les tuer... Quel que soit le régime auquel on soumette les peuples conquis... protection, annexion, etc., etc., on en a toujours des ennuis, ces bougres-là ne voulant jamais rester tranquilles... En les massacrant en bloc, je supprime les difficultés ultérieures... »

Il est à noter que Paul Reboux et Charles Muller se sont souvenus de « Maroquinerie », en 1910, pour rédiger leur remarquable « à la manière de Mirbeau », intitulé « Pour les pauvres » (voir la notice Parodie).

P. M.

 

 

 

 

 


Glossary 3.0 uses technologies including PHP and SQL