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Terme
BOFA, gus

BOFA, Gus (1883-1968), dessinateur, illustrateur, affichiste, écrivain, critique, dramaturge, crée en 1919 le Salon de l’Araignée, pour pousser les dessinateurs ayant quelque chose à dire et une façon personnelle de le dire. Deux pamphlets féroces, Chez les Toubibs et Le Livre de la Guerre de Cent Ans, qui fustigent la folie guerrière, lui valent le respect de ses pairs. La vogue du livre d’art, dans les années 20, lui permet d’illustrer de façon décorative et cérébrale de grands classiques de la littérature, tels Don Quichotte ou L’Assassinat considéré comme un des beaux-arts, mais aussi des auteurs contemporains, partageant sa vision inquiète et misanthrope de l’existence, comme Georges Courteline ou Pierre Mac Orlan. Gus Bofa va ensuite démontrer que le dessin est une écriture en développant une œuvre singulière et solitaire, lucide et désespérée. Malaises, La Symphonie de la Peur ou La Croisière incertaine montrent une humanité désolante et désolée, animée par la Peur, en route vers des catastrophes plus ou moins décoratives.  

Les chemins de Bofa et Mirbeau se croisent d’abord par hasard, le dessinateur réalisant en 1910 une campagne publicitaire iconoclaste pour Charron Ltd (fabriquant de la désormais fameuse 628-E8) et dirigeant entre 1911 et 1914, la rubrique « La Vie drôle » au Journal, le quotidien où Dingo paraît en feuilleton en 1913.

En 1923, Synthèses littéraires et extra-littéraires invente la critique littéraire graphique et présente Mirbeau sous les traits d’un démiurge compatissant, tentant de rafistoler ses infortunées créatures. Bofa partage avec l’auteur du Jardin des Supplices, qu’il décrit comme « un bâton de guimauve, peint au minium comme du fer », une sensibilité exacerbée. Regardant en face l’horreur de la condition humaine, ils dissimulent sous un rire sans joie la violence de leur colère et de leur pitié.

En 1935 les Éditions Nationales publient les Œuvres illustrées d’Octave Mirbeau. Deux volumes, Dingo et le Théâtre, sont confiés à Bofa, qui évoquait, dans le Crapouillot en 1929, la difficulté d’illustrer Mirbeau : « L'âpreté douloureuse du parti pris psychologique, et l'humeur joyeusement féroce, sont les deux foyers du style de Mirbeau. Dualité dangereuse où sombrèrent maints illustrateurs. J'entends ceux qui étaient capables de la connaître. »

À Dingo, Bofa apporte sa tendresse pour ces animaux qui « ne savent pas qu’ils ont une âme […] et pas davantage qu’ils ont une Famille, une Patrie et qu’il y a un Dieu. » Grand dessinateur animalier, comme le prouvent Zoo et les Fables de La Fontaine, il donne ce commentaire « honnêtement canin » que voulait Mirbeau et, contrairement au romancier, ne cède jamais à l’anthropomorphisme ou au symbolisme. Dingo est d’abord un chien, et rien d’autre qu’un chien. Ainsi, il n’y a rien d’humain dans la façon dont il observe son maître au chevet de sa femme, mais une inquiétude toute animale.

            Le Théâtre ne propose en fait que trois pièces : Les Mauvais bergers, Les affaires sont les affaires et Le Foyer. Retrouvant la simplicité du théâtre de marionnettes d’Alfred Jarry, Bofa plante les personnages sur une scène esquissée, dans un décor minimaliste, et les représente, non comme le dramaturge les décrit, mais tels que la lecture les lui fait voir. La vérité des attitudes mène à celle des caractères, même si, pour l’obtenir, Bofa torture sans pitié le corps humain.

Son trait spontané et expressionniste, tout en repentirs et en mouvements, est décrit, a priori, dans Dingo : « Ce sont les disproportions de ses formes et leur apparent désaccord, “ses fautes de dessin”, dirait l’École des Beaux-Arts, son aspect radieusement caricatural qui me ravissent et qui rendent si émouvants, pour moi, barbare, cette fleur d’esquisse, ce prestige tout neuf d’une chose qui commence. »

Si  le frontispice du Théâtre aligne les personnages, bons et méchants, riches et pauvres, tels les pantins d’un jeu de massacre, Bofa, plus pessimiste au fond que Mirbeau, fait entrer, à la fin des Mauvais bergers, ce deus ex machina : un lignard attend docilement l’ordre de tirer sur les grévistes, avec cette légende cruelle : « Le soldat inconnu ».

E. P.-D.

 

            Bibliographie : Gus Bofa, Synthèses littéraires et extra-littéraires, éditions Cornélius, 2003 ; Octave Mirbeau, Dingo, dessins de Gus Bofa, les Éditions nationales, 1935 ; Octave Mirbeau, Théâtre, dessins de Gus Bofa, les Éditions nationales, 1935 ; Emmanuel Pollaud-Dulian, « D’un pessimisme l’autre : Gus Bofa illustrateur d’Octave Mirbeau », Cahiers Octave Mirbeau, n°12, 2005, pp. 206-231 ; Emmanuel Pollaud-Dulian, « Gus Bofa et la publicité Charron Limited », L’Europe en automobile – Octave Mirbeau écrivain voyageur, Presses Universitaires de Strasbourg, 2009, pp. 137-150.


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