Familles, amis et connaissances

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Terme
BONNETAIN, paul

BONNETAIN, Paul (1858-1899), écrivain aujourd’hui méconnu,  à la personnalité complexe,  et aux prises de position souvent contradictoires. Il a laissé une œuvre importante qui marqua ses contemporains et lui apporta le succès et le reconnaissance de ses pairs.  Il eut une existence nomade, riche en expériences (on le disait opiomane) et en déboires financiers. Après un volontariat  dans l’Infanterie de Marine, il débute dans la presse grâce à Catulle Mendès, qui publie ses premières nouvelles alliant souvenirs exotiques et réalisme. Marqué par l’influence de Zola et Goncourt, qu’il ne tarde pas à fréquenter, Bonnetain devient un fervent naturaliste. Il reste célèbre pour son Charlot s’amuse (1883), roman sur l’onanisme, mal desservi par un titre trouvé par Zola, roman qui lui valut le surnom tenace de « Bonnemain » et d’être inquiété par la justice.  Par la suite, ses oeuvres  sont marquées par ses tentatives de renouvellement des théories zoliennes à travers notamment le recours à l’exotisme colonial  auquel l’a familiarisé ses nombreux voyages. L’Opium (1886), Le Nommé Perreux (1888), Passagère (1892) sont des romans pionniers à plus d’un titre. Il fut aussi l’instigateur du « Manifeste des Cinq » (Figaro du 18 août 1887), protestation par laquelle ceux que Jules Huret nommera les « néoréalistes » reniaient Zola, lui reprochant son obscénité ! Bonnetain fut mêlé à de nombreuses polémiques à cause de prises de position souvent passionnées (défense de Jean Grave contre la Société des Gens de Lettres, critiques des institutions militaires et coloniales). Écœuré par la vie parisienne, les coteries littéraires et les compromissions de la presse, il devint administrateur colonial (en Afrique puis en Indochine). Il continua à écrire, notamment des nouvelles et des poèmes en prose, Dans la brousse, sensations du Soudan (1895) et un   dernier roman,  L’Impasse (1898), qui passa inaperçu. Il trouva la mort dans des circonstances encore mystérieuses – épuisement d’après la version officielle, suicide, selon certains, dont Rosny. Peu avant sa mort, alors qu’il était lui-même en conflit avec ses supérieurs militaires, Bonnetain avait apporté son soutien à  Zola au moment de l’Affaire Dreyfus.

Les relations entre Mirbeau et Bonnetain restent mal connues. Elles semblent avoir débuté autour d’une controverse. Critiquant un vocabulaire fait de mots obscènes et de néologisme incongrus, Mirbeau révélait  dans « Un crime de librairie »  que Bonnetain ne s’était pas contenté de signer la préface des Mémoires de Sarah Barnum (1883), roman calomnieux dans lequel  Marie Colombier, sa maîtresse, réglait ses comptes avec son ancienne camarade Sarah Bernhardt. Mirbeau et Bonnetain s’affrontèrent en duel le 17 décembre, mettant fin à un contentieux vraisemblablement plus ancien (Mirbeau aurait découvert que Bonnetain avait égratigné son article Le Comédien). Par la suite, Mirbeau, qui avait  blâmé le « Manifeste des Cinq », témoigne à nouveau du peu d’enthousiasme que lui inspire l’écriture de  Bonnetain : « Que dites-vous du Nommé Perreux ? Cela me semble une pâle copie de Zola avec des choses bêtes qui sentent leur Bonnetain d’une lieue. » (lettre à Paul Hervieu de septembre 1887).  Quelques mois plus tard, il félicitera pourtant Bonnetain à propos du même roman : « Le commencement en est très joli de sentiment, d’observation, de netteté des choses et des êtres. » Il est vrai qu’entre-temps Bonnetain, qui était devenu secrétaire de la rédaction du Supplément littéraire du Figaro, y avait fait publier le 18 mars 1888  « Histoire d’une minute ».  Les deux écrivains semblent suffisamment intimes pour que Mirbeau invite Bonnetain à venir le voir chez lui à Kérisper durant l’été de cette même année. Mais il semble qu’ils se soient définitivement brouillés à cause  d’un feuilleton sur la Bretagne qui sera refusé par le Supplément littéraire du Figaro, que Mirbeau utilisera dans Sébastien Roch : « Le Figaro m’irrite, et j’en suis avec Bonnetain presque aux gros mots. Figurez-vous qu’il ne publie pas mon feuilleton, et qu’il ne veut pas me le rendre. […] Je vais réclamer mon article par huissier. » (lettre à P. Hervieu, 30 août 1888).

F. D.

 

Bibliographie : Frédéric Da Silva, « Mirbeau et l’affaire Sarah Barnum – un roman inavoué de Paul Bonnetain ? », Cahiers Octave Mirbeau, n° 17, 2010, pp. 176-189 ; Octave Mirbeau, « Un crime de librairie », Les Grimaces, 15 décembre 1883 ; Anonyme, L’Affaire Maire Colombier – Sarah Bernhardt. Pièces à convictions, Paris, Chez tous les libraires, 1884.  


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